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Procès putsch manqué : «Ce procès a ajouté du doute au doute» (Me Alexandre Sandwidi)

 

Me Alexandre Sandwidi a tenu la parole toute la journée du mercredi 14 août 2019 pour tirer d’affaire le soldat de première classe Amado Zongo et le caporal Abdoul Nafion Nébié. Mais avant il s’est livré à un long réquisitoire contre toute la procédure, dont il a dénoncé les tares.

 

 

Par jugement avant-dire droit, le tribunal, à l’entame de l’audience, a rejeté la demande formulée la veille par Me Alexandre Sandwidi, qui défend les intérêts du soldat de première classe Amado Zongo et du caporal Abdoul Nafion Nébié. L’avocat avait informé le tribunal avoir saisi le Conseil constitutionnel d’une requête en anticonstitutionnalité du régime de la Transition, et souhaitait par conséquent un sursis à statuer en attendant que les Sages livrent leur verdict. S’ils ont jugé la requête recevable dans la forme, Seydou Ouédraogo et les autres membres du tribunal ont estimé que l’exception de Me Sandwidi ne portant pas sur une disposition législative (un article par exemple), ils n’étaient pas tenus de suspendre le procès.

 

Débouté, l’avocat pouvait donc débuter sa plaidoirie. Pendant deux heures, il est revenu sur les nombreux griefs que les avocats n’ont cessé de dénoncer depuis le temps que dure ce marathon judiciaire. « Violation de la liberté de preuve », « vidéos falsifiées », « écoutes faites dans des conditions douteuses », « expertises qui a créé plus de problèmes que de solutions », « réquisitions à la pelle » : le conseil n’en démord toujours pas. Pour lui, dès le départ, la procédure a été viciée de telle sorte que, malgré la bonne volonté du président Seydou Ouédraogo, l’instruction à la barre n’a pu permettre de réparer le mal.

 

Autre vice de ce procès, c’est l’inversion de la charge de la preuve selon Me Sandwidi. « Il fallait que chacun dise où il était les 16 septembre et jours suivants, et ce qu’il faisait alors qu’il appartenait au parquet de dire par exemple : Zongo Amado et Abdoul Nafion étaient à tel endroit et faisaient ceci. Ça n’a pas été le cas », a regretté Me Alexandre Sandwidi. Le sentiment qui l’anime alors qu’on s’achemine vers l’épilogue de ce dossier, c’est qu’on a ajouté du doute au doute : « Personne ne sortira de ce procès avec le sentiment d’avoir appris quelque chose de nouveau. En tant qu’avocat, nous sommes resté sur notre faim ».

 

Le doute devant profiter à l’accusé, il s’est permis ce conseil à l’endroit de la juridiction : « Lorsque vous serez en délibération, ne négligez pas le doute. Si vous n’êtes pas en mesure d’établir avec certitude la culpabilité des accusés, considérez que les faits ne sont pas établis. Ce n’est pas à vous de lever ce doute, c’était au parquet de le faire.» Et le procureur militaire aurait dû, à ce titre en ce qui concerne les victimes, dire clairement « qui a tiré sur qui ». « Au lieu de ça, on a préféré solliciter des vidéos de comédiens de la place. Des vidéos de qualité douteuse, on a eu honte à la place du parquet », a lancé le maître de la parole, qui a également insisté sur le fait que l’attentat à la sûreté de l’Etat, fait pour lequel sont poursuivis la plupart de ceux présents dans le box des accusés, est une infraction instantanée. Pour lui, l’infraction est consommée une fois qu’a été proclamé le régime du CND. Ceux, comme les jeunes soldats, qui ont exécuté des ordres après coup ne peuvent pas, selon lui, être poursuivis pour complicité de cette infraction. De même ceux qui ont arrêté les autorités le 16 septembre sont tout aussi innocents, car, a-t-il soutenu, « ils n’ont pas voulu faire un putsch ». Ils voulaient juste, a-t-il justifié, empêcher la Transition de dissoudre le RSP. Et les événements jusqu’au 17 matin étaient considérés comme une énième crise au sein du Régiment.

 

Sur la base de cette notion d’infraction instantanée, l’avocat estime que le caporal Abdoul Nafion Nébié n’aurait pas dû être impliqué dans ce dossier pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat puisque qu’on lui reproche des faits qui ont eu lieu après même la remise en selle de Michel Kafando : son opposition au désarmement. Et pour être bien sûr de se faire comprendre, il prend cet exemple : « Lorsqu’un prisonnier s’évade et vous lui enlevez les menottes, vous n’êtes pas complice de son évasion ». Tous les malheurs du caporal viendraient, selon son avocat, du fait qu’il ait fui en Côte d’Ivoire. Mais son conseil jure qu’au départ, il n’avait pas conscience de se faire la belle. Il aurait suivi le sergent-chef Ali Sanou qui lui avait demandé de l’accompagner voir un ami à Léo. C’est après que Abdoul Nafion Nébié a appris qu’il faisait partie d’un groupe de soldats recherchés, et a quitté le pays pour « sauver sa vie ». Son client n’a posé durant les événements aucun acte matériel visant à soutenir les auteurs du putsch, a plaidé Me Sandwidi, qui souhaite son acquittement. « Tout ce qu’il a fait, c’est d’aller chercher du pain pour les pèlerins », a-t-il soutenu. Il souhaite aussi voir le soldat de première classe Amado Zongo acquitté pour les faits qui lui sont reprochés. Ce dernier, a d’emblée indiqué le tenant du crachoir, n’était pas au camp Naaba Koom le 16 septembre et n’a appris la survenue du coup d’Etat que par des tiers. Il aurait reconnu cependant, sur demande du sergent-chef Ali Sanou, avoir participé le 17 septembre à des patrouilles à Ouagadougou pour, dit-il, « voir la situation sécuritaire qui prévalait dans la ville ». Hormis ces sorties, le soldat Amado Zongo faisait partie de l’équipe qui s’est rendue à Zorgho où la Radio Laafi a été incendiée.

 

L’audience reprend ce vendredi à 9h avec la défense d’un autre accusé.

 

 

 

San Evariste Barro

Hugues Richard Sama

Dernière modification ledimanche, 18 août 2019 18:23

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