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Ben Ali : L’Ogre de Carthage est mort

 Zine el-Abidine Ben Ali est décédé hier jeudi en Arabie Saoudite à l’âge de 83 ans. Il y vivait un exil de luxe depuis huit ans, après son départ précipité du pouvoir en 2011, chassé par la Révolution de Jasmin qui inaugura le Printemps arabe.  

 

C’est  au lendemain d’un scrutin présidentiel dont les résultats ont illustré un vote sanction des Tunisiens vis-à vis de leur classe dirigeante que l’ancien raïs a tiré sa révérence, comme pour se rappeler au bon souvenir de ceux qui, même s’ils sont minoritaires, regrettent l’époque où il était aux affaires. On se souvient qu’il avait abandonné le pouvoir dans une Tunisie en pleine effervescence insurrectionnelle en janvier 2011. Il quitte ce bas monde au moment où l’euphorie révolutionnaire s’est dissipée dans son pays et a fait place peu à peu au désenchantement des populations devant  l’incapacité de ses successeurs à répondre à leurs aspirations. L’ancien raïs meurt donc au moment où la Tunisie est entre doute et espoir. Le doute que la transition démocratique accouche d’institutions républicaines fortes à même d’impulser une gouvernance vertueuse du pays. L’espoir que des hommes neufs, à la faveur des élections législatives et du second tour de la présidentielle à venir, émergent de l’establishment politique avec des propositions innovantes pour combattre la pauvreté, le chômage et les inégalités sociales qui ont fait le lit de l’insurrection populaire de 2011. C’est en tout cas la lecture qui est faite de la confiance que la majorité des électeurs ont exprimée au candidat indépendant Kaïs Saïed et du magnat des médias Nabil Karoui, arrivés respectivement à la première et à la deuxième place du scrutin présidentiel de dimanche dernier.

Homme neuf et sauveur de la nation, c’est ainsi que Zine el-Abidine Ben Ali était aussi apparu au lendemain du coup d’Etat de novembre 1987 qui l’a vu déposer le père de l’indépendance, Habib Bourguiba. A l’époque, comparé à ce vieillard atteint de sénilité, Ben Ali, fringant officier de 54 ans, paraissait plus apte à relever les défis de la modernisation et de la lutte contre l’islamisme radical auxquels faisait face la Tunisie. Mais très vite, le sauveur s’est mué en dictateur, qui dirigera le pays d’une main de fer pendant 23 ans. Embastillement des opposants, notamment des islamistes, népotisme, corruption, trafic d’influence, truquage des élections, c’est un système politiquement monolithique et économiquement prédateur que celui qui promettait la démocratie en Tunisie a fini par installer dans le pays, d’où son surnom d’Ogre de Carthage. Aux premières loges de cette caporalisation politique et de captation de l’économie nationale, son clan, notamment sa seconde épouse, Leila Trabelsi, qui usait de passe-droits pour se construire un empire dans le monde des affaires.

Zine el-Abidine Ben Ali, ployant alors sous un si lourd passif démocratique et de mal gouvernance, ne pouvait quitter le pouvoir que par la petite porte, chassé par la rue. L’annonce de sa disparition a laissé la grande majorité de ses compatriotes dans l’indifférence et il serait très étonnant qu’il ait droit à des funérailles nationales malgré sont statut d’ancien chef d’Etat.

Qu’importe, des Tunisiens, fussent-ils une petite minorité, pleurent celui dont ils disent qu’il aura apporté stabilité, modernité, flux touristique, investissements extérieurs et prospérité à leur pays. En tout cas des formations politiques issues de l’éclatement du Rassemblement constitutionnel pour la démocratie (RCD), le parti fondé par le défunt président, revendiquent un tel héritage de Ben Ali.

 

Zéphirin Kpoda   

Dernière modification ledimanche, 22 septembre 2019 20:45

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