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Guinée Conakry : Il n’est pas trop tard pour reculer, Professeur !

C’est dans un calme précaire marqué par une reprise timide des activités à Conakry que se poursuit aujourd’hui le procès des 8 responsables du Front national pour la défense de la démocratie (FNDC). De fait, la Guinée a encore comme la gueule de bois après les 9 morts,  70 blessés et  200 arrestations enregistrés au cours d’une semaine particulièrement agitée sur le plan sociopolitique.

 

La raison de cela, le  FNDC, qui regroupe les principaux partis d’opposition, des syndicats et des organisations de la société civile, est vent debout contre le projet de réforme de la Constitution. Il soupçonne en effet le président Alpha Condé de paver ainsi la voie de sa réélection pour un troisième mandat en fin 2020.

Le pays a renoué donc avec les vieux démons des protestations de l’opposition violemment réprimées qui fragilisent sa stabilité et inquiètent la communauté internationale : ainsi, dans un communiqué conjoint, les représentants à Conakry de l’ONU, de l’Union européenne et de la CEDEAO ont déploré l’insuffisance de dialogue entre les acteurs politiques qui a « provoqué une escalade de la tension avec des recours à la violence, susceptible de porter gravement atteinte aux acquis démocratiques » du pays. Les Etats-Unis et la France, des partenaires traditionnels de la Guinée, ne sont pas en reste dans ce concert de désapprobations du climat sociopolitique délétère dans le pays, et leurs ambassadeurs appellent les politiques à renouer le dialogue dans le calme et la retenue « en bannissant tout recours à la violence ou un usage disproportionné de la force ».

Pas sûr que ces voix  de la communauté internationale seront entendues par les protagonistes de la crise guinéenne. Car le pouvoir d’Alpha Condé souffle le chaud et le froid, et l’on a pu entendre le ministre de l’Administration du territoire dire que le pouvoir reste ouvert au dialogue pendant que son collègue  de la Sécurité stigmatisait les manifestations de l’opposition en affirmant qu’elles sont « une action de déstabilisation de l’Etat et une sérieuse menace pour la sécurité nationale ». A quoi répond ainsi le chef de file de l’opposition : « Les innombrables intimidations du pouvoir doivent cesser. Elles ne nous feront pas abandonner le combat pour la démocratie ».

On le voit bien, opposition et pouvoir guinéens se regardent en chiens de faïence, et le fait que la police, continue ses incursions dans les quartiers populaires aux domiciles des agitateurs, ainsi que la reprise ce vendredi du procès des 8 dirigeants du FNDC ne sont pas pour ramener la sérénité nécessaire à un dialogue pour sortir de la crise. Tous les regards sont donc tournés vers le président Alpha Condé. En professeur émérite, on attend de lui un geste de pédagogue, lui qui a promis de s’exprimer en temps opportun sur l’orientation de la réforme constitutionnelle querellée. Après cette semaine de turbulences, c’est le moment ou jamais pour le professeur Alpha Condé de lever les zones d’ombre sur ses intentions. Il n’est pas trop tard pour lui de reculer et de se montrer à la hauteur du rôle historique qu’il a joué pour mettre la Guinée sur les rails d’une démocratie multipartite. A plus de 80 ans et après une décennie de magistère, il peut quitter la scène politique guinéenne par la grande porte. Alors, si tant est que la réforme constitutionnelle envisagée soit pour améliorer le système de gouvernance démocratique du pays, qu’il ne s’emmure plus dans un silence coupable à ce propos. La Guinée en a assez de compter ses valeureux fils morts, sacrifiés sur l’autel d’ambitions politiques indécentes comme celle de vouloir être président à vie.

Zéphirin Kpoda

Dernière modification lelundi, 21 octobre 2019 22:14

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