Menu

Découverte d’une bombonne suspecte : Une journée de frayeur et d’interrogations à Rayongo

Le 31 octobre 2019, les Burkinabè se remémoraient l’insurrection populaire de 2014. Mais quelque part dans le 11e arrondissement de la capitale, les esprits n’étaient pas à cette commémoration. Au lever du soleil, un engin, qui se révèlera être un explosif, a été découvert à Rayongo dans un bas-fond à seulement une dizaine de mètres d’un pont. Panique générale. Selon des témoignages, l’objet a été déposé la veille, tard dans la nuit, par trois individus venus à bord d’un taxi-moto. Appuyées par des éléments de forces étrangères, les forces de défense et de sécurité burkinabè sont parvenues à déminer l’engin, dont la nature reste méconnue. Depuis, les supputations et les interrogations vont bon train.

 

 

Aux premières heures de la matinée, l’information, comme une traînée de poudre, s’est vite répandue dans la capitale, particulièrement dans des quartiers du 11e arrondissement : « On a déposé une bombe à côté d’un pont » ; « c’est un engin métallique de la taille d’une barrique », « il semble qu’il contient un cadavre » …pouvait-on entendre çà et là, des affirmations aussi nombreuses que contradictoires.

 

L’objet suspect a, en effet, été retrouvé au fond d’un ravin asséché, à quelques mètres du pont reliant Rayongo aux quartiers Tanlarghin, Kossodo et Ouidtenga. Il était environ 9h du matin lorsque nous sommes arrivé sur place. Des éléments de la Brigade anticriminalité (BAC) étaient déjà sur les lieux, armés jusqu’aux dents.

 

La foule de curieux est tenue à l’écart. Pas question d’approcher l’objet qui n’est d’ailleurs visible que de près, enfoui dans un fossé bordé par une touffe d’herbes. Tout autour, les flics, rejoints par une équipe de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale (USIGN), effectuent des fouilles. Certains font des clichés à l’aide de smartphones. Pourrions-nous aussi voir la chose de près, nous sommes-nous interrogé avant de nous référer à l’un des agents, carte professionnelle à l’appui. « Non, nous ne pouvons vous donner cette autorisation, d’autant plus que nous ne connaissons par la nature de l’engin alors qu’il est potentiellement dangereux », nous fit-il savoir avant de nous annoncer l’arrivée imminente du génie militaire.

 

 

« Trois individus sont venus à bord d’un taxi-moto… »

 

Juste après la découverte de l’engin, certains n’ont pourtant pas boudé leur plaisir d’être témoins oculaires de ce qui faisait détaler d’autres. C.K., nous nommons ainsi un quadragénaire faisant partie de ceux-là qui ont satisfait leur curiosité avant l’arrivée des flics, nous a confié : « C’est effroyable, ce que j’ai pu voir. Le machin est comparable à une géante bombonne de gaz et vaut un fut de deux cents litres. Sur l’une des extrémités, on peut apercevoir des fils connectés les uns aux autres». 

 

Selon d’autres témoignages, le ‘’colis’’ a été déposé la veille, vers 22 heures, par trois individus venus à bord d’un taxi-moto. « Des femmes qui vendaient des condiments au bord de la voie les auraient vu débarquer et se diriger vers le fossé. Et lorsque qu’ils ont été interrogés sur la nature de ce qu’ils allaient décharger, les inconnus ont assuré qu’il s’agissait d’ordures », relate notre interlocuteur anonyme.  

 

A mesure que le temps passait, la panique grandissait. Les commerces les plus proches sont fermés, les plus prudents des riverains ont même décidé de quitter le quartier le temps que le danger soit écarté. Lorsqu’un véhicule du génie militaire débarque, l’espoir est grand. « C’est apparemment ceux-là qu’on attendait. Ils n’ont qu’à vite déminer la chose pour que nous puissions vaquer tranquillement à nos occupations », déclare un quidam. Mais ce ne sera pas si tôt que son vœu sera exaucé. Il a fallu, en effet, attendre l’arrivée d’éléments d’une force militaire étrangère à qui d’aucuns n’ont pas tardé à attribuer la nationalité américaine, car ils s’exprimaient dans la langue de Shakespeare.

 

Après des échanges avec les unités déjà sur place, les derniers venus sur les lieux prennent connaissance de la disposition de l’engin. Quelques minutes plus tard, une opération de déminage est lancée. Les curieux, de plus en plus nombreux, sont sommés d’aller plus loin. Ils ne se sont pas fait prier longuement cette fois, les auteurs de l’ordre se tenant eux-mêmes à une certaine distance de l’épicentre du danger.

 

A 16h passées d’une quarantaine de minutes, une forte détonation se fait entendre, accompagnée d’une géante flamme puis d’un nuage de fumée noire dans le ciel qui ne se dissipera qu’une dizaine de minutes plus tard. Débandade des intrépides observateurs, pendant que l’air tout autour devient irrespirable. Ça semble être la fin de l’opération. Avant de plier armes et bagages, un dernier constat est fait. Pas de blessé signalé, ni de perte en vie humaine. De l’objet il ne reste plus rien.

 

Mais la peur est tout de même demeurée, d’autant plus que ce n’est pas la première fois que les riverains de Rayongo retiennent autant leur souffle. L’on se rappelle, en effet, qu’en mai 2018, des terroristes retranchés dans une villa y avaient été délogés au cours d’une opération qui a coûté la vie à un pandore.

 

Bernard Kaboré

 

Encadré

Quelle était la nature du colis explosif ?

 

Il a été difficile d’y trouver la réponse sur place. Un des agents de l’opération n’ira pas au-delà de cet aveu : « A l’heure actuelle, nous ne pouvons vous dire de quoi il s’agit. Des prélèvements ont été faits pour des analyses, cela permettra peut-être d’en savoir davantage». Interrogé le lendemain à l’occasion de la célébration de l’an 59 de la création des Forces armées nationales, le ministre de la Défense nationale, Chériff  Sy, déclarera qu’il s’agit « tout juste d’une bombonne de gaz probablement toxique ».

 

Alors que trois jours après, le lieu de l’incident suscitait encore la curiosité de bon nombre de riverains et de passants, les interrogations allaient toujours bon train dans les kiosques, bars, etc.

 

B.K.

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut