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Littérature: Cinq méditations sur la mort ; autrement dit sur la vie

Ces méditations de l’académicien français d’origine chinoise, François Cheng, sont une réflexion sur la mort qui convoque la philosophie asiatique ainsi que les penseurs grecs et latins et des poètes contemporains pour éclairer l’existence humaine. Ce petit essai paru en 2013 aux éditions Albin Michel entre en résonance avec l’actualité dans le Sahel.

 

 

Au-delà de l’écriture somptueuse du poète Cheng, de l’érudition qui palpite au cœur de ce mince essai, le lecteur burkinabè retient deux choses qui aujourd’hui ont du sens dans notre contexte. Rappelons que le livre est conçu autour de cinq méditations, disons des méditations à haute voix sur notre finitude, l’auditoire est interpelé, mais n’a pas voix au chapitre. C’est maître Cheng, dans la posture du guide pétri de science, qui délivre son enseignement, tiré du vécu, du commerce avec les religions, la philosophie et l’art.

La deuxième méditation aborde la mort sous l’angle du dépassement de soi. « La mort invite à un effort pour sortir au moins de notre condition ordinaire, et cet effort a un nom : passion», et dans ces passions les plus hautes, il met en bonne place l’héroïsme.

Des figures héroïques, il en convoque deux : d’abord le Père Maximilien Kolbe, un franciscain polonais qui prit volontairement la place d’un père de famille pour subir une peine collective fatale dans le camp d’Auschwitz. Il faut rappeler que, dans ce camp de concentration, pour un prisonnier qui tente de s’évader, dix prisonniers sont pris au hasard et tués. Maximilien Kolbe se propose de prendre la place d’un père de famille ;

ensuite, il raconte l’histoire de soldats communistes chinois qui, fuyant l’armée nationaliste, se sont retrouvés devant le pont de Luding, long et étroit qui enjambe une rivière et se trouve dans la montagne. Le Commandant de l’armée nationaliste leur avait tendu un piège, car là, les attendaient des mitraillettes et des canons. S’ils restent à l’entrée du pont, ils seront encerclés et exterminés. Alors le Commandant de l’Armée rouge, Zhu De, demande des volontaires pour traverser le pont les premiers. Et cent volontaires s’avancent et s’élancent sur le pont face à la mitraille ennemie. Beaucoup tombent, mais quelques-uns réussissent à traverser et à dégoupiller leurs grenades. Grâce à ce sacrifice et à quelques autres, l’Armée rouge va gagner la guerre et fonder la République populaire de Chine qui a fêté cette année ses 70 ans.

Voilà l’héroïsme dont nous avons besoin en ces moments troubles de notre histoire, où l’extrémisme violent fait vaciller les fondations de notre pays : des citoyens et des soldats prêts à se sacrifier. Sans même aller au sacrifice suprême, si les Burkinabè des villes pouvaient imaginer le calvaire  de ceux qui sont sous le joug des bandes terroristes dans le reste du pays, ils seraient moins autistes par rapport à la situation nationale et s’impliqueraient dans la lutte contre le terrorisme.

Un autre enseignement de ces méditations qui baignent quasiment dans le religieux est que l’existence de Dieu ne dispense pas sa créature d’être le créateur de sa vie. Celui-là est le Créateur, mais l’homme a son destin en main de sorte que la vie n’est pas un trajet mais plutôt un projet. C’est à l’homme qu’il incombe de rendre le monde meilleur, et cela, au prix de sa vie.

Il faut donc se ceindre la taille et entrer dans l’antre pour lutter et comprendre que les invocations, les messes, les prières n’opèrent pas sans l’implication de l’homme comme acteur principal de sa destinée.

Ce livre profond n’éludera pas le mystère de la mort, et il lui aura appris que la mort est insécable de la vie qu’elle éclaire et à laquelle elle donne un sens.

Saïdou Alcény Barry

 

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