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Scrutin de 2020 : Un impératif catégorique

Situation sécuritaire oblige, les spéculations vont bon train quant à la tenue effective des élections présidentielle et législative de cette année. Mais pour le juriste Wilfried Zoundi, le débat ne devrait même pas se poser : organiser ce scrutin à bonne date, avance-t-il, est un impératif constitutionnel. Lisez plutôt !

 

 

2020 est là. Les spéculations et les tergiversations sur la tenue ou non des échéances électorales foisonnent. Si cet imbroglio de thèses et d’antithèses a l’avantage de participer à l’animation du débat politique, l’arbre ne doit point cacher la forêt. Le scrutin de 2020 devrait être l’objectif final vers lequel tous les acteurs de la société politique (partis politiques), la société civile (OSC), la société économique (opérateurs économiques) devraient faire chorus et focus.

 

Au vu de la situation socio-politique et sécuritaire de notre pays, l’ONG WANEP, dans un rapport daté de juin 2019, avait annoncé les signaux en entrevoyant trois scénarios : le pire cas, le cas réaliste et le meilleur cas.

 

D’abord dans celui du pire, qualifié de peu probable, l’ONG évoque le risque d’un « chaos sous les attaques terroristes et luttes politiques » se multipliant et installant une instabilité totale empêchant l’organisation des élections présidentielle et législatives. D’où la nécessité d’une nouvelle transition pour stabiliser le pays et organiser de nouvelles élections.

 

Ensuite, le scenario du cas réaliste, qualifié de probable, serait facilité par la « cohésion et la réconciliation nationale ». Les compromis sont acceptés, les cœurs sont apaisés. Les attaques et la percée terroristes perdent de l’élan sur une grande partie du territoire national rendant possible l’organisation à bonne date des élections présidentielle et législatives.

 

Enfin, le scénario du meilleur cas, dit très peu probable. Il est qualifié de « miracle malgré tout ». La grande majorité des Burkinabè adhère favorablement aux appels à la cohésion nationale et au processus de réconciliation nationale au nom de la stabilité et de l’intérêt national. Les élections se tiennent à bonne date sur l’ensemble du territoire national.

 

Le réalisme de ce triptyque est pesant

 

Ne nous voilons pas la face, le scenario du « pire des cas » est le lugubre rêve des forces du Mal. Leur objectif est de semer le chaos, un capharnaüm idoine pour faire prospérer leur économie de guerre. C’est pourquoi nous devrions leur opposer farouchement le scénario du « meilleur cas ».

 

En dépit du cortège de la souffrance, nous devrions, au-delà de nos divergences politiques, idéologiques, de nos différences ethniques et religieuses œuvrer à sauver notre pays du péril. Cela est notre seul rempart. Comme le disait le général De Gaulle dans ses mémoires de guerre, nous avons encore de « l’honneur et la dignité à cueillir pour notre drapeau ».

 

La nécessite de la tenue du scrutin

 

En droit constitutionnel, il est enseigné que les élections constituent les poumons qui permettent à une démocratie de respirer. Faute d’élection, la démocratie suffoque et s’asphyxie. Selon Montesquieu, défenseur de la thèse selon laquelle il faut « confier la parole et le pouvoir à quelqu’un au nom de tous », le peuple n’étant pas apte à se gouverner seul, il faut qu’il désigne des « professionnels » du pouvoir à qui il donne mandat d’agir au nom de tous.

 

L’article 37 de notre Constitution dispose que « le président du Faso est élu au suffrage universel, direct, égal et secret pour un mandat de 5 ans ». Notre président a été investi le 29 décembre 2015, son mandat prend fin officiellement le 29 décembre 2020. Cela est sans équivoque.

 

Qui plus est, il appartient au président du Faso de veiller au respect de la Constitution selon l’article 36 de celle-ci. Il a juré, dans son serment prévu à l’article 44 de notre loi fondamentale, de défendre la Constitution. Il lui appartient donc au premier chef de tout mettre en œuvre pour éviter d’ajouter une crise institutionnelle à une crise sécuritaire déjà fort affligeante.

 

Pour ce qui est des députés, l’article 81 de notre Constitution dispose que « la durée du mandat est de cinq ans ». Même si cette disposition prévoit une dérogation en cas de force majeure, celle-ci ne saurait dépasser un an. Du reste, cette dérogation est admise dans l’attente de la validation du mandat des députés nouvellement élus. Ce qui signifie que, pour qu’il y  ait prorogation, il faut qu’il y ait au préalable des élections.

 

Le brillant avocat français Eric Dupond-Moretti dans son ouvrage « Le dictionnaire de ma vie » dit ceci : concéder un recul de nos libertés du fait du terrorisme, c’est permettre aux terroristes de gagner quelque peu. »

 

Par conséquent, ne pas organiser des élections en 2020, c’est concéder un recul démocratique. Ce qui serait une capitulation pure et simple vis-à-vis des illuminés de l’apocalypse.

 

In fine, le scrutin de 2020, plus qu’un rendez-vous immanquable, est une nécessité absolue, un impératif catégorique.

 

Wilfried Zoundi

Juriste membre de la Commission constitutionnelle

Chevalier de l’Ordre national

Dernière modification lelundi, 06 janvier 2020 21:32

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