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Pénurie de gaz : Les Ouagavillois bravent le froid pour être au chaud

 

Les points de vente du gaz butane sont pris d’assaut depuis quelques semaines par de nombreux Ouagavillois qui ne savent plus où donner de la tête. Nous avons donc tenté de comprendre, le 7 janvier 2020,  ce qui coince dans cette chaîne de production du combustible, très prisé en cette période de froid.

 

 

 

 

«Ne détachez pas, y a pas gaz !»  Assis à la porte de la concession  qui lui sert de dépôt, l’agent de commerce qui se réchauffe sous les rayons  du soleil est la sentinelle qui informe les nombreux clients  qui passent et repassent sans succès avec leurs bonbonnes devant les lieux de vente.  Un manque qui, depuis plusieurs jours,  oblige de nombreux Ouagavillois à avaler des kilomètres et à braver ce froid piquant de décembre à la recherche du précieux combustible.

 

Ainsi, les consommateurs  étaient encore de passage à la Cité An 3 chez M. Bolly  soit pour s’assurer qu’il y aura de bonnes nouvelles dans les prochaines heures, soit pour réserver du gaz, pour ceux qui ont les bras long comme on l’entend souvent. Pour les  quatre-roues, les trois ou deux-roues c’est le même train train. Certains clients  sont obligés d’effectuer plusieurs va-et-vient par jour avant de se rendre à leurs lieux de service. «Nous espérons avoir gain de cause ce soir », lâche un monsieur visiblement déconcerté en enfourchant sa monture. Le propriétaire des lieux,  à l’aide d’une craie, marque les bonbonnes de gaz réservées tout en  invitant les clients qui défilent à repasser ultérieurement.  Non loin de là, un camion est en train d’être chargé de contenant vide pour l’approvisionnement. Les plus chanceux parviennent néanmoins à obtenir les bouteilles de petit volume de 3 kg. C’est le ouf de soulagement «   Je viens d’avoir mon produit après avoir  fait cinq à six sites.  Pour le moment il faut s’armer de courage et rouler. C’est fréquent chaque année, mais en 2020, c’est grave », soupire Lassané Ilboudo, visiblement à bout d’énergie.

 

Pour le  revendeur de gaz Hasane Bolly, c’est un problème d’approvisionnement qui se pose puisque SODIGAZ n’arrive pas à nous satisfaire. «La société nous a expliqué que le problème prend sa source à la SONABHY.  En fonction de ce que nous recevons on livre. Avant-hier  nous l’avons fait de 18 h à 24 h. Au bout de 3 h tout était fini. Il y a un problème d’emplissage.  En période de forte consommation, il faut accroître les capacités d’emplissage, ce qui n’est malheureusement pas fait.  Pas de souci d’emballage, on travaille 7j /7 et on rentre souvent à 1 h du matin.  Actuellement, on sert les grand revendeurs comme nous dans la nuit et les petits dans la journée », a-t-il dit, ajoutant qu’en 2015 sous la Transition, SODIGAZ avait obtenu l’agrément qui allait lui permettre d’installer son centre d’emplissage pour pallier le type de situation que nous vivons présentement. «Près d’un milliard de nos francs a été injecté, mais la SONABHY y a mis son véto au grand dam de SODIGAZ qui avait rempli pourtant toutes les conditions».

 

 Cyprien Paré raconte comment  cette pénurie a bouleversé leurs fêtes de fin d’année. «Il n’y a pas eu de réveillon. On a dû recourir au charbon de bois finalement.  Souvent on engage des courses-poursuites avec les véhicules de livraison. On les aide à décharger la cargaison malgré nous avant d’obtenir le précieux sésame. J’ai eu la chance qu’un neveu ait intervenu pour moi, sinon je serais en train de tournoyer  à travers la ville». Il invite l’Etat à prendre les dispositions pour éviter pareille mésaventure, autrement ce sont les arbres de la ville qui vont en pâtir. «L’Etat doit nous aider sinon on va s’en prendre aux arbres de la ville dans cette situation de froid.  Le soleil est disponible, pourquoi ne pas vulgariser les foyers solaires ?» demande-t-il agacé.

 

Après ce point de vente SODIGAZ, nous avons visité un dépôt ORYX à quelques encablures du centre-ville. Le constat est pareil : c’est le ballet de femmes et d’hommes qui subissent le calvaire de cette pénurie «Voilà une semaine  que nous parcourons la ville. Une fois que nous avons un écho on court tenter notre chance. L’un de nos soucis, c’est la spéculation. Les bonbonnes de 12 kg vendus à 5000 F sont passées à 6 000, voire 6500 F, et celles de 2000 à 3000 F», a expliqué Alima Congo, vendeuse de yaourt.

 

Même constat dans une des stations ORYX située à Ouidi. Là, après le passage du camion d’approvisionnement, les clients ont pris d’assaut le commerce. Pas moyens de ranger les bouteilles de gaz avant la vente. On peut déjà encaisser. «Nous sommes débordés et donc obligés de stopper la vente de l’essence pour gérer la vente du gaz. Pour éviter la spéculation, nous ne vendons qu’une bonbonne par client», a confié le pompiste M. Sankara avant de s’interposer entre deux femmes en altercations pour se procurer le combustible.

 

Du côté de la SONABHY, le Directeur du dépôt de Bingo, Hyppolyte Bassolé,   s’est défendu, expliquant que la demande a connu une augmentation de 12% comparativement aux années antérieures, mais qu’ils s’attellent à prolonger les délais de production afin de pouvoir  combler le gap. «Avec le nouvel an et la Noël, on a fait travailler nos agents mais en réduisant leurs heures de travail, question de leur faire profiter aussi des fêtes de fin d’année».

 

Toujours selon M. Bassolé,  ils ont aussi commandé  le nécessaire pour un centre emplisseur qui devait être livré avant la fin d’année 2019 mais les délais de livraison n’ont pas été respectés en Europe. «Nous l’attendons pour  fin février.  On avait prévu cette hausse,  et on avait loué des charriots afin de juguler la situation, mais ils sont eux aussi tombés en panne. Cette difficulté est aussi résolue. Nous travaillons à présent en heure supplémentaire pour stopper la pénurie. La spéculation nous complique également la tâche étant donné que  certains emmagasinent les produits, chose qui aggrave le manque»,  a-t-il dit, assurant que tout rentrera dans l’ordre dans 2 semaines.

 

Selon les dires du directeur  de la Communication et du Marketing de SODIGAZ,  Noraogo Sawadogo, que nous avons joint au téléphone, la baisse de température que connaît le pays explique cet état de fait. «Nos prévisions ont été vite dépassées, et cela se ressent puisqu’on est le plus grand distributeur de gaz. Nous travaillons en partenariat avec la SONABHY pour que tout  rentre dans l’ordre dans une dizaine de jours. Il s’agit  d’un problème conjecturel et non structurel».

 

 

W. Harold Alex Kaboré

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