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Lutte contre le terrorisme au Sahel : Pau pour briser le pot-pourri des malentendus

Il se tient aujourd’hui à Pau, une ville du sud-ouest de la France, une rencontre entre le président Macron et principalement ses homologues du G5 Sahel. Unique point à l’ordre du jour, l’actualité brûlante de la lutte contre le terrorisme dans cette région.

 

 

Cette date du 13 janvier aura donc été la bonne. Car, c’est connu, ce sommet, initialement annoncé pour le 16 décembre dernier, avait été reporté après la sanglante attaque du camp des forces armées nigériennes à Inates six jours auparavant. Pour les 71 victimes qu’elle fit, il s’imposait que l’on respectât leur mémoire et le deuil du peuple nigérien. La rencontre d’aujourd’hui ne se tient pas dans un meilleur climat sécuritaire pour la région vu que pas un jour ne passe sans que les groupes pseudo-djihadistes endeuillent des familles au Sahélistan. Du reste, comme par un cynique et macabre calcul, de nouveau à quatre jours de ce sommet, soit le 9 du mois courant, l’hydre terroriste a fait parler la poudre au Niger, où l’attaque de la base militaire de Chinagoder a laissé 89 personnes sur le carreau.

 

Le bilan est très lourd, très affligeant, qui impose à nouveau deuil et recueillement mais aussi questionnement, réflexion prospective pour affiner les stratégies les plus à même de bouter hors des frontières des 5 pays du Sahel ces fauteurs de troubles invétérés. Malgré donc cette attaque meurtrière de Chinagoder et le grand émoi qu’elle a suscité à Niamey, il eût été politiquement et diplomatiquement improductif de reporter une seconde fois ce sommet de Pau. N’est-ce pas que les Etats du Sahel et leurs alliés seraient mal inspirés d’être  à la remorque de l’agenda caché des terroristes ? Si à chacune de leur sortie meurtrière contre les Forces de défense et de sécurité, voire les populations civiles des pays affectés, la vie de nos institutions devrait s’arrêter, ils gagneraient la guerre d’usure morale qu’ils mènent concomitamment à la lutte armée. Ne pas céder au sentimentalisme sans bornes est un paramètre de résilience pour gagner cette guerre dont tout à présent donne à penser quelle sera longue et éprouvante.

 

Va donc pour le sommet de Pau et, surtout, que les chefs d’Etat du Sahel, leur hôte français et les autres invités de l’ONU, de l’Union européenne et de l’Union africaine ne tournent pas autour du pot. Mais qu’ils brisent plutôt, dans une sincérité réciproque, celui pourri des incompréhensions, des malentendus et des sous-entendus qui pèsent sur leur alliance dans la lutte contre le terrorisme. On le sait, le président français, pour des besoins de politique intérieure, en a gros sur le cœur de voir des soldats de l’Hexagone payer de leur vie sa présence au Sahel cependant qu’une certaine opinion dans la région cultive ouvertement le sentiment antifrançais. Comment Emmanuel Macron devrait-il expliquer ce paradoxe des plus frustrants d’un partenaire incompris pour le moins, soupçonné d’un double jeu par ailleurs ? Comment l’expliquer à sa hiérarchie militaire, aux familles des soldats tombés dans le cadre de l’opération Barkhane, à tous ces Français qui se demandent ce que l’Hexagone est allée faire dans cette galère des sables mouvants sahélo- sahariens ?

 

Voilà qui explique que Jupiter ait piqué une colère de cocu et convoqué à la manière d’un gouverneur colonial d’antan ses pairs du G5 Sahel comme des commandants de cercle appelés au rapport ! La mort de 13 légionnaires dans une opération des forces Barkhane au centre du Mali à la mi-novembre, des manifestations à Bamako, Niamey et Ouagadougou contre la présence militaire française au Sahel ont pesé dans la balance de l’exaspération macronnienne ; d’où cet appel à la clarification. A l’évidence, le président Macron veut donner des gages de partenariat à responsabilité partagée entre son pays et ceux du G5 Sahel à cette opinion publique française qui accepte de moins en moins la mort en opération extérieure d’enfants de la mère patrie.

 

Mais d’un sommet de clarification on semble être passé à une réunion d’état-major de guerre pour évaluer les objectifs de l’engagement français dans la région. Tant mieux pour la vieille amitié franco-africaine si à Pau Macron et ses cinq homologues se donnent la peine de se dire les vérités indispensables pour gagner cette guerre contre le terrorisme. Au-delà des incantations d’une certaine opinion antifrançaise comme celle entendue encore vendredi dernier à Bamako et dont certaines personnalités africaines de premier plan se font le relais, chacun sait que la situation sécuritaire au Sahel eût été plus détériorée si la France n’avait promptement secouru le Mali en 2012. C’est pourquoi, malgré ces coups de gueule marqués d’a priori idéologiques, il faut rappeler qu’aucun partenariat, notamment celui avec la France, n’est en trop pour vaincre l’hydre terroriste.

 

Qu’il vienne vite ce jour-là où nos forces de défense et de sécurité seront mieux équipées et plus expérimentées pour faire face plus efficacement à cette nébuleuse mondiale. En attendant, l’opinion de ceux qui pensent que les pays du G5 Sahel doit s’accommoder de la présence d’alliés extérieurs mérite d’être entendue aussi. Au demeurant, les drones Riper de l’Oncle Sam, pour ne prendre que l’exemple le plus récent, n’ont-ils pas permis jeudi dernier de limiter les pertes de l’armée nigérienne à Chinagoder ?

 

Dès lors, ce qui est attendu de cette rencontre emblématique de Pau, ce n’est pas un clash retentissant entre « nos ancêtres les Gaulois », courroucés d’être incompris, et des « descendants » africains caractériels et ingrats, mais plutôt un modus vivendi politiquement correct et militairement efficient qui renforce les liens d’un partenariat décomplexé, transparent, entre le G5 Sahel et la France. En effet, Bamako, Niamey, Nouakchott, Ndjamena et Ouagadougou auraient tort de jeter le bébé de la coopération militaire avec Paris avec l’eau du bain de ses opinions francophobes.

 

De fait, même si elles sont les plus bruyantes, et ce n’est pas sûr, qu’elles soient majoritaires dans nos pays. Par ailleurs, elles ont le mérite de s’exprimer pacifiquement. A la France et à ses partenaires africains d’en prendre acte et d’œuvrer à ne pas prêter le flanc à leur radicalisation. Si le pot-pourri de leurs malentendus était brisé à Pau, cela y contribuerait certainement. A bon entendeur, salut !

 

La rédaction

Dernière modification lelundi, 13 janvier 2020 22:05

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