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Soutien aux personnes malades : «On a dit à un ministre d’interdire nos collectes de fonds » (Alino Faso)

 

Quand tout espoir semble perdu, que plus rien ne va et que vous ne savez plus à quel saint vous vouer, il y a toujours cette personne qui est à l’écoute de vos peines et détresses et se bat pour vous venir en aide. En tout cas, Alino Faso, de son vrai nom Alain Christophe Traoré, est apprécié par beaucoup parce qu’il sait utiliser les réseaux sociaux pour collecter des fonds au profit de malades qui n’ont pas les moyens d’honorer les ordonnances médicales. Au-delà des personnes qui l’adulent pour ses différentes actions, il y a celles qui n’hésitent pas à le «clasher» ouvertement, car pour ces dernières, il a ainsi trouvé un filon pour se faire des sous sur le dos des principaux concernés. Dans cette interview qu’il nous a accordée le 17 janvier 2020, celui qui a perdu son premier fils en 2006 s’est longuement exprimé sur cette vocation qu’il a d’aider les personnes en détresse.

 

Lisez plutôt !

 

 

Comment vous est venue la vocation d’aider des personnes en détresse ?

 

 

 

D’abord, je suis un communicateur qui a créé une société en 2012 qui s’appelle TAC communication. TAC, ce sont les initiales de mes nom et prénoms (Traoré Alain Christophe). C’est une société qui est spécialisée dans l’organisation d’événementiels et de conseils, dans le placement d’artistes, etc. Depuis 2012, je suis mon propre patron (rire). Je suis un peu connu sur les réseaux sociaux par le pseudonyme Alino Faso, Alino étant le diminutif d’Alain.

 

Pour revenir à votre question, il faut savoir que j’ai vécu une situation déplorable. J’ai perdu mon premier fils en 2006 à l’hôpital Saint-Camille. Ce jour-là, j’ai vu tellement de gens dans la souffrance ! Quand on nous a internés à l’hôpital de Bogodogo, j’ai vu des gens qui étaient dans les couloirs et j’ai pu voir toutes les difficultés dans les hôpitaux.

 

Malheureusement j’ai perdu mon fils, et cela m’a tellement marqué que je me suis dit que si un jour j’en ai les moyens, je vais faire de mon mieux pour venir en aide aux personnes malades qui n’arrivent pas à prendre en charge leurs frais médicaux. C’est ainsi qu’en 2012, avec des amis, on a créé sur les réseaux sociaux un groupe qui s’appelle « Les amis du cœur ». Nous faisons des dons, plus de 50 millions, dans plusieurs villes, notamment Ouahigouya, Koudougou, à des orphelinats, à des CSPS, à des hôpitaux. Après, de façon particulière, j’ai continué un peu en solo avec des dons au profit des personnes nécessiteuses qui me contactaient. C’est ainsi que mes actions ont pris de l’ampleur. Aujourd’hui, on arrive à gérer 4 à 5 cas désespérés par semaine. J’aime aider les gens.

 

 

 

Quelles sont les causes de la perte de votre enfant ?

 

 

 

Je rattache la perte de mon enfant à une insuffisance de moyens financiers mais aussi à la faute du corps médical. Car le corps médical amenait les ordonnances avec dédain et n’a pas proposé l’alternative de la césarienne, alors que cela aurait sans doute permis de sauver mon enfant. Cette perte m’a marqué pendant deux ans si bien que je me suis dit que cela n’arriverait plus. Je me suis alors promis que personne n’allait vivre une situation similaire à la mienne.

 

 

 

Qu’en est-il du groupe « Les amis du cœur » ?

 

 

 

Le groupe « Les amis du cœur » continue d’exister. C’est une association qui est présidée par Abel Sawadogo, et Gervais Kola en est le secrétaire général. On continue à faire des dons et à donner du plaisir à des structures à travers le groupe. C’est vrai que j’agis beaucoup plus en solo, mais je fais toujours partie du groupe « Les amis du cœur ».

 

 

 

Comment vous entrez en contact avec des personnes en détresse ?

 

                                                                                                                 

 

C’est plutôt les personnes qui entrent en contact avec moi. Elles ont vu un peu ce que nous faisons et ce sont des personnes qui m’appellent parce que mes numéros de téléphone sont sur les réseaux sociaux pour mon agence de communication. Des personnes m’envoient également des messages sur Messengers ou par WhatsApp pour m’expliquer leurs difficultés ou pour des connaissances. J’analyse et je prends le temps de vérifier l’information pour ne pas tomber dans l’arnaque si ç’en est une. On évalue le besoin, ensuite on lance un SOS à travers le porte-monnaie électronique que sont Mobicash et Orange money. Les Burkinabè de l’extérieur y participent aussi à travers Western Union, Money-gram, etc.

 

 

 

Les fonds récoltés, comment vous les gérez ?

 

 

 

Le plus simplement possible. Quand on commence l’opération, on communique le montant des fonds récoltés au fur et à mesure. Par exemple quand on a besoin de 500 000 F CFA, si on a commencé à 10h, 30 mn plus tard je dis la somme récoltée et 30 autres minutes après je fais encore le point. Quand on atteint la somme, j’ai une phrase que j’aime bien utilisée qui est : « c’est bouclé ». Après on va vers les familles pour un devoir de redevabilité et on prend une photo qu’on poste sur les réseaux sociaux ; je n’aime pas exposer de l’argent à travers ce canal, mais on y est obligé. Parce que ceux qui font parler leur cœur vous suivent sur les réseaux sociaux. C’est en procédant ainsi que naît la confiance. Quand on donne l’argent aux parents et prend les photos, après on s’assure que les factures et les frais d’opération ont été payés et éventuellement un peu d’argent est gardé pour ces personnes, car généralement elles sont en difficulté. Il faut donc qu’elles aient quelque chose pour  vivre.

 

 

 

Après la phrase « c’est bouclé », il n’y a pas souvent des surplus ? si oui, où vont-ils ?

 

                                                                                                                 

 

Il y a toujours un surplus. Ça ne s’arrête jamais à la somme initiale. Si on dit qu’on a besoin de 600 000 F CFA, la somme mobilisée peut atteindre 650 000 F CFA ou 700 000 F CFA et on la remet aux familles. Le problème est que quand vous remettez l’argent aux familles, c’est une sorte de publicité qu’elles ont reçu de l’argent. Après, vous ne savez pas ce qui peut se passer avec ces familles concernées, donc il faut faire très attention. Si on dit qu’on a eu de l’argent pour gérer le cas, c’est plus facile parce que les gens vont se dire qu’on a pu soigner l’enfant. Mais si on dit qu’on a donné de l’argent à la famille pour qu’elle puisse se gérer, on est dans un pays où il y a une certaine insécurité et même dans le cocon familial, cela peut chauffer. Sinon il y a toujours de l’argent en plus de la somme demandée et on ne le cache pas, on le remet à la famille dans la discrétion.

 

 

 

Quelle situation vous a le plus marqué ?

 

 

 

C’est le cas de l’opération couveuses en 2015. Des jumelles prématurées sont nées à Saint-Camille et on est passé d’hôpital en hôpital pour pouvoir les réanimer, mais on n’a pas trouvé de couveuses. On a fait appel en son temps à Raïssa Compaoré, Monica et Corinne, une amie. On a envoyé les enfants à l’hôpital de Tengandogo (ex-Blaise Compaoré). On était très heureux d’avoir des couveuses mais il fallait payer 50 000 F CFA pour chacun des nouveau-nés comme garantie pour qu’on puisse les y mettre. Malheureusement les bébés n’ont pas survécu, vu le temps mis à trouver les couveuses. Deux jours après leur admission en effet, la première des jumelles est décédée et le troisième jour, l’autre a suivi et c’est là qu’on s’est rendu compte que le pays n’avait pas de couveuses. Quand il y en a, c’est dans les formations sanitaires privées. A l’hôpital Yalgado-Ouédraogo, il y a des femmes qui partent de l’hôpital Yalgado avec leur bébé dans un carton. Quand une femme accouche de façon prématurée, entre 7 et 8 mois, les gens disent par fatalisme que « l’enfant n’est pas arrivé » et que c’est la volonté de Dieu, alors que c’est faux. Les enfants qui sont nés prématurés peuvent bien survivre.

 

Très souvent, les médecins disent que quand ces enfants grandissent, ils sont plus solides que les enfants qui sont nés normalement. On s’est rendu compte que Yalgado avait seulement 2 couveuses ; il y en avait 4 à l’hôpital Blaise Compaoré et à la clinique Les Gênets, mais dans le dernier cas, il fallait déposer 500 000 F CFA comme caution. Je pense que jusqu’aujourd’hui il n’y a pas de couveuses à la pédiatrie Charles De Gaulle, on n’a pas de couveuse pour une population de près de 10 millions d’habitants ; c’est pourquoi on a lancé une opération en juillet 2015 pour en avoir.

 

Des Burkinabè de l’intérieur et de l’étranger ont cotisé jusqu’à 7 millions FCFA, nous ont fait confiance et on a ouvert un compte commun à Coris Bank dont Raïssa Compaoré et moi étions signataires et on a commandé les couveuses. Après, on s’est rendu compte qu’on avait fait une grosse erreur, car on n’avait pas l’argent pour les faire venir. Il fallait encore demander, et en son temps, Madame Diallo, l’épouse de feu Salif Diallo, un opérateur économique nommé Hamid carreau, ainsi que Coris Bank nous ont permis d’avoir de l’argent pour faire venir les couveuses et on a pu les remettre. Je n’oublie pas non plus des amis européens qui nous ont donné des couveuses. Ainsi en tout on a pu remettre à l’Etat plus de 11 couveuses.

 

On peut dire que de 2015 à 2016, il y a plus de 80 couveuses qui sont entrées au pays. C’est donc juste une question de volonté politique. Mais pendant ce temps on a pris tellement de coups parce qu’en son temps, c’était Smaïla Ouédraogo qui était le ministre de la Santé et des gens lui ont envoyé des messages pour lui dire d’interdire à ces jeunes de faire ces opérations. Tout a été dit sur nous jusqu’à ce que l’arrivée effective des couveuses cloue définitivement le bec à ces personnes. Ceux qui nous insultaient ont utilisé ces couveuses d’une manière ou d’une autre. Ce fut une belle opération qui a permis à l’opinion de se rendre compte que notre pays avait peu de couveuses.

 

 

 

On vous accuse sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, de vous enrichir grâce à ces S.O.S. que vous lancez. Quelle est votre réaction, étant donné que vous n’avez pas officiellement répliqué à ces détracteurs ?

 

 

 

Je ne réplique jamais aux gens qui lancent ce genre d’accusation. J’ai mieux à faire. En plus, je ne suis pas de ceux qui descendent dans la boue en répliquant à ce type d’attaque. Mais je dis toujours aux personnes victimes de calomnie sur les réseaux sociaux d’en saisir la justice. C’est ce que j’ai fait en portant plainte contre mes détracteurs. Et le procureur s’est saisi de l’affaire. Lorsque ces personnes ont été convoquées au commissariat, elles sont venues et se sont mises à pleurer, car elles ne pouvaient pas prouver les allégations faites. Et même celles qui avaient utilisé de faux profils pour faire de fausses accusations ont été épinglées.

 

C’est d’une lâcheté qui ne dit pas son nom ! Certains parmi  ces gens ont supprimé toutes  leurs publications et se sont mises à demander pardon. Vous savez, il y a de ces jeunes qui ne peuvent rien faire, qui ne peuvent pas faire comme vous et qui ne cherchent pas non plus à comprendre ce que vous faites. Au lieu de vous approcher pour en savoir quelque chose, ils restent derrière leurs écrans pour médire de vous.

 

Par ailleurs, je sais qu’aucune œuvre humaine ne peut se faire  sans critiques. Cela n’est pas possible. Si vous pensez faire quelque chose sans subir de critiques, il faut arrêter tout de suite, car vous n’allez pas réussir. Généralement même quand vous débutez quelque chose et qu’on vous critique, c’est que vous êtes sur la bonne voie. Vous savez, je fais cette activité depuis 2012, s’il y avait un souci, les autorités de notre pays auraient frappé très fort. La preuve que mon initiative est vue d’un bon œil et que l’Etat suit de près ce qui se passe, c’est que j’ai  été décoré le 8 mars passé par le ministère de l’Action sociale. Pour vous dire vrai, il y a certaines personnalités du Burkina qui contribuent. Il y a des gens du corps médical qui, lorsqu’ils sont confrontés à une situation de précarité, me font appel. Donc les demandes d’aide viennent de partout.

 

 

 

Donc en un mot, vous avez une autorisation légale pour mener cette activité de collecte de fonds ?  

 

 

 

Ce n’est pas interdit de collecter des fonds. Mais il faut une certaine clarification sur ce que vous faites. Parlant d’autorisation légale, sachez que je suis en train de créer une fondation qui sera opérationnelle à partir de mars 2020. Cette fondation va donner un peu plus de visibilité et d’ouverture aux personnalités ainsi qu’aux sociétés qui souhaiteraient nous accompagner pour le faire par ce canal.

 

 

 

Selon nos informations, vous avez reçu environ 50 000 000 de FCFA du Groupe EBOMAF. Pouvez-vous nous en parler ?

 

 

 

J’ai demandé une audience au président-directeur général du Groupe EBOMAF, chose que j’ai obtenue. Comme j’ai un vœu pour un orphelinat à Koudougou, j’ai communiqué au P-DG tous les paramètres pour la construction de cet orphelinat. Et il n’a pas hésité, il a dit qu’il  financerait à hauteur de 50 000 000 de FCFA cet orphelinat dont la pose de la première pierre se fera dans quelques jours. Il faut savoir que les choses ne s’arrêteront pas seulement à Koudougou. C’est l’une des raisons pour lesquelles je collabore avec Mégamonde, qui du reste a annoncé prendre  en charge tous les besoins jusqu’à l’université d’un bébé à Bobo pour qui j’ai lancé un S.O.S. En plus des deux entreprises sus mentionnées, il y a Coris Banque et plein d’autres entreprises de qui je bénéficie de soutiens pour soulager certaines personnes en difficulté.

 

 

 

Est-ce qu’il arrive qu’Alino utilise ses propres fonds pour venir en aide aux gens qui sont dans le besoin ? Si tel est le cas, comment vous vous en sortez ?

 

 

 

Ça, c’est tous les jours, mais je ne le fais  pas savoir. Il arrive que nous lancions des S.O.S et que la somme recherchée ne soit pas atteinte ou qu’après une opération il y ait des complications. Dans l’un ou dans l’autre de ces cas, je prends cela à mes propres fonds. J’arrive à réaliser tout cela parce que chaque samedi j’ai au moins deux cérémonies que j’organise. Donc financièrement je ne suis pas super riche, mais honnêtement je ne me plains pas.

 

 

 

Est-ce que vous êtes politiquement engagé ?

 

 

 

Jamais de la vie. Je suis très loin de la politique. Souvent j’entends des gens dire qu’Alino est du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Pourtant, je n’ai pas la carte du MPP. Cela pas parce que je n’aime pas les politiciens, je trouve qu’avec ces personnes-là, il faut prendre du recul ; les politiciens font de la politique un métier, ils savent ce qu’ils font. En plus en politique, on donne beaucoup de coups. Etant donné que je ne veux pas en recevoir, je m’éloigne du champ politique ; et je ne m’engage ni avec X ni avec Y.

 

 

 

Comment vous arrivez à concilier vos activités professionnelles et humanitaires ?

 

 

 

Je sais faire la part des choses. En plus, j’ai une équipe avec laquelle on répartit les tâches. Du coup, il n’y a pas d’amalgame entre mes activités. Même quand je suis en voyage, je peux lancer des S.O.S. Et le plus souvent  ces S.O.S me trouvent en voyage. Si c’est le cas, je fais dès mon retour  le point des sommes mobilisées. C’est un devoir de redevabilité. Par moments, dès ma descente d’avion je continue directement remettre l’argent collecté  pour les soins, vu que ce sont des cas urgents.

 

 

 

Qu’est-ce qui est fait de l’argent collecté si le patient venait à décéder sans pouvoir l’utiliser ?

 

 

 

Les parents récupèrent automatiquement l’argent, cela ne souffre aucun débat. Il y a eu plusieurs cas de ce genre. On n’y touche pas.

 

 

 

Est-ce que vous avez déjà eu affaire à des arnaqueurs ?       

 

Oui, j’ai été confronté à ce type de personne, car je vérifie toujours les faits qu’on m’expose et discute avec les médecins pour mieux comprendre la situation. Dans ces cas de tentative d’arnaque, la somme sollicitée excède de loin celle nécessaire aux actes médicaux.

 

 

 

Qu’est-ce qui vous tient à cœur ?

 

 

 

Je souhaite assurer aux personnalités qui veulent faire des dons tout en restant dans l’anonymat qu’elles peuvent passer par Alino Faso pour être leur relais. Je profite de cette occasion pour remercier toutes les personnes (les Burkinabè de l’extérieur et les autorités) qui contribuent à apporter du sourire et de la joie à des personnes en difficulté.

 

 

 

Félicité Zongo

Roukiétou Soma

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