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Liberté provisoire pour Haya Sanogo : Plus qu’une décision de justice, un acte politique

Cette fois-ci était donc la bonne. Après plusieurs refus, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako a accordé hier la liberté provisoire à Amadou Haya Sanogo et ses 17 coaccusés. D’abord détenu à Sélingué, l’ancien putschiste - qui était depuis un certain temps en résidence surveillée dans la capitale - et ses compagnons d’infortune étaient poursuivis devant la Cour d’assises pour assassinat et tentative d’assassinat dans l’affaire dite des «bérets rouges».

 

L’éphémère président du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE)  avait fait une irruption fracassante  sur la scène politique malienne en mars 2012 quand les militaires de la garnison de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako,  ont marché sur la capitale pour initialement réclamer des armes et des moyens pour aller combattre les narcoterroristes qui avaient commencé à se sanctuariser au nord du pays. Mais la manœuvre des sous-officiers s’est finalement soldée par un coup d’Etat qui a chassé Amadou Toumani Touré du pouvoir, remplacé par celui qui était jusque-là un obscur capitaine, professeur d’anglais au prytanée militaire de Kati.

Mais l’officier subalterne ne restera pas longtemps perché sur la colline du pouvoir à Koulouba puisque devant la levée de boucliers tant à l’intérieur qu’à  l’extérieur, il finira par rendre gorge 21 jours plus tard en cédant le fauteuil de toutes les convoitises au président intérimaire,  Dioncounda Traoré, même s’il conserve la réalité du pouvoir. Fin avril-début mai 2012, les commandos  parachutistes, les «bérets rouges» comme on les appelle,  fidèles à ATT, tentent un contre-coup  férocement réprimé. 21 d’entre eux seront retrouvés en décembre 2013 dans un charnier … à Kati.

C’est ce qui vaut à celui qui s’était fait bombardé général  de corps d’armée et dont la liste civile d’ancien chef d’Etat avait scandalisé plus d’un,  le procès actuel, ouvert en 2016 à Sikasso. Depuis, plus rien, comme si la machine judiciaire s’était subitement grippée. On vole de report en report, comme ce fut encore le cas  le 13 janvier dernier  quand les différentes parties apprirent par un tweet de la chancellerie que l’audience était une nouvelle fois renvoyée pour  «des contraintes majeures liées à la préservation de l’ordre public et à la cohésion au sein des forces armées».

Nous y voilà ! En filigrane de ce dossier apparaît en effet la rivalité légendaire entre les «bérets rouges» et les «bérets verts»,  ceux dont sont issus les inculpés. Empêtré dans une insoluble crise sécuritaire depuis justement 2012 (que  l’aventure de Sanogo a peut-être contribué à compliquer),  le président Ibrahim Boubacar Kéita a sans doute peur que ces poursuites judiciaires mettent à mal l’unité de son armée à un moment où elle en a le moins besoin.

  C’est sans doute  ce qui explique que le dossier avance à reculons et   cette liberté provisoire qui vient d’être prononcée alors même que les requérants s’étaient vu opposer encore une fois une fin de non-recevoir pas plus tard qu’en septembre 2019. Hier, ni le parquet ni la partie civile ne se sont opposés à ce qui semble être une mesure de décrispation sociale.  A cela s’ajoute le fait que dans le box des accusés devrait se trouver le… ministre de la Défense  actuel, le  général Dahirou Dembélé.

 Certes, il a affirmé qu’il démissionnerait pour se mettre à la disposition de la justice si le procès devait avoir lieu, mais qu’est-ce que ça ferait désordre en ces temps d’incertitude ! Plus qu’une décision  de justice,  c’est donc un acte éminemment politique qui vient d’être posé par les magistrats au grand dam des ayants droit des suppliciés, qui attendent depuis six ans que justice soit faite. Et au rythme où vont les choses, on a bien peur que ce ne soit pas pour demain.

 

Ousséni Ilboudo

Dernière modification lemercredi, 29 janvier 2020 17:11

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