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Guerre en Libye et au Sahel : L’Union africaine ou le symbole de l’impuissance

L’Union africaine va clore ce 10 février à Addis-Abeba la 33e conférence de ses chefs d’Etat. Pendant deux jours, ces derniers, et avant eux, les experts et les ministres des Affaires étrangères, ont discuté du thème «Faire taire les armes : créer les conditions propices de développement de l’Afrique ».

 

 

Que retenir des débats sur cette question d’une brûlante actualité ? Pour paraphraser l’Ecclésiaste, on dira qu’il n’y a rien de nouveau sous nos tropiques. Les années se suivent et se ressemblent avec leur cortège de malheurs : guerres, maladies, famines, déplacements forcés de populations, pauvreté, bref, autant de symptômes du sous-développement dans lequel végètent la plupart de nos pays. Comment conjurer ce sort qui fait désespérer de nos Etats plus d’un siècle après les indépendances ?

 

Pour répondre à cette question, les sommets de l’UA, tout comme ceux des organisations sous-régionales qui travaillent à créer une synergie d’actions à même d’impulser le développement du continent, se suivent et se ressemblent. On y entend des discours savants faisant un diagnostic clinique perspicace des maux dont souffre notre continent avec à la clef des propositions de solutions qui font rêver. Hélas, le bât blesse toujours quantà leur mise en œuvre. Pourquoi ? Parce que la volonté politique de nos gouvernants n’est pas aussi forte que la tonalité de leur discours et surtout parce qu’ils ont la fâcheuse habitude de tendre la sébile pour avoir le nerf de la guerre. Quand s’y ajoutent la mauvaise gestion des maigres ressources dont disposent nos Etats et aussi leur prédation par les multinationales, rien d’étonnant que le sous-développement devienne endémique sous nos tropiques en proie à des crises inextricables.

 

A ce propos, la guerre en Libye et dans le Sahel en sont des exemples illustratifs. L’une est principalement la conséquence de l’autre avec pour résultat un net recul des services sociaux de base aux populations, une détérioration des infrastructures et des équipements économiques des Etats affectés. On n’a pas besoin d’un dessin pour comprendre que ces guerres ne sèment pas seulement la mort pour des milliers de vies innocentes, elles déstructurent gravement les économies et la vie des Etats qui sont ainsi déchirés. Au-delà de ces Etats, c’est leurs voisins, et par ricochet toute l’Afrique, qui en pâtissent. Quoi de plus légitime alors que nos chefs d’Etat s’en préoccupent et inscrivent la recherche de la paix en Libye et dans les pays du G5 Sahel en bonne place dans l’agenda de l’Union africaine ? Ce 33e sommet de l’organisation continentale était l’occasion toute trouvée pour réfléchir, une fois de plus, sur comment en Libye, l’UA pouvait s’impliquer davantage dans la résolution de la crise, tant il est vrai que les ingérences étrangères et les initiatives de la communauté internationale tendent à la marginaliser sur la question. Quant à la lutte contre le terrorisme, le président de la commission de l’UA et le président en exercice du G5 Sahel ont mis le doigt où ça fait mal au cours de ce sommet.

 

Le premier,  Moussa Mahamat Faki, a stigmatisé dans un discours remarquable à l’ouverture de ce 33e sommet des chefs d’Etat, le manque de solidarité de la plupart des pays du continent envers ceux du Sahel en proie à l’insécurité grandissante. Dans la même veine, appréciant le rapport annuel du commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, le président Roch Marc Christian Kaboré, en sa qualité de président en exercice du G5 Sahel, a plaidé pour plus de solidarité du continent pour les aider à vaincre les forces obscurantistes qui les assaillent. Dans cette logique, il a appelé les Etats africains à appuyer la concrétisation de l’initiative prise par la CEDEAO, le 21 décembre 2019 à Abuja, de créer une Coalition internationale pour le Sahel mais aussi d’avaliser et de s’impliquer dans la mise en œuvre des conclusions de la réunion de Pau (France) sur la lutte contre le terrorisme au Sahel.

 

En rappel, cette réunion de Pau, tenue à la demande du président Emmanuel Macron, en présence de responsables de l’ONU ainsi que de l’Union européenne et surtout des 5 chefs d’Etat du G5 Sahel, avait réaffirmé la nécessité de la présence de la force Barkhane dans la région tout en définissant un canevas d’actions pour y vaincre les groupes terroristes. Ce canevas a identifié quatre piliers dans cette lutte que le président Roch Kaboré s’est fait fort de rappeler à l’attention de ses pairs présents à Addis-Abeba : premièrement, s’unir pour combattre le terrorisme ; deuxièmement, renforcer les capacités militaires des Etats du G5 Sahel ; troisièmement, rechercher des appuis pour le retour de l’Etat et des administrations dans les zones fragilisées ; quatrièmement, renforcer l’aide au développement des pays affectés par le terrorisme. Voilà les directions dans lesquelles les pays du G5 Sahel souhaitent qu’en plus du soutien politique, s’exerce la solidarité internationale et particulièrement celle africaine.

 

Roch Marc Christian Kaboré sera-t-il entendu ? En tout cas et le président sortant de l’UA, le maréchal Al Sissi, et celui entrant, le président Cyril Ramaphosa, ont annoncé la tenue d’un sommet extraordinaire de l’organisation au mois de mai prochain sur comment faire taire les armes en Afrique et la constitution d’une armée africaine pour combattre le terrorisme sur le continent. On craint fort que ce ne soit là de belles promesses d’une Union africaine championne des sommets où les bonnes intentions restent lettre morte au sortir de ces grands-messes. Plus d’une fois en effet, de grandes décisions de l’UA, annoncées à grand renfort de publicité, n’ont pas franchi le seuil des portes capitonnées de l’Africa Hall d’Addis-Abeba.

La montagne d’une force continentale pour combattre le terrorisme en Afrique pourrait donc accoucher d’une souris, symptôme ou symbole d’une Afrique impuissante à résoudre la crise libyenne et l’insécurité grandissante au Sahel.

La Rédaction

Dernière modification lelundi, 10 février 2020 21:51

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