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Hadja Nènè Sanou : La mamie de la radio

Elle est incontestablement aujourd’hui  la doyenne du micro dans tous les studios de radio à Bobo-Dioulasso mais également l’une des mieux indiquées pour retracer l’histoire de la station de Radio Bobo, où elle officie depuis la période révolutionnaire. Animatrice de l’émission «Ton baro», qui signifie en français «causerie de groupes », Hadja Nènè Sanou, car c’est d’elle qu’il s’agit, continue de séduire ses auditeurs, d’abord par son franc-parler et ensuite par sa maîtrise parfaite du bambara, cette langue qu’elle manie avec une dextérité extraordinaire  et dans laquelle elle a toujours fait la différence,  avec les proverbes typiquement africains qu’elle distille régulièrement sur les antennes. Des proverbes puisés dans les profondeurs du bambara dont Hadja Nènè Sanou seule détient   le secret. C’est d’ailleurs ainsi que la vieille dame a réussi à captiver l’attention de ses auditeurs dans la mesure où elle a toujours su trouver les proverbes qui siéent devant n’importe quelle situation afin de mieux illustrer ses idées. Joyeuse, enthousiaste,  bavarde et  ouverte aux débats, l’animatrice de l’émission «Ton Baro» dit, après plus de quarante ans de micro, avoir encore plusieurs tours dans son sac pour captiver ses auditeurs, constitués en majorité de femmes. A 75 ans bien sonnés, celle qu’on appelle affectueusement et à juste raison dans les milieux médiatiques la mamie n’a toujours pas dit son dernier mot. Mardi 11 février dernier comme à chaque début de semaine, elle était encore au studio de Radio Bobo pour l’enregistrement de son émission. Nous l’y avons rencontrée pour vous.

 

 

Nombreux sont ces passionnés de la radio qui ont écrit et continuent d’écrire les plus belles pages de l’histoire de la station régionale de Radio Bobo. Des générations entières garderont en mémoire certaines émissions qui ont révélé au  public  le talent oratoire de ces animateurs dont la seule évocation du nom suffit à réveiller aujourd’hui chez des auditeurs des souvenirs avec ces belles émissions de culture, de sport,  d’éducation et de sensibilisation  et qui ont forcément impacté leur quotidien.  Soigneusement orchestrées par ces génies du micro, certaines émissions n’ont malheureusement  pas pu survivre après que leurs auteurs ont  été admis à faire valoir leur droit à la retraite ou tout simplement arrachés par la mort à l’affection des leurs. Mais ce n’est pas le cas de «Ton baro», cette autre émission qui a longtemps captivé les auditeurs bobolais et qui continue de s’imposer dans le paysage médiatique comme un repère, surtout pour ces femmes à la recherche d’un cadre approprié pour mieux comprendre la société, donner leur vision du monde et se faire entendre.  On comprend alors aisément  leur engouement pour ce rendez-vous hebdomadaire sur radio Bobo. Et c’est « ton baro » dont elles raffolent qui constitue de nos jours  l’une de leur principale plateforme d’expression.

 

La découverte d’un talent

 

Initiée depuis le début des années 80, en effet,  « Ton baro »  n’a toujours rien perdu de sa valeur et de son aura auprès de la gent féminine. Si le contenu de l’émission est riche avec des thèmes mettant généralement en exergue le rôle combien important de la femme pour un monde meilleur, l’on ne doit surtout pas perdre de vue les qualités intrinsèques de l’animatrice. Et c’est bien à ce niveau que «Ton baro» n’a cessé de gagner en notoriété. Visiblement très à l’aise devant le micro et toujours prompte à apporter sa part de vérité et avec le franc-parler qu’on lui connaît, hadja Nènè Sanou a su conquérir le cœur des nombreux auditeurs de la radio. Et pourtant, rien ne la prédisposait à un tel métier. « Je n’ai jamais eu pour vocation de travailler à la radio. Les choses sont venues comme ça et par la suite, je m’y suis intéressée et me suis professionnalisée», raconte-t-elle.   C’est en effet lors d’une sortie de terrain pour donner la parole aux auditeurs que l’équipe d’enregistrement de radio Bobo tend son micro à Hadja Néné Sanou durant la période révolutionnaire. Son intervention au cours de la diffusion de l’émission sur les antennes n’a laissé personne indifférent. Surtout pas les responsables de la radio, qui venaient ainsi de découvrir l’oiseau rare pour donner plus de visibilité et d’attrait à l’émission. Cooptée par la suite, Nènè Sanou finira par intégrer le groupe en charge de la réalisation de l’émission titrée «Magazine des jeunes». Les choses iront vite et même très vite pour la nouvelle animatrice dont les compétences seront de nouveau sollicitées pour conduire une autre émission. «Quelques années après mes débuts, la principale animatrice de Ton baro, Fanta Ouattara, a été mutée à Ouaga.    Une inquiétude s’installa au niveau de la direction de la station régionale. Qui pour poursuivre cette œuvre qui contribue grandement au rayonnement de radio Bobo dans la région ? Tous les regards étaient désormais tournés vers moi. Ensuite, j’ai été approchée par la direction, dont Alphousséni Bassolet et Sita Kam, qui d’ailleurs appréciaient mes interventions et surtout ces proverbes africains dont les auditeurs raffolaient. J’ai donné mon accord et depuis 1997, j’assure la réalisation de cette émission». En abordant chaque semaine sur les antennes de la radio des thèmes d’actualité et surtout en lien avec le vécu quotidien de la population, Hadja Nènè Sanou a réussi à se bâtir une solide réputation, principalement dans les milieux féminins.  Elle ne passe plus jamais inaperçue dans de nombreux secteurs de la ville de Sya où sa seule présence suffit par endroits à rassembler spontanément des curieux. Réputée pour sa courtoisie, son sens de l’humour, sa disponibilité et surtout son esprit de dialogue, la mamie est souvent sollicitée comme médiatrice dans des conflits familiaux ou pour sauver ces associations féminines souvent minées par des conflits de personnes.

 

«Mille fois merci à radio Bobo»

 

Et c’est avec une légitime fierté aujourd’hui que cette septuagénaire retrace son parcours difficile sans pour autant passer sous silence cette marque de considération et d’attention dont elle dit faire l’objet dans la société. A la question de savoir ce qui pourrait bien expliquer ces nombreuses sollicitations pour son expertise dans le règlement de situations de crise souvent désespérées, notre interlocutrice répond sans ambages : «La sagesse ne s’acquiert pas seulement à l’école, mais bien plus dans la vie.» Elle dit avoir abandonné les bancs en 1957, alors qu’elle était encore au primaire. Et malgré le poids de l’âge et son statut de pigiste, l’animatrice de «Ton Baro» a toujours respecté ses rendez-vous hebdomadaires avec ses auditeurs. Des fidèles à son émission qui d’ailleurs ne manquent pas de lui soumettre de temps à autre  des thèmes de discussion sur les antennes.   Une chose est sûre, Hadja Nènè Sanou n’est pas près de prendre sa retraite, elle qui se dit encore passionnée par son travail et qui ne cesse de répéter à qui veut l’entendre cet adage africain :  «Ce sont les vieilles marmites qui font les bonnes sauces». Elle ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur  la radio qui lui a surtout permis de réaliser un rêve. « J’ai effectué en 1997 le voyage à La Mecque grâce à la radio. Pour moi, c’est le plus grand cadeau de ma vie. Et c’est la radio qui me l’a offert. Je ne saurais jamais oublier cela et chaque jour je me sens fière d’appartenir à cette famille pour laquelle je ne cesserai de prier et pour laquelle je suis prête à tout donner. Mille fois merci à Radio Bobo », dit-elle après avoir psalmodié quelques versets du Coran.  

                                                                                                Jonas Apollinaire Kaboré

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