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Expo : Liby Lougué: Un peintre des jours heureux

Du 7 au 29 février 2020, la salle de la Rotonde de l’institut français de Ouagadougou accueille les toiles du peintre burkinabè Liby Lougué. Très inspiré par la peinture de Basquiat, il croque des personnages savoureux dans des couleurs délurées pour dire le quotidien dans les cités africaines.

 

Devant les toiles de Liby Lougué, le spectateur se remémore les propos du romancier Paul Auster sur les deux catégories de peintres que représentent George Braque et Pablo Picasso. Le premier, toute sa vie, a creusé sa voie, l’unique qu’il a empruntée dans tous les sens, et le second, tous les cinq ans, délaissait une voie pour en ouvrir une nouvelle. Il y a les artistes d’un seul itinéraire et

les autres qui changent constamment de route.

Liby Lougué fait partie de la première catégorie. Pour le moment. Au fil des années, il creuse le même chemin, il approfondit ce dessin très proche de Jean Michel Basquiat, dont il revendique la filiation sans complexe. « Fils de peintre, j’ai commencé à dessiner très jeune. Et puis j’ai croisé les toiles de Basquiat et petit à petit, je me suis rendu compte que je dessinais comme lui… »

Mais si au premier coup d’œil la parentèle avec le peintre haïtien foudroyé en pleine jeunesse est manifeste, il y a le dessin presque enfantin, le texte qui se répète, qui peut être raturé, et le choix des couleurs. Mais à y regarder de près, Liby et Basquiat, ce sont deux rapports au monde diamétralement opposés.

Chez Basquiat, la mort, la violence et l’urgence emballent la toile et lui donnent une sorte de tourbillonnement agressif tandis que chez Liby, c’est tout le contraire. On y sent l’apaisement, la pétulance de la vie qui éclate dans les couleurs vives et chaudes qui tapissent le fond de ces toiles.

Dans cette expo particulièrement, c’est la vie quotidienne des citadins que l’artiste croque de manière fort savoureuse et avec humour. Les personnages, malgré le dessin qui les désarticule, les visages squelettiques comme des vanités et les dents qu’ils exhibent, sont de joyeux drilles qui célèbrent la vie. Au bistrot, dans la rue ou dans les domiciles, c’est une dolce vita de la débrouille, faite de petits riens : une chope de bière qui réunit une bande de potes, un cigare gros comme un barreau de chaise fiché dans la bouche, la bedaine ostensible, etc. Des portraits bien centrés ou des scènes de groupes où chaque personnage habite son espace sans empiéter sur l’espace vital de l’autre, c’est certainement ce quotidien banal mais sublimé qui plaît dans la peinture de Liby. Et il nous semble que le moment est favorable dans notre pays à un art sans prétention politique, qui se contente de célébrer la vie et le vivant. Et l’art de Lougué est de celui-ci. Quand les temps sont troublés, l’art peut être d’un réconfort s’il nourrit la nostalgie des jours heureux.

Quand on sort de cet univers déluré et sans acrimonie, on est vite happé par l’actualité des lions qui se meurent d’inanition dans le parc animalier de Ziniaré, des 600 000 réfugiés internes qui errent comme des âmes en peine sur le territoire, des milliers d’enfants qui sont hors classes et des mines artisanales enterrées sur les sentiers vicinaux qui rendent tout déplacement en milieu rural mortifère.

Cette actualité n’est pas présente dans les toiles de Liby Lougué et c’est sans doute mieux ainsi. Que l’art soit parfois une parenthèse heureuse, une trouée vers un univers moins pesant, un lieu d’apaisement. Un répit avant que le réel ne nous happe… Allez voir cette expo où dansent des couleurs de fête pour vous rappeler que c’est cela notre quotidien et pas ce gris des jours, ce rouge de violence et ce noir de deuil que le terrorisme impose à nos yeux.

Saïdou Alcény Barry

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