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Résurrection du Christ : La drôle de pâques

Jamais fête de Pâques aura été aussi morose. Déjà en temps normal chez nous, elle a beau être, du point de vue spirituel, l’une des plus importantes, sinon la plus importante  du christianisme, elle ne donnait pas lieu à une débauche de beuveries et de ripailles, comparée à Noël. Peut-être la proximité de la  fête de la Nativité avec la Saint Sylvestre et le jour de l’An est-elle pour quelque chose dans ce chassé-croisé festif qui crée souvent des embouteillages à Ouagadougou ? On rend visite aux parents et amis, on mange et on boit plus que de raison, avec ce que, du reste, cela entraîne comme désagréments, voire comme drames.

 

Pour la fête de la résurrection du Christ, rien de tel. C’est, en règle générale, le minimum commémoratif dans l’intimité familiale. La sobriété est de  rigueur.  Qui plus est en ce moment où,  ici comme partout ailleurs sur la planète, la pandémie de coronavirus ne cesse de gagner du terrain avec son lot quotidien  d’infectés et de morts. A la date du samedi 11 avril 2020, 497 personnes avaient ainsi été officiellement déclarées  positives au COVID-19 pour 27 décès. Ajoutez cela au péril terroriste et  vous comprendrez que le moral des Burkinabè est en berne et que l’esprit n’est vraiment pas aux réjouissances.  

En cette période de carême qui vient de s’achever, l’ironie du sort a voulu qu’au «Pays des hommes intègres »,  les deux premiers cas révélés le 9 mars dernier aient concerné le pasteur Philippe Karambiri et son épouse,  rentrés du fameux rassemblement évangélique de Mulhouse, ville qui se révèlera être l’épicentre du fléau en France. Ils seront déclarés guéris 11 jours après leur isolement à l’hôpital de Tengandogo. Dautres grands leaders religieux seront aussi frappés par cette maladie qui sévit sans discriminer, à  limage de monseigneur Séraphin Rouamba, archevêque émérite de Koupéla, ou du père évêque de la capitale, le cardinal Philippe Ouédraogo, dont on annoncera par la suite la rémission. 

Pour freiner la propagation du  virus, les premières mesures de restriction des grands regroupements ont d’ailleurs concerné les lieux de culte, qu’ils soient protestants, catholiques ou musulmans. Pas de rassemblement pour la prière du vendredi, ni pour la  messe, pas de chemin de croix, de  baptêmes… Ça fait bizarre, même pour les non-chrétiens, et on se souviendra encore pendant longtemps de  cette  drôle de Pâques en pleine guerre mondiale sanitaire où les soldats en première ligne portent des blouses blanches et n’ont, pour toute arme, que des seringues et des stéthoscopes. 

Les paroles de l’Ecclésiaste ne sont  jamais autant pleines de bon sens qu’en  temps de tragédie. Oui, «vanité des vanités, tout est vanité». Alors que «la science a fait de nous des dieux avant que nous ne soyons des hommes» (Jean Rostand dixit), il a fallu un insaisissable petit germe pathogène pour que nous réalisions l’extrême fragilité de notre condition humaine et la futilité de bien des choses. Belle leçon d’humilité s’il en est.  

C’est donc, quoique propice à l’introspection et à la méditation,  une fête pascale un peu particulière, pour ne pas dire tristounette, qui a eu lieu le dimanche 12 avril 2020. Une résurrection du Christ célébrée a minima sans les fidèles, qui ont dû se rabattre sur les radios et télévisions, confessionnelles notamment, les webTV ou sur les réseaux sociaux. Une Pâques 2.0, comme disent certains,  dictée par la conjoncture actuelle et les indispensables mesures de distanciation sociale encore plus difficiles à mettre en pratique sous nos tropiques pour diverses raisons.

Puisse seulement ce virus qui tresse des couronnes d’épines sur nos malheureusement têtes et donne des insomnies même aux plus grands nous faire définitivement prendre conscience, sous toutes les latitudes, que nous sommes embarqués dans la même galère planétaire ; qu’on soit riche ou pauvre, puissant ou misérable, grenouille de bénitier ou mécréant, personne ne trouvera son salut en dehors de la nécessaire solidarité et de l’amour du prochain qu’a enseigné le Fils de l’Homme qui vient de vaincre la mort.

 On s’en sortira ensemble ou on périra tous. Car ni l’Europe ni les USA ni la Chine ni la Russie ne seront en sécurité tant qu’il restera un seul cas de COVID-19 au Burkina, en RDC, au Nigeria  ou en Afrique du Sud. Cette maudite maladie nous aura au moins dispensé une belle leçon d’humanisme. Qui tousse ? C’est Boris Johnson (1) ?

Ousséni Ilboudo

 

(1) Le Premier ministre britannique,  testé positif au coronavirus après avoir négligé la pandémie dans un premier temps,  est sorti dimanche de l’hôpital après quelques jours sous assistance respiratoire.          


          

Dernière modification lemardi, 14 avril 2020 20:34

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