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Réouverture des marchés : Le test de Rood-Woko sera-t-il concluant ?

Le 20 avril 2020 restera un jour pas comme les autres pour les commerçants de Rood-Woko. Fermé le 26 mars pour cause de coronavirus, ce marché central de la capitale a rouvert ses portes à l’issue d’une cérémonie présidée par le ministre du Commerce. Lavage des mains, distanciation sociale, port de masques …, la fréquentation du lieu est désormais soumise à des conditions dont le respect, par endroits, n’est pas systématique. D’où la question de savoir si cette réouverture, qui doit servir de test aux 25 autres marchés et yaars, sera concluant.

 

 

Plongé dans un calme de cimetière depuis plus de trois semaines, Rood-Woko retrouve le souffle de ses jours ordinaires. En ce jour pas comme les autres, les autorités ont voulu marquer le coup au détour d’une cérémonie officielle. Rendez-vous est donné à sept heures devant l’entrée principale de ce poumon économique de la capitale. Peu avant l’heure indiquée, des dizaines de personnes déjà sur place font le pied de grue, non loin de l’espace réservé à la cérémonie.

A mesure que les minutes s’égrènent, la foule se gonfle de curieux, mais aussi de commerçants venus attendre le feu vert pour accéder à leurs boutiques. C’est à croire que la mesure suspendant les rassemblements de plus de 50 personnes était levée. Et pourtant. Du côté des officiels, l’arrivée sur les lieux se fait au compte-gouttes. Derrière leurs masques bien enfilés, l’on reconnaît aisément le maire de la ville, Armand Béouindé, le gouverneur de la région du Centre, Sibiri de Issa Ouédraogo, pour ne citer que ceux-là, tous rejoints par le patron de la cérémonie, en l’occurrence le ministre du Commerce et de l’Artisanat, Harouna Kaboré. Une présence pas des moins remarquables, celle de représentants du Moogho Naaba qui ouvriront d’ailleurs le bal d’une série de discours. De  l’allocution d’un des émissaires du Mogho, l’on a retenu une satisfaction de voir naître « un grand jour ». Et de rapporter que l’initiative de la réouverture bénéficie de l’onction du chef suprême des Moosé. Lui a succédé au crachoir un groupe de commerçants, et pas des moindres : des délégués du marché. L’un d’eux, Abdoul Rasmané Kaboré, coordonnateur des jeunes, est revenu sur les circonstances qui ont entraîné la fermeture des lieux : « Ce n’est pas tous les jours que Rood-Woko se ferme. N’eût été le Covid-19, on n’aurait pas assisté à ce que nous commerçants de ce marché avons vécu les dernières semaines. C’est la preuve que  la gravité de la maladie en valait la peine », a argué le porte-parole de jeunes, avant d’inviter l’ensemble des commerçants à observer les gestes barrières édictés par les autorités sanitaires.

 

Pour une réouverture progressive des autres marchés

 

La réouverture du marché central effective,  c’est le fruit de plusieurs semaines de travail d’une commission ad hoc, a indiqué à l’assistance le directeur général de l’Agence de développement économique urbain, Edouard Bouda. Ainsi, au regard des activités menées au préalable par ladite commission,  le retour aux boutiques et aux étals a été soumis à moult conditions, histoire de minimiser les risques de contamination à la maladie. Désormais, Rood-Woko n’est accessible qu’à ceux qui respectent les gestes barrières élémentaires tels que le port du masque et le lavage systématique des mains. Pour ce faire, des dispositifs de lavage de mains et des lavabos ont été érigés à différentes entrées. A l’intérieur du marché, des lignes rouges au sol délimitent les zones d’occupation autorisées, d’autres indiquent le sens de la circulation. Pour que la sensibilisation reste de rigueur, une équipe de 500 volontaires a été mobilisée pour occuper toutes les intersections. Dans la même veine, la radio « Voix de Rood-Woko » a été réhabilitée. Et ce n’est pas tout, à en croire le patron de l’ADEU. Histoire de désengorger les lieux, les vendeurs irréguliers, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, ont été identifiés pour être affectés dans de nouveaux emplacements ciblés dans quatre marchés, à savoir Baskuy, Nabi-yaar, Paaspanga et Mankougoudougou.

Alors que trente-cinq autres marchés et yaars de la capitale ont encore la clé sous le paillasson, le principe est de faire de Rood-Woko un ballon d’essai pour leur réouverture progressive. Mais à une condition, a indiqué le bourgmestre de Ouagadougou : que les consignes sanitaires et sécuritaires portent leurs fruits. Quid du respect de cette condition ? En client, nous sommes retourné au marché pilote quelque trois heures après sa réouverture officielle. Pour qu’il y ait un passage obligé, des barrières sont érigées aux entrées principales où des flics filtrent l’accès. Le laissez-passer ne s’obtient qu’après avoir lavé ses mains au gel hydroalcoolique, lequel est distribué en gouttelettes par des volontaires. Pas seulement, il faut avoir son masque bien enfilé. L’intérieur grouille de monde, même si celui-ci est en deçà de ce que l’on pouvait voir avant l’arrivée du virus à couronne. Comme à l’entrée, les gestes barrières restent de rigueur. Dans leurs gilets couleur orange, ces volontaires, en majorité des étudiants en médecine, font le pied de grue aux bords des différents rayons. Volontiers et à qui le souhaite, ils distillent le liquide désinfectant.

 

Des hors-la-loi

 

Dans l’aire principale, la ronde des poulets ne passe pas inaperçue. Ils veillent au respect des nouvelles mesures édictées. Mais leur présence intimide à peine certains, pour qui le divorce d’avec les vieilles habitudes s’avère difficile. L’une des consignes foulée aux pieds est le port du masque. Entre deux interpellations verbales de ‘’hors la loi’’, le chef de la police du marché, Jean Modeste Kongo, nous fait savoir que plusieurs personnes se défont de leurs cache-nez quand elles ne se sentent pas surveillées. Et de nous confier que si la sensibilisation se révèle infructueuse, les jours à venir marqueront un passage à la répression des contrevenants.

Autre consigne ignorée, la distanciation sociale. Au nombre des garde-fous en vigueur au sein du marché figure l’interdiction d’un rassemblement de plus de deux personnes devant chaque boutique. Par endroits, les clients s’agglutinent par demi-douzaine, voire plus, devant les étals. Parallèlement, les lignes rouges délimitant les zones autorisées sont franchies, parfois sous le regard impuissant des volontaires. Après quelques heures passées à son poste, Abdoulaye Samandoulougou a réalisé que la tâche ne serait pas aisée à la lumière de ce qu’il observe. « Le travail qui nous est assigné consiste principalement à sensibiliser les marchands et les clients au  port du masque et au nécessaire respect de la distanciation sociale. En observant, on a  l’impression que le message passe difficilement. A propos du port du masque par exemple, certains brandissent comme argument la difficulté à respirer. Il est pourtant attesté que les personnes souffrant d’insuffisances respiratoires sont fragiles face au redouté virus », commente l’étudiant en médecine.

Certains propriétaires de boutiques s’asseyent tellement sur les nouvelles règles de conduite dans le marché que d’autres craignent une seconde fermeture des lieux. Alimata Ouangrawa est de ces inquiets, elle qui dit être déjà éprouvée durement par les trois semaines d’inactivité.

 

Bernard Kaboré

 

Encadré

 La troisième fois où Rood-Woko a fermé ses portes

 

Rood-Woko a rouvert ses portes ; nombreux sont ceux qui s’en souviendront comme d’un autre épisode important de toute l’histoire du marché. Ce n’est pas le directeur de l’Agence de développement économique urbain, Edouard Bouda, qui dira le contraire, lui qui s’est servi d’un rappel historique pour montrer la l’urgence qui a valu la fermeture. A l’origine, dit-il, le grand marché, comme bien d’autres, se tenait tous les trois jours avant que ses portes ne soient ouvertes au public le long de la semaine sans discontinuer, d’où l’appellation Rood-Woko en langue mooré. Depuis sa réouverture en 2009  suite à l’incendie qui l’a consumé en 2003, le marché cenral a connu trois fermetures : la première fois en octobre 2014, lors de l’insurrection populaire, la deuxième en 2015 à l’occasion du putsch manqué, puis la dernière en raison de la pandémie de Covid-19.

 

B.K.

Dernière modification lemardi, 21 avril 2020 21:37

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