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Manifestation pour la réouverture des marchés : La tension monte dans la Cocotte-Minute

Ce que beaucoup de gens craignaient commence à se préciser. Jusque-là c’étaient des intimidations, voire des menaces à peines voilées, et bien d’autres signes de nervosité qui étaient palpables. Hier la pression est montée de quelques degrés dans la Cocotte-Minute qui mijotait dans un feu doux depuis quelque temps.

 

En effet, les commerçants de plusieurs marchés de la capitale,  en l’occurrence Nabi yaar, Sankar yaar et 10 Yaar, ont manifesté pour exiger la réouverture de leur lieu de travail.

Rappelons que c’est le 26 mars que la mairie a décidé la fermeture de sites marchands pour endiguer la propagation du Covid-19. Une mesure qui avait été déjà très mal  accueilli en son temps.

Beaucoup éructaient, pour ne pas dire bavaient de colère, traitant les autorités de tous les noms d’oiseaux et soutenant qu’à l’allure où les choses allaient, ce serait la faim qui les aurait exterminés avant même le virus tant redouté.

La pression était devenue si intenable que les autorités communales avaient fini par rouvrir Rood-Woko le lundi 20 avril, assortissant cela de conditions strictes dont le respect des mesures barrières, telles le port du masque, le lavage des mains  et l’obligation de ne pas avoir plus de deux personnes devant chaque boutique. Le plus grand marché de Ouagadougou devait ainsi servir de ballon d’essai dans la perspective de la réouverture des 34 autres lieux de commerce fermés.

Et voilà que tout juste une semaine après, les occupants de ces marchés ont rué dans les brancards, las de voir leurs économies se réduire comme peau de chagrin après plus d’un mois sans activité. Qui plus est, cette période de ramadan leur offrait habituellement l’occasion de faire de bonnes affaires.

On peut humainement comprendre la détresse dans laquelle se trouvent nombre de commerçants, surtout ceux du secteur informel et les petits vendeurs à la sauvette qui ne gagnent leur pain quotidien que lorsqu’ils sortent. Pour autant, ils ne sont pas les seuls à subir les conséquences socio-économiques désastreuses du virus à couronne.

Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, les employés sont en chômage partiel ; dans les compagnies de transport, les chauffeurs, les apprentis et les nombreuses petites mains qui grouillent dans les gares broient du noir ; sans oublier  les travailleurs des maquis et boîtes de nuit, qui se retrouvent sans le sou.

La galère est donc la chose la mieux partagée par ces temps qui courent. Au demeurant, on se demande si les croquants d’hier ne font pas eux-mêmes leur propre contre-publicité quand on voit que le test de Rood-Woko n’est pas, à vrai dire, un éclatant succès, et c’est même un euphémisme, au grand dam des policiers et des nombreux volontaires impuissants face au bordel qui  a fait son retour.

Ouvrir tous les marchés dans ces conditions, alors que le nombre de contaminations est toujours en progression, soit  plus de 635 cas à la date du 26 avril, équivaudrait à un désarmement face au virus avec des conséquences sanitaires qui peuvent être désastreuses. Dans un autre registre, la réouverture des écoles, qui était programmée aujourd’hui même 28 avril,  a été repoussée en mai (voir communiqué en page 7).

Cela dit, on aurait tort de banaliser la petite étincelle d’hier, qui pourrait se propager très rapidement aux autres marchés à la vitesse du Covid-19.

Pour le moment, les manifestations ont été particulièrement pacifiques, les révoltés s’étant contentés de dresser des barricades sans faire de dégâts matériels et sans qu’on ait déploré de blessés ou de pertes en vie humaine.

Mais on ne sait jamais sur quoi peuvent déboucher ces mouvements d’humeur d’autant plus qu’on voit que dans d’autres pays, ils ont bien souvent et très vite tourné en émeutes de la faim. C’est le cas notamment dans les townships, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Tunisie et au Nigeria où au moins 18 personnes ont été tuées et au Niger où une centaine de croquants ont été interpellés.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 28 avril 2020 20:48

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