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Appel Bensouda à la CPI : La procureure combat-elle Gbagbo par…procuration ?

 

On vous l’avait bien dit : « C’est Vénus tout entière à sa proie attachée » pour reprendre le célèbre vers de Racine dans Phèdre.

 

 

C’était en effet le titre de notre éditorial du 16 septembre 2019, quand neuf mois après l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) avait décidé de faire appel de la décision.

 

Principales raisons avancées : les juges en première instance n’auraient pas dû selon elle prononcer un acquittement qui, à ses yeux, blanchit totalement les deux accusés, mais se contenter plutôt d’un non-lieu qui laisserait pendante la question de leur responsabilité dans les crimes pour lesquels ils sont poursuivis.

 

Depuis hier, Fatou Bensouda peut enfin exposer en détail  les motifs de son appel. Une audience particulière puisque frappée du sceau du coronavirus. Les membres de la Cour étant en télétravail depuis de longues semaines, on a assisté à une séance semi-virtuelle avec respect des gestes barrières qui va durer trois jours.

 

Bensouda parviendra-t-elle  pendant ces 72 h à convaincre de son bon droit ? Réponse demain ou jeudi au plus tard.

 

Si jamais elle obtenait gain de cause, deux scenarii seraient envisageables : soit elle décide de laisser l’affaire en l’état, et les deux accusés, dont les conditions de mise en liberté ont été récemment allégées, seraient définitivement libres, mais avec le risque d’être poursuivis de nouveau à la CPI ou ailleurs pour les mêmes faits ; soit elle demande tout simplement un nouveau procès sur la base de nouvelles preuves. Mais on en est encore loin.

 

D’entrée, son équipe a en tout cas pointé les vices de procédure  qui aurait été commis par la Cour de première instance, notamment le fait que les magistrats aient remis leurs motivations écrites six mois après avoir rendu leur verdict. Les juges n’auraient de ce fait pas eu le temps nécessaire pour analyser les 4 600 pièces à conviction et les 96 témoignages présentés tout au long des trois années de jugement,   chose qui a pu impacter le délibéré, estime la partie poursuivante.

 

Mais vices de procédure pour vices de procédure, les actes d’accusation de la procureure ont été plusieurs fois retoqués : dans leur motivation écrite, les juges avaient, on se rappelle, déconstruit point par point sur plus de 1000 pages les charges du parquet, critiquant « la déconnection globale entre le récit de l’accusation et les preuves tangibles », « les bases incertaines et douteuses des thèses de l’accusation » ou encore « le récit  simpliste et manichéen de la situation ivoirienne décrite par Bensouda ».

 

Depuis l’ère Moreno-Ocampo, le premier procureur de la CPI et prédécesseur de Bensouda, la Chambre d’accusation a d’ailleurs, à plusieurs  reprises, fustigé la faiblesse affligeante des charges et demandé au « ministère public » de bétonner davantage son dossier. Ce qu’il ne semble pas être parvenu à faire jusqu’à l’acquittement prononcé le 15 janvier 2019.

 

Malgré tout l’ancienne ministre gambienne de la Justice n’en démord pas. Une obstination bien suspecte, comme si, au-delà des intérêts des victimes, elle menait une guerre par procuration ou  jouait le jeu des vainqueurs du conflit postélectoral de 2011 qui a fait quelque  3 000 morts.

 

Le fait d’ailleurs que ce soient seulement  les vaincus qui soient trainés à la barre laisse songeur, comme si c’est le camp de Gbagbo qui était seul responsable de la tragédie ivoirienne.

 

Maintenant même que le clan des vainqueurs s’est disloqué avec le désamour entre ADO, d’un côté, Guillaume Soro et Henri Konan Bédié de l’autre, peut-être qu’on en apprendra de belle si on devait refaire l’instruction de ce dossier judiciaire aux relents forcément politiques.

 

 

 

Hugues Richard Sama

 

Dernière modification lemercredi, 24 juin 2020 21:51

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