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Crises à répétition communauté musulmane : «Cela est dû à la pauvreté tout simplement» (El hadj Abdou Rasmané Sana, président sortant)

 

Le président sortant de l’association Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF), El hadj Abdou Rasmané Sana, nous a accordé une interview hier, 25 juin 2020, sur la crise que traverse cette structure depuis deux ans.

 

 

 

 

Comment se porte la Communauté musulmane du Burkina Faso de nos jours ?

 

 

 

Elle se porte très bien. La communauté représente l’ensemble des fidèles musulmanes et musulmans du pays et ne saurait se réduire aux soixante-dix membres du Bureau exécutif permanent qui, eux, conduisent la structure, c’est-à-dire l’association Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF). Mais il convient de relever que le pays traverse des difficultés liées à la pandémie de coronavirus et, plus loin, aux attaques terroristes qui nous endeuillent au quotidien. Cela affecte l’ensemble des habitants, donc nécessairement des membres de cette communauté. Retenez que la communauté se porte bien dans l’ensemble et que ce sont quelques personnes de l’équipe dirigeante de l’association qui ne s’entendent pas.

 

 

 

Il nous revient que votre mandat est arrivé à expiration depuis le 6 juin 2020. Est-ce  exact ? Si oui, que prévoient les dispositions statutaires en pareille situation?

 

 

 

Oui, je confirme que mon mandat est fini et que le Bureau exécutif doit être renouvelé. Selon nos statuts, nous devons reprendre contact avec l’ensemble de nos structures, donner l’information selon laquelle nous sommes en fin de mandat et permettre à tous ceux qui sont intéressés par la gestion de l’association de faire acte de candidature. Au cours d’un congrès, l’équipe sortante rendra compte de sa gestion, quitte à ceux qui l’ont mandatée de lui renouveler leur confiance ou non. On ne parvient pas à la tête de la communauté par la force. On peut désigner le président par consensus ou l’on applique la volonté des musulmans.

 

 

 

Avez-vous déjà informé les structures de la fin de votre mandat ?

 

 

 

Nous sommes en train de le faire en ce moment et ce processus prend beaucoup de temps. Convenez avec moi que le pays est vaste, au-delà des 45 provinces, nous avons des structures dans les villages qui doivent également être informées de la situation. C’est après cela que nous pouvons envisager un congrès pour le renouvellement du bureau.

 

 

 

Mais il y a eu une assemblée générale extraordinaire à Bobo-Dioulasso, les 27 et 28 octobre 2019, et cela a débouché sur la désignation d’un président par intérim chargé d’organiser un congrès…

 

 

 

Ce n’était pas le moment, nous étions en cours de mandat. Si le bureau n’a pas commis de faute grave, on ne peut pas le démettre et mettre en place une autre équipe dirigeante. On ne doit pas faire un congrès parce qu’on n’aime pas la tête d’un président. L’association fonctionne sur la base des règles et le président sait qu’il sera sanctionné s’il commet des fautes graves à l’endroit de la structure. Mais ne pas satisfaire aux exigences d’un militant ne constitue pas une faute grave. Par exemple, si un militant vous demande un service que vous ne pouvez pas honorer parce que vous ne pourrez pas en rendre compte, cela n’a rien d’une faute grave. S’agissant de ces aspects, nous pouvons toujours nous entendre en discutant. C’est maintenant qu’on peut tenir un congrès et choisir qui on veut si on estime que le président sortant et l’équipe sortante, dont certains contestataires font partie, n’ont pas bien fait leur travail. Il y a lieu que nous échangions, que chacun revienne à la raison afin que nous puissions aller à un congrès. Ce serait l’idéal, même si quelques personnes refusent, cette instance aura lieu.

 

 

 

Qu’est-ce qui vous est reproché au juste ?

 

 

 

Des gens ont demandé des services que je n’ai pas honorés…

 

 

 

Quel service par exemple ?

 

 

 

Nous sommes toujours en négociation et revenir sur ces aspects n’est pas de nature à décanter la situation. Mais ces personnes sauront de quoi je parle. Si je donne un exemple, vous allez peut-être me demander le nom de l’intéressé, donc  restons-en là, contentons-nous en. Déjà,  certains des frondeurs reviennent à la raison car il y a des informations qu’ils ignoraient.

 

 

 

Il y a un communiqué faisant cas d’une rencontre que vous avez eue avec le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, Siméon Sawadogo. Qu’est-ce qui en est ressorti ?

 

J’avais auparavant demandé au ministre une prorogation du mandat des instances de la CMBF, compte tenu de la pandémie de covid 19 (6 mois). Le mandat expirait deux semaines plus tard et il fallait porter l’information aux structures et organiser un congrès alors qu’il était interdit de réunir une  cinquantaine de personnes. Le ministre a réagi en visant nos statuts. Il a dit qu’il ne voulait pas se mêler de nos affaires, que notre association a un caractère national il nous a invités à l’entente et, en fin de compte, n’a pas accédé à ma requête.

 

En ventilant la réponse du ministre, beaucoup ont cru qu’un congrès se profilait à l’horizon et l’information est parvenue à l’autorité qui a jugé utile de recevoir cinq personnes par délégation. Le camp d’en face avait six représentants dont trois membres du bureau sortant. Le ministre a signalé que la rencontre ne devait pas durer plus de cinq minutes, que le mandat du bureau sortant est arrivé à terme, qu’il sait qu’il y a des mésententes et nous exhorte à des discussions afin de trouver la solution qui sied. Et d’ajouter que nous nous fréquentons, prions ensemble et participons aux activités sociales des uns et des autres et que partant nous pourrions bien trouver un terrain d’entente.

 

Il a évoqué le cas du congrès tenu à Bobo-Dioulasso en disant qu’ils n’ont pas encore trouvé de solution et, par conséquent, n’ont pas délivré de récépissé au bureau qui en est issu. Ce qui a suscité des réactions et des propos qu’il ne convient pas de rapporter ici. Toujours est-il que par la suite, des gens menaçaient de  perturber la prière du vendredi. Il y a effectivement une seule personne qui a été expulsée à cet effet et le bruit a couru au point que le Moro Naaba nous a aussi convoqués…

 

Et qu’a dit Sa Majesté ?

 

C’était le 18 juin dernier. Il a convié cinq personnes par partie et le camp d’en face, une fois de plus, s’est présenté avec sept personnes dont un membre du bureau sortant. Pour Sa Majesté, une mosquée est faite pour adorer Allah et ne saurait être un ring. Il a déclaré qu’une bagarre entre fidèles n’honorera pas notre pays, surtout dans ce contexte de maladie et d’attaques terroristes. Il a dit expressément qu’il n’en veut pas et nous a aussi invités à trouver un terrain d’entente avant de lui revenir. Après cette rencontre, les propos selon lesquels des personnes viendraient perturber la prière se sont accentués si bien que les forces de l’ordre sont venues assurer la sécurité dès le lendemain.

 

 

 

Mais selon vous, pourquoi il y a tant de divergences au sein de l’association à chaque fin de mandat ?

 

 

 

Cela est dû à la pauvreté tout simplement. Il y a des gens qui ne veulent pas travailler. Dans votre service, si vous renoncez à un mois de salaire, vous pourriez tenir mais si cela s’étale sur une longue durée, ce n’est pas évident que vous teniez le coup. Le prophète Mohammed lui-même n’est jamais  resté les bras croisés en comptant sur d’autres pour avoir sa pitance. Il fut berger, commerçant, entre autres, alors qu’Allah pouvait lui donner toutes les richesses qu’il désirait sans qu’il ait besoin de travailler. Si un contributeur donne de l’argent pour l’entretien de la mosquée, il a bien défini le sens de son geste et nous, responsables, devrons rendre compte, pas seulement aux fidèles. S'il le donne en aumône, c’est tout autre chose qui peut être disposé autrement également.   

 

     

 

Entretien réalisé

 

par Aboubacar Dermé

 

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