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La Der des Der de Patrice Guillain: Hitler serait mort en 1917

La Der des der est un court métrage  de 8 mn de Patrice Guillain dont le sujet est doublement important : il questionne l’Histoire de la Première Guerre et la place de chaque acteur dans son déroulé. Et si Hitler était mort le 17 juin 1937 ? Le soldat Simon Rosenberg le tenait en joue. Un simple appui sur la gâchette aurait-il empêché la Seconde Guerre mondiale ? Ce film pose cette question avec des images et une musique qui servent majestueusement le propos.

 

 

Simon Rosenberg est le dernier des poilus, ces soldats qui ont fait la guerre de 14-18 du côté français. Il a 121 ans et veut se confier à un journal avant de mourir. Samia, une jeune journaliste dont l’arrière-grand-père a fait cette guerre, décide de l’entendre. Et c’est ainsi que le film nous introduit dans la maison et la mémoire du vieil homme.

Pendant qu’il raconte l’histoire, un flash-back nous transporte en  1917. Soldat à l’arrière, Simon Rosenberg reçoit l’ordre d’aller chercher des blessés pour les ramener au camp. Mission qu’il va foirer en tombant sur des éléments de l’armée allemande. Une fusillade éclate entre les deux groupes et il n’y a que deux survivants : lui et un soldat allemand. Grâce à l’alcool et à leur désir partagé de vivre au-delà de cette guerre, ils vont fraterniser un bref instant, parler de leur famille et de leur futur. Mais un obus vient les rappeler à leur devoir et fermer cette parenthèse pacifique. Avant de se quitter, Simon demande au jeune soldat allemand son nom. Adolphe, dira celui-ci avant de disparaître dans la forêt.

Ce jeune soldat allemand est-il Adolf Hitler ? Simon Rosenberg le pense et s’en veut d’avoir cédé à la peur et à la compassion. Hitler mort ce jour du 17 juin 1917, le monde aurait fait l’économie de 50 millions de morts.  Peut-être que oui, peut-être que non. Adolf Hitler a été une estafette pendant la guerre de 14-18. Mais il n’est pas le seul dans l’armée allemande à porter le pronom d’Adolf. Mais qu’importe !

L’intérêt de La Der des Der, c’est de poser la question de la responsabilité de l’individu dans l’histoire. Un simple soldat aura-t-il pu changer le destin de l’humanité ? Hitler mort, la Seconde Guerre n’aurait-elle pas eu lieu ? Le croire, c’est penser aussi qu’un seul individu peut mouvoir la roue de l’Histoire et c’est dédouaner tous les autres acteurs. De plus en plus, il est admis que le nazisme a trouvé ses ferments dans la culture européenne et Hitler ou pas, si les conditions économiques et politiques sont réunies, la machine de destruction massive se met en branle.

Mais au-delà de cette question, ce film interroge beaucoup le présent en faisant du présent le reflet du passé. Par exemple, la rédaction du journal est multiculturelle. Un plan met ensemble une Noire, une Arabe, un Asiatique et un Blanc. Au front, les soldats français blessés sont des quatre grandes communautés humaines. Une façon très subtile de justifier la présence des basanés à qui on récuse de plus en plus le droit d’être en France.

D’ailleurs, la salle de rédaction n’est pas un havre de paix. C’est plutôt un champ de conflits. Un travelling suit l’entrée d’un personnage féminin de dos, celle-ci emprunte le couloir pour aller en salle de rédaction, la caméra serre de près un visage avenant d’un jeune noir qui se crispe soudain, au passage du personnage.  Des messes basses et l’arrogance du rédacteur en chef montrent que l’équipe n’est pas non plus très fraternelle. Il y a comme des camps qui s’affrontent…Et de l’électricité flotte dans l’air.

Ce film illustre bien la sagesse qui dit qu’une goutte d’eau contient toute la mer tant chaque image est, en soi, une mine d’informations et un discours sur le passé et le présent de la France. Ainsi chez le vieux soldat, il y a la Marianne, symbole de la République française. Et lui, qui a défendu la France en 14-18 porte, tatoué sur le bras le matricule des déportés juifs dans les camps nazis. Et sur les photos de famille, on voit sur les manteaux les étoiles jaunes, ces marqueurs d’infamie que le régime de Vichy a accrochés à ses citoyens parce qu’ils étaient juifs. Simon n’en parle pas mais les images parlent de ce passé. Et aussi du présent. Des Français de seconde zone (Juifs hier, Noirs et Arabes de nos jours) qui croient à l’égalité,

Ce film est un bijou. Le montage, très alerte, permet d’instaurer la continuité entre le présent et le passé et de juxtaposer plusieurs genres cinématographiques sans hiatus.  Et la musique de Denis Bosque accompagne puissamment cette histoire que l’on reçoit comme une claque magistrale.  Depuis sa sortie, il glane les prix dans les prestigieux festivals de cinéma court. La preuve qu’un film court peut être un grand film.

Saidou Alcény Barry

Lien pour voir le film : https://www.youtube.com/watch?v=T1R5jPoYxyY

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