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Audition ancien président mauritanien : Jurisprudence angolaise à Nouakchott

 

Mohamed Ould Abdel Aziz va-t-il déférer à la convocation des députés mauritaniens ?

 

Rien n’est moins sûr, puisque l’accès à sa résidence a été refusé aux porteurs de l’indésirable invitation à laquelle il n’est d’ailleurs pas obligé de répondre. Mais quoi qu’il en soit, cette situation illustre à souhait l’état des relations entre l’ancien président mauritanien et le successeur qu’il avait lui-même pris le    soin de se choisir, le général Mohamed Ould Ghazouani, qui apparemment veut s’offrir le scalp de son mentor pour fêter le premier anniversaire de son accession à la tête de l’Etat, au nom d’un devoir d’inventaire qu’il veut s’imposer.

 

 

Mais qu’est-ce qui peut bien valoir à celui qui a dirigé la Mauritanie d’une main de fer pendant près de 10 ans de voir sa retraite dorée ainsi troublée ? Si la lettre expédiée par le président de la commission parlementaire n’indique pas le motif de cette convocation, on sait que de nombreux ex-ministres et chefs de gouvernement qui ont déjà subi cet interrogatoire parlementaire ont dû s’expliquer sur la gestion de la rente pétrolière, la vente de domaines étatiques, la liquidation d’une société publique qui assurait l’approvisionnement du pays en denrées alimentaires, ou encore les activités d’une société de pêche.

 

Si l’on en croit d’ailleurs ce qu’affirme le président de la commission, par ailleurs chef du groupe parlementaire de la majorité, Habib Ould Diah, le nom de l’ancien chef de l’Etat «a été maintes fois directement cité dans le cadre de faits et d’actes pouvant constituer une atteinte dangereuse à la Constitution et aux lois».

 

Une charge suffisamment grave pour renforcer le sentiment de persécution dont se dit victime l’ex-homme fort de Nouakchott. Et à supposer qu’Ould Abdel Aziz réponde à l’invitation inamicale de ses anciens camarades, protégé comme il est par le parapluie immunitaire que lui confère son statut de chef d’Etat, il n’aurait rien à craindre d’une commission qui n’a pas valeur de juridiction mais se contente d’enquêter et éventuellement de recommander des poursuites   judiciaires le cas échéant. Et même là, il ne peut être jugé que par la Haute Cour de justice et seulement pour des crimes constitutifs de haute trahison. Alors, qu’à cela ne tienne…

 

Ses misères rappellent celles d’un autre ci-devant président, victime lui aussi de l’héritier qu’il s’était librement choisi après presque 40 ans de règne :  l’Angolais José Eduardo Dos Santos, qui avait en effet légué son fauteuil à son dauphin désigné, João Lourenço, devenu aujourd’hui la véritable bête noire de la famille Dos Santos. Et si jusque-là il se garde d’attaquer frontalement le patriarche, les enfants de ce dernier, particulièrement sa fille Isabel et son fils José Filomeno, depuis leur exil, ne comptent plus leurs déboires.

 

C’est donc cette jurisprudence angolaise qui semble désormais s’appliquer à Nouakchott. Comme quoi, on a beau se choisir un dauphin constitutionnel ou pas pour assurer ses arrières, il n’y a pas d’assurance tous risques.

 

 

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification lejeudi, 09 juillet 2020 18:54

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