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Sommet CEDEAO sur le Mali : Chacun pense à ses propres casseroles

 

Deux jours après la démission forcée du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), la CEDEAO  a tenu un sommet extraordinaire de ses chefs d’Etats par visioconférence. Avec un seul point à l’ordre du jour : l’examen de la situation au Mali.

 

 

En fait de sommet extraordinaire, on a assisté à la même rengaine condamnant la prise du pouvoir par la force et réaffirmant la nécessité de respecter l’ordre constitutionnel dans nos Etats. Pour avoir violé ce sacro-saint principe coulé dans le marbre du Protocol additionnel au Traité fondateur  de l’organisation régionale, l’action de la junte, qui a forcé le président IBK à dissoudre l’Assemblée nationale, le gouvernement, avant de rendre le tablier, a été vigoureusement condamnée par les chefs d’Etats de la Communauté ouest-africaine. Dans la même dynamique, des sanctions économiques ciblées ont été  prises contre le Mali et une mission d’urgence sera dépêchée à Bamako pour exiger la libération sans conditions du président déchu.

 

Comme on les comprend les chefs d’Etats de la Communauté régionale sans pour autant approuver ni leur  décision d’embargo partiel contre le Mali ni leur exigence de libération inconditionnelle du président IBK ! Une telle attitude revient à ruer dans les brancards sans  tenir compte des spécificités de la situation malienne. Ces spécificités vont de l’approbation de ce coup de force par une grande majorité de la population, sans oublier qu’une bonne partie de sa classe politique et de sa société civile voit en cela un couronnement des revendications d’une bonne gouvernance et d’un refus du tripatouillage des résultats des dernières élections législatives. Les chefs d’Etat de la CEDEAO devraient donc prendre garde à ne pas s’aliéner la sympathie du peuple malien,  celle des autres peuples de la région et de tous ceux qui militent pour une gouvernance vertueuse en Afrique. Déjà que la médiation de l’organisation régionale dans cette crise avait été  perçue comme une tentative de sauvetage du «soldat» IBK, exiger qu’il soit libérer hic et nunc, c’est apporter de l’eau au moulin de ceux qui brocardent la CEDEAO en syndicat des chefs d’Etat, inopérant sur le plan de la défense des intérêts des populations.

 

De fait, dans la gestion des crises comme celle qui a abouti à la chute du régime d’IBK, l’organisation met trop en avant le respect de la légalité au point d’ignorer la légitimité. L’absence de légitimité peut déconstruire la légalité et, au contraire, la légitimité d’un acte peu lui conférer le sceau de la légalité. Dans cette logique, la CEDEAO devrait prendre garde à ne pas souffrir de l’opprobre du refus « d’assistance à un peuple en danger » pendant que les conjurés du 18 août passent pour le bras armé des populations maliennes en légitime défense contre un prédateur de l’Etat. Au demeurant, le Protocole additionnel du traité de la Communauté dispose clairement en son article 38 : «Les Etats s’engagent à lutter contre la corruption, à gérer les ressources nationales dans la transparence et à en assurer une répartition équitable». Assurément, les populations ouest-africaines espèrent que leurs dirigeants s’approprient davantage cette disposition de l’organisation régionale afin que la CEDEAO soit plus en phase avec leurs aspirations ; qu’elle devienne la CEDEAO des peuples et non un cartel de chefs d’Etat qui se protègent mutuellement.

 

Hélas ! Bien de chefs d’Etat de la CEDEAO ne sont pas exempts de tout reproche par rapport à ce principe de l’organisation sur la démocratie et la bonne gouvernance. Dès lors, la situation malienne n’est pas sans donner des insomnies à certains d’entre eux. Car ils ne sont pas à l’abri d’une saute d’humeur de leur  Grande Muette si la crise sécuritaire ou les turbulences socio-politiques que traversent leurs pays s’aggravent.

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification lemercredi, 26 août 2020 22:19

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