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Yacouba Isaac Zida : «Je serai au congrès du MPS le 25 septembre»

 

Parti pour rendre visite à sa famille au Canada en début d’année 2016, le général de division Yacouba Isaac Zida n’est plus revenu au pays. Radié des effectifs de l’armée pour avoir dépassé le temps de sa permission, l’homme fort de la Transition est également poursuivi en justice pour désertion en temps de paix. Malgré les nuages qui se sont amoncelés au-dessus de sa tête, Zida, qui est le candidat du Mouvement patriotique pour le salut (MPS) à la présidentielle du 22 novembre, assure qu’il sera présent à Ouagadougou pour prendre part au congrès de ce parti le 25 septembre 2020.

Depuis qu’il s’est installé à Ottawa, ce militaire, qui affirme qu’il a pardonné aux soldats qui ont perpétré le putsch avorté du 16 septembre 2015, parle très peu aux médias. A l’occasion du cinquième anniversaire du coup d’Etat du général Gilbert Diendéré, perpétré le 16 septembre 2015, à notre demande par personne interposée, il nous a accordé cet entretien exclusif par le biais d’internet. Interview dans lequel il s’exprime sur sa vie au pays de la Feuille d’Erable, les circonstances du coup d’Etat manqué, son ambition de revenir au pouvoir par les urnes et ses solutions pour vaincre le terrorisme s’il accédait au palais de Kosyam.

 

 

 

 

Comment doit-on vous appeler ? Monsieur le président ? Mon général ?

 

 

 

Peu importent les titres, grades et appellations, je suis très satisfait de mon nom, Yacouba Isaac Zida ; si vous voulez y ajouter « Monsieur », je vous rendrai la politesse, ou bien appelez-moi camarade Zida, car je suis parfaitement à l’aise avec ça.

 

 

 

Comment allez-vous et où exactement vivez-vous au Canada ?

 

 

 

Je me porte très bien. Je vis effectivement au Canada dans la ville d’Ottawa qui est la capitale fédérale.

 

 

 

Que faites-vous comme travail ? De quoi vivez-vous si loin de votre pays natal ?

 

 

 

Je fais de la recherche pour le compte du Centre de recherche sur le conflit (CRC) qui est une institution appartenant à l’université Saint-Paul où je suis en train de faire un PhD en études de conflits. Je participe à des conférences et donne aussi des cours à des étudiants comme professeur invité. Je ne suis donc pas au chômage comme vous pouvez le constater. Je vis bien de ces revenus, y compris des bourses de l’Etat du Canada sans lesquelles je ne pourrais même pas payer ces études doctorales qui coûtent assez cher. Je suis infiniment reconnaissant à ce merveilleux pays pour tout.

 

 

 

La date du 16 septembre évoque sans doute des souvenirs douloureux pour vous. Vous arrive-t-il, cinq après, de faire des cauchemars ?

 

 

 

Je n’ai jamais fait de cauchemars ni en 2016 ni maintenant en 2020. Je ne vois pas pourquoi j’en ferai. J’ai parfois du regret quand je vois que la date du 29 septembre (1) n’est pas assez célébrée. Le gouvernement de la Transition avait par décret consacré cette journée d’action de grâce afin que l’ensemble des populations se souviennent qu’à un moment donné nous avons frôlé le chaos et que nous en sommes sortis. Le 29 septembre 2015 a été bien célébré, le président Kafando était à la cathédrale, le président du CNT, Sy Chérif, était à la grande mosquée de Ouaga, et moi j’étais à l’église centrale des assemblées de Dieu. Il n’y a aucun avenir possible pour un peuple qui n’a ni homme, ni date, ni circonstances de référence. Si nous continuons à célébrer le 11-Décembre comme seule date importante de notre histoire, autant reprendre notre nom « Haute-Volta » et continuer d’oublier notre histoire au profit de celle des autres.

 

 

 

Revenons à ce fatidique 16 septembre 2015. Avez-vous manqué de vigilance ou sous-estimé le danger quand on sait qu’après les multiples couacs entre vos anciens camarades et vous, vous étiez devenu prudent comme un Sioux ?

 

 

 

J’avais l’information qu’un coup d’Etat devait avoir lieu et était imminent. Au cours du week-end qui l’a précédé j’en ai été informé. Pourquoi n’ai-je rien fait? Cette question m’a déjà été posée par le juge d’instruction du dossier lorsque je lui ai reversé en décembre 2015 les éléments matériels qui prouvaient que j’étais bien renseigné sur le coup d’Etat. Les dates des messages par exemple sont bien antérieures au putsch. Mais ma réponse est toujours la même : j’étais fatigué de devoir me battre pour sauver des gens qui tenaient coûte que coûte à se noyer. Personnellement je savais qu’un coup d’Etat ne pouvait pas aboutir et qu’au final ses auteurs allaient se retrouver dans une sale situation. Ces personnes vivaient dans une sorte de bulle, et dans leurs illusions, elles ont cru qu’elles pouvaient renverser le cours de l’histoire. En fait elles n’avaient pas du tout compris ce qui s’était produit dans notre pays en octobre 2014.

 

Il ne s’agissait pas d’un incident, mais d’un fait historique résultant de plusieurs décennies de frustrations mêlées de luttes et de sacrifices. Cette dynamique était encore vivace, et vouloir soumettre de nouveau le peuple à ce qu’il avait si vigoureusement rejeté n’avait aucune chance de succès. Aujourd’hui encore, je ne m’explique pas comment le Général Diendéré qui, habituellement, est un homme habile a bien pu tomber dans ce piège. J’étais son plus grand collaborateur dans l’armée et croyez-moi si je vous dis que je le connais mieux que quiconque; il devait savoir qu’il n’avait aucune chance de succès. Disons que c’était devenu comme un pari d’enfants, faisons pour voir, et si ça marche tant mieux, sinon tant pis.

 

Malheureusement si par la suite de ce jeu il y a des pertes en vies humaines, il faut bien situer les responsabilités, et c’est ce qui leur vaut aujourd’hui ces lourdes peines de prison.

 

 

 

Quand les soldats ont pénétré dans la salle du Conseil, vous avez tout de suite pensé que c’était la fin pour vous ?

 

 

 

Tout d’abord vous devez savoir que je connais personnellement chacun des soldats qui sont entrés dans la salle du conseil des ministres. J’en ai formé moi-même certains pour défendre la patrie et se défendre,  mais je puis vous assurer qu’il n’y avait pas un seul tueur de sang froid parmi eux. Je n’avais aucune raison de croire que c’était la fin pour moi. En tout cas pas là dans la salle du conseil avec le risque que ça dégénère et qu’ils soient obligés de tuer 25 ministres. On n’a jamais vu cela dans l’Histoire. Si c’est moi qu’ils voulaient et je le pensais vraiment, ils ne pouvaient que m’amener et laisser les autres partir.

 

C’est effectivement ce qui s’est passé. Ils m’ont amené avec le président Kafando ainsi que les ministres Augustin Loada et René Bagoro. Les choses se sont compliquées lorsqu’il y a eu la résistance de la population. Face au manque de maîtrise de leurs chefs qui hésitaient à donner des ordres clairs et fermes,  les soldats ont paniqué et fait usage de leurs armes par moments pour tenter d’intimider les manifestants. Plus ils tiraient plus ça dégénérait. Cela a conduit à la perte de 14 vies humaines et causé 270 blessés dont certains sont handicapés à vie.

 

 

 

Finalement, est-ce les pressions nationales et internationales qui vous ont sauvé ou les prières du «pasteur Zida » ?

 

 

 

Dieu nous a tous sauvés, et je pense que les pressions internationales, notamment celles de l’Union africaine, ont été très déterminantes.

 

 

 

Pour l’intéressé et une partie de l’opinion, la scène selon laquelle le général Diendéré aurait pleuré devant vous pendant votre détention relèverait plus de la légende. Qu’en dites-vous ?

 

 

 

Eh bien si le Général dit n’avoir pas pleuré, soit, mais je ne souhaite plus commenter ce sujet. J’avais interprété cela comme un sentiment de remords, c’est pourquoi j’ai pris le temps de prier avec lui dans cette prison. S’il n’a jamais éprouvé ce sentiment, autant donc pour moi.

 

 

 

Les auteurs du coup de force ont été condamnés en première instance à différentes peines, dont vingt ans ferme contre les cerveaux du putsch. Etes-vous satisfait d’un tel verdict ?

 

 

 

Sur le plan personnel, je n’en ai tiré aucune satisfaction. Cela dit, il y a deux dimensions à la justice qu’il faut prendre en compte : elle doit être non seulement restitutive, c’est-à-dire sanctionner le fautif, mais aussi restitutive, c’est à dire réparer le préjudice causé à autrui. Dans ce cas et comme dans bien d’autres,  nous avons choisi de punir de vingt ans de prison les auteurs du putsch sans que pour autant les victimes et leurs ayants cause reçoivent une réparation quelconque. Il faut demander aux blessés et familles des victimes s’ils sont satisfaits, et si tel est le cas, alors je le suis aussi.

 

 

 

Chrétien pratiquant que vous êtes, leur avez-vous pardonnés comme le Christ recommande de pardonner à tous ceux qui ont offensé autrui ?

 

 

 

J’ai pardonné même avant de quitter la prison du RSP. Le sergent qui était le chef de la garde de ma prison m’a approché le soir de ma libération et m’a demandé de lui pardonner et de pardonner aussi à tous les autres. J’ai répondu que je n’avais absolument aucune rancune contre lui ni contre personne d’autre d’ailleurs. Figurez-vous que, dans la semaine qui a suivi ma libération, il m’a appelé pour demander à être affecté au Génie militaire à Ouaga au lieu de rejoindre Bobo où il avait été initialement muté. Ce n’est pas quelque chose que je fais normalement, mais pour que ce soldat croie au message de pardon, je lui ai accordé ce qu’il demandait. Comme on dit, l’erreur est humaine, mais le pardon est divin.

 

 

 

Le casus belli entre vous et vos anciens amis, c’est qu’ils ont le sentiment d’avoir été trahis par vous. Vos ennuis n’ont-ils pas commencé le jour où vous avez débarqué à l’état-major général des armées ?

 

 

 

 

 

Evidemment que c’est leur sentiment. Mais laissez-moi vous dire mon sentiment à moi est que ce sont eux qui ont plutôt trahi leur serment. Nous sommes tous des soldats, et chacun de nous a fait le serment sous le drapeau de défendre la patrie. Personne à ce que je sache ne s’est engagé à défendre un homme ou un régime quelconque. Mes anciens collègues n’ont pas pu s’élever au-dessus de l’esprit de corps pour accéder à l’esprit patriotique. Ce qui vaut la peine d’être défendu, c’est notre patrie, et que nous soyons civils ou militaires, nous devons avoir à l’esprit que la patrie prime sur tout le reste. Ceux qui ont créé ce corps avaient en tête la patrie. En rappel, ce corps a été créé en 1976 par le lieutenant Thomas Sankara après la guerre de 1974 contre le Mali. C’était au départ une compagnie du régiment parachutiste commando de Dédougou que l’on appelait « compagnie Baïlo ». Avec cette compagnie, Sankara a accompli de grandes missions au Mali, et après la signature du cessez-le-feu, les autorités avaient du mal à les contrôler à quelques kilomètres de la frontière malienne, car ils faisaient parfois des incursions de l’autre côté. Il a donc fallu les délocaliser au sud du pays, à Pô, et c’est ainsi qu’est né le Centre national d’entraînement commando (CNEC) qui deviendra en 1996 Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Cette unité, à l’origine, avait à l’image du reste de l’armée la mission de défendre la patrie et rien d’autre. Pendant la Transition nous avons baptisé le camp de Pô « Camp Capitaine Thomas Sankara » parce qu’il l’a créé avec la vocation de former aux techniques commando le reste des militaires. En 1985 la guerre a repris, et c’est cette unité qui a constitué le fer de lance de l’armée burkinabè. Mes collègues se sont trompés de mission, et je n’avais pas à les suivre dans leur erreur.

 

 

 

Le moins qu’on puisse dire est que vous avez quand même surfé sur la force de frappe du RSP pour brûler la politesse à la hiérarchie militaire avec la complicité des OSC.

 

 

 

Evidemment en période de crise, chacun doit se prévaloir de tous les moyens à sa disposition pour endiguer la crise, et c’est ce que j’ai fait bien que je ne fusse ni le chef de corps ni le chef d’état-major particulier. Je n’étais que l’adjoint qui jouait un rôle secondaire. La preuve est que, le 29 octobre, c’est-à-dire la veille de l’insurrection populaire, j’étais en mission à Bobo-Dioulasso pour préparer le défilé commémorant la fête de l’armée le 1er novembre. Je suis revenu à Ouaga presque à tout hasard parce que le défilé à été annulé le 29 octobre peu avant midi. Je suis rentré donc tard cette nuit du 29 à Ouaga sans savoir quelles dispositions étaient prises au camp ni qui devait faire quoi… c’est à partir du moment où le pays basculait dans la crise que je me suis vu dans l’obligation d’intervenir. Ce n’est pas toujours parce qu’on ne dit rien qu’on ne sait rien, et ce n’est pas toujours parce qu’on ne fait rien qu’on ne peut rien faire. La hiérarchie dont vous parlez était incapable de gérer cette situation, elle risquait même de l’empirer. La nuit du 30 octobre, j’ai eu à dire au Général Nabéré Traoré que sa déclaration se justifiait au regard de la situation chaotique, mais qu’il devait réunir autour de lui toute la hiérarchie militaire y compris le général Diendéré. La hiérarchie militaire, ce n’est pas  l’état-major des armées seulement, et vous le savez bien. Ensuite, de son bureau, je suis allé dire au Général Diendéré de discuter avec le général Traoré et qu’ensemble ils devaient trouver une solution qui préserve la cohésion au sein de l’armée, dernier rempart de la nation. Malgré la gravité de la situation, les deux généraux ne se sont pas parlé, et c’est ainsi que le lendemain 31 octobre j’ai compris qu’il n’y avait plus que nous avec quelques officiers et nos soldats pour sauver le navire. Aujourd’hui, c’est très facile à chacun de raconter sa version des faits en incriminant qui il veut. Mais comme on dit, il n’y a pas plus malhonnête que celui qui commence le récit de l’histoire par « deuxièmement » ; où est donc passé le « premièrement » ? On peut raisonnablement se demander pourquoi le général Traoré a déclaré être chef de l’Etat alors que le président Blaise Compaoré était toujours en poste. Quid de la déclaration du Général Kouamé Lougué ? D’ailleurs pourquoi le Ltd-Col Zida, adjoint du chef de corps, était-il en mission d’organisation d’un défilé à Bobo le 29 octobre alors que tout le pays savait qu’à la date du 30 octobre était prévue la

 

controversée révision de l’article 37?

 

 

 

A la fin de votre mission, n’était-ce pas un peu gênant, à votre avis, de vous faire bombarder « général de division » comme beaucoup ont brocardé votre promotion TGV ?

 

 

 

Non, pas du tout. J’aurais pu repartir en tant que lieutenant-colonel dans les rangs et demander à être adjoint au chef de corps du GSPR, ça m’était égal ; je n’ai rien demandé du tout. C’est le président Michel Kafando qui en a eu l’initiative et m’a fait la proposition après avoir consulté la hiérarchie militaire de

 

l’époque. Je n’ai pas entendu dire qu’il y avait des objections. Evidemment, j’ai accepté le grade de Général de division parce que j’ai compris que c’était sa façon de marquer une reconnaissance de la nation par rapport à ce que j’avais réussi à faire d’octobre 2014 à décembre 2015. Cela n’est pas une récompense, car il n’y a absolument rien qu’un homme puisse faire pour récompenser ce que j’avais fait pour mon pays; il s’agissait seulement d’une reconnaissance. Il ne faut jamais confondre reconnaissance et récompense. Il y a des choses dans la vie que vous ne pourrez jamais récompenser ou rétribuer… comme une mère ou un père ou quelqu’un qui vous a sauvé la vie. Dans notre pays, nous oublions trop vite d’où nous sommes venus : en janvier 1966, le lieutenant-colonel Sangoulé Lamizana a succédé au président Maurice Yaméogo qui avait été renversé par la première insurrection populaire de notre histoire. Une année plus tard, en avril 1967, le lieutenant-colonel Lamizana a été promu général quatre étoiles. Il faut savoir que le déni de notre histoire nous fait subir celle des autres. Ceux qui n’ont pas intérêt à ce que Zida soit général sont les mêmes qui n’ont pas intérêt à ce que dans notre pays

 

ou dans aucun autre pays africain un militaire quelconque prenne fait et cause pour le peuple, et ce sont toujours les mêmes qui s’imaginent que nous n’existons sur la terre que pour accompagner leur bonheur.

 

Mais la bonne nouvelle, c’est que l’Histoire est en marche et si l’esclavage est passé, le colonialisme est passé, la guerre froide est passée, tout cela est suffisant à notre intelligence pour comprendre que la domination impérialiste passera aussi bien que toutes ces discriminations fondées sur la race ou le genre. L’Histoire est un processus irréversible qui s’impose à tous les humains, même si nous avons parfois l’illusion d’en maîtriser le cours.

 

 

 

Vous êtes arrivé militaire au pouvoir, à quel moment de la Transition vous vous êtes découvert une ambition politique pour ne pas dire un destin présidentiel ?

 

 

 

Je suis arrivé au pouvoir en tant que civil en mission et aujourd’hui je suis un militaire en permission  pour paraphraser le Capitaine Thomas Sankara qui a bien dit qu’ « un militaire est un civil en mission et un civil est un militaire en permission ». Je me considère toujours comme une personne qui doit être au service du bien-être des autres. Comme civil ou militaire, j’ai une mission, une responsabilité vis-à-vis de ma communauté, de mon pays. Et je crois que nous sommes tous investis de cette mission, à la seule différence qu’il y a ceux qui choisissent de ne pas s’assumer et ceux qui, bon gré mal gré,  sont obligés de s’assumer. Je suis sûr que si la situation du Burkina Faso aujourd’hui n’était pas aussi complexe qu’elle l’était en 2015 ou antérieurement, je me serais consacré à l’enseignement, à la recherche et à l’agriculture qui sont mes passions… Je ne fais pas de la politique une carrière, un métier

 

ou autre. Pour moi, c’est une mission assortie d’un objectif, de moyens et d’un délai. C’est pourquoi je veux faire du Burkina Faso en cinq années l’un des cinq pays de la sous-région ouest-africaine ayant enregistré le plus de progrès en matière de développement, et l’un des pays les plus sûrs et sécurisés du continent.

 

 

 

Pour cela, encore faut-il rentrer au bercail. On imagine que c’est à cause de la covid 19 que votre retour, initialement annoncé pour juin, n’a pas eu lieu. Quelle en est la nouvelle date ?

 

 

 

Evidemment nous sommes dans une année particulièrement difficile, marquée par la pandémie de la covid 19. Je voudrais exprimer ma compassion et ma solidarité à toutes les familles burkinabè qui en ont été affectées d’une manière ou d’une autre. Les mesures liées à cette pandémie ont obligé le Mouvement patriotique pour le salut (MPS) à reporter son congrès initialement prévu au mois de juin.

 

Ma présence à Ouaga je l’avais effectivement envisagée à l’occasion de ce congrès pour que mon retour soit placé sous le signe de mon engagement politique. J’ai quitté le pays depuis bientôt cinq années, et ai toujours éprouvé le désir de revoir les miens, ma famille mes amis, mes proches. Mais tout cela pouvait attendre. Ce qui ne peut pas en revanche attendre, c’est ce qui touche à la destinée du Burkina Faso, mon engagement politique aux côtés de ceux qui croient en moi, qui savent que nous pouvons redonner de l’espoir à notre peuple, et qu’ensemble nous pouvons bâtir un Burkina Faso meilleur que l’état dans lequel il se trouve actuellement. Le congrès du parti est programmé pour se tenir le 25 septembre, et j’y serai présent.

 

 

 

Accusé comme vous l’êtes de désertion en temps de paix par les autorités politiques et militaires, ne craignez-vous pas d’aller tout droit de l’aéroport à la MACA si vous rentrez ?

 

 

 

Oui, il y a effectivement eu deux procédures, l’une disciplinaire et l’autre judiciaire qui ont été enclenchées contre moi pour fait de désertion en temps de paix. La procédure disciplinaire a fait l’objet de plus d’attention et de zèle et a abouti rapidement à ma radiation de l’armée pour compter de février 2016. Je constate que la procédure judiciaire en revanche a été déclenchée plus tard, en mai-juin 2016, et que l’on poursuit pour désertion quelqu’un qui n’est plus militaire. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. C’est un problème récurrent qui a toujours existé à la justice militaire, et moi-même quand j’étais dans les rangs nous avons dénoncé cette manière cavalière et incohérente de faire.

 

 

 

Vous êtes particulièrement contre le président du Faso ? Ya-t-il eu, comme on l’entend souvent, un deal entre vous et les responsables du MPP avant qu’ils n’arrivent aux affaires ?

 

 

 

Je ne suis pas contre le président du Faso et encore moins contre la personne de Roch Marc Christian Kaboré. Si je suis par moments révolté par la situation que traverse notre pays, contre qui voulez-vous que je m’insurge ? Contre les soldats qui sont sur le terrain et se battent avec détermination malgré le manque de moyens, même du minimum comme par exemple les munitions en quantité ? J’exprime ma frustration simplement parce que, comme beaucoup de nos compatriotes, j’avais rêvé de voir un autre Burkina après l’insurrection populaire et après tant de sacrifices que nous avons consentis ensemble pour arriver aux élections de novembre 2015. Vous le savez, ce sentiment de gâchis… ça ne peut que vous ronger, à moins que vous ne trouviez le moyen de le noyer dans le vice et l’insouciance, chose que je ne puis me permettre. Pour recadrer les choses, il n’y a jamais eu de deal avec les responsables du MPP, et je respecte bien le président du Faso, SEM Roch Marc Christian Kaboré. Toutefois, dans ma conception des choses, avoir du respect pour une autorité ne devrait pas nous interdire de lui dire la vérité, bien au contraire.

 

 

 

Sur la crise sécuritaire, quelle potion magique allez-vous proposer pour nous tirer d’affaire si vous êtes candidat et que vous gagnez la prochaine présidentielle ?

 

 

 

Vous auriez dû commencer par cette question qui, de mon point de vue, est plus importante que tout le reste. Les Burkinabè se fichent complètement de la couleur du riz que je mange au Canada. Ce qui les préoccupe, c’est bel et bien leur avenir dans un pays qui est en proie au terrorisme. 20% du territoire est hors du contrôle de l’Etat, et c’est un chiffre officiellement avancé et qui a motivé la relecture du code électoral le 26 août dernier. Depuis sa création, notre pays n’avait jamais connu une telle situation. Notre pays, le Burkina Faso, est entré deux fois en guerre en 1974 et en 1985, mais jamais notre territoire n’a été concédé à l’ennemi. Face à cette situation, nous avons mené de profondes réflexions, des recherches et des consultations, et nous savons exactement qui sont ceux qui nous attaquent, quels sont leurs moyens, leurs soutiens, pourquoi et comment ils le font, et bien d’autres informations encore. Ce n’est pas le lieu ici d’exposer toute notre stratégie, mais je puis vous assurer que le Burkina Faso dispose de tout ce qu’il faut pour mettre fin à cette guerre. D’autres pays avant nous, comme la Mauritanie, l’Algérie et le Tchad ont pris le dessus sur le terrorisme. Comme vous le savez, il s’agit d’une cause nationale, et tous nos citoyens sont prêts à se mobiliser pour combattre, mais il se pose un problème de leadership. En ce qui me concerne, je vais incarner ce leadership efficace absolument indispensable pour vaincre le terrorisme sur le terrain pendant nos cent premiers jours à la tête de l’Etat. Nous allons consolider la victoire acquise ensemble avec tout le peuple en détruisant les racines du phénomène. Et cela va se faire concrètement par la bonne gouvernance, la justice sociale, le développement de la qualité de la vie des populations aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, et bien entendu une réforme globale de l’appareil sécuritaire pour le rendre plus efficace sur chacun de ses paliers à savoir les forces de renseignement, les forces de sécurité et les forces de défense. La rupture en la matière passe aussi par l’accroissement considérable des effectifs. Le budget de la défense était d’environ 80 milliards et en baisse de 7,5% par rapport à l’année précédente sous la Transition. Depuis 2016, le budget de la défense a connu une augmentation fulgurante allant jusqu’à 209 milliards pour cette année 2020 ; cela peut s’expliquer bien évidemment par la nécessité de lutter contre le terrorisme, mais ce qui est moins logique, c’est que paradoxalement sur le terrain les troupes sont sous-équipées et les effectifs très insuffisants. C’est pourquoi nous allons doubler les effectifs au niveau de la police, de la gendarmerie ainsi qu’au niveau de l’armée, opérer un redéploiement des unités pour un meilleur maillage territorial. Enfin nous allons restructurer les services de renseignement pour les ériger en forces de renseignement avec des unités opérationnelles autonomes. Aujourd’hui chaque entité, armée, gendarmerie, police, douane, etc., a son propre service de renseignement. Ce qui pose un véritable problème de coordination et d’efficacité. Notre population mérite d’être dans la tranquillité, et nous en faisons notre priorité afin de lui permettre de se consacrer sereinement à ses activités socioéconomiques et de développement.

 

 

 

Interview réalisé par

 

San Evariste Barro

 

Dernière modification ledimanche, 20 septembre 2020 19:15

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