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Présidentielle Guinée : Des lendemains qui sentent le soufre

 

Quelque 5,5 millions de Guinéens étaient convoqués hier dimanche 18 octobre 2020 pour élire…Alpha Condé, un des douze candidats dans cette course à la magistrature suprême (boycottée par une partie de l’opposition) jonchée de cadavres depuis que le président sortant s’est mis en tête de briguer un troisième mandat.

 

C’est que le professeur, il  n’a jamais rien demandé à personne, il n’était pour ainsi dire candidat à rien.  C’est le bon peuple de Guinée, on le sait, qui a soulevé la poussière au cours de marches forcément spontanées pour le conjurer de rester tant son bilan social, économique et même politique- pour qui connaissait l’état du pays il y a dix ans -  serait faramineux et qu’ « il n’y a pas son deux » comme on dit. Mais c’est précisément pour cette raison qu’à 82 ans, il aurait dû se garder, pour ne pas faire le match de trop,  de jouer les prolongations en changeant à sa guise  les règles du jeu. 

 

C’est ce même peuple qui est sorti massivement voter à 91% la nouvelle Constitution qui lui permet de briguer un troisième mandat, même si la consultation référendaire avait  tourné au dol il y a quelques mois dans la mesure où le texte auquel  les électeurs ont donné leur onction n’est pas en tout point conforme à celui qu’on leur avait vendu au cours de ce qui a tenu lieu de campagne.

Qu’à cela ne tienne, comment donc ce peuple si transi d’amour pour son leader  incomparable, à l’image de son voisin ivoirien, embarqué lui aussi dans l’indécent culte de l’indispensabilité,  pourrait-il après tout cela ne pas lui renouveler sa confiance face à son éternel rival Cellou Dalein Diallo et à une dizaine de comparses ?

 

C’est donc le scénario d’une réélection programmée qui a été  écrit hier après une campagne marquée par des heurts. On a ainsi vu le cortège du Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, attaqué par des manifestants en Moyenne-Guinée et le patron de l’UFDG interdit de séjour à Kankan, le fief présidentiel. Dans cette localité, le siège de l’UFDG a du reste été saccagé et les maisons et boutiques censées appartenir à des opposants vandalisées ou incendiées. Tout cela sur fond de relents ethno-régionalistes qui ne présagent rien de bon.

 

En réalité, le plus important dans ce scrutin, malgré le calme relatif dans lequel il s’est déroulé,  n’était pas la journée électorale en elle-même mais les jours d’après. On se doute bien que le locataire de Sékhoutouréya, jadis opposant historique aux autocrates  Sékou Touré et Lansana Conté qui veut maintenant pousser des racines sur le fauteuil présidentiel, ne s’est pas donné tant de peine pour tripatouiller la loi fondamentale et enjamber les cadavres qui ont jalonné sa marche insensée pour un troisième mandat pour s’arrêter en si bon chemin malgré le halo de suspicion qui entoure cette consultation. 

 

72 heures seulement avant l’échéance, quatre membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont en effet rendu le tablier au motif que, nonobstant toutes les dispositions prises, il y aurait toujours des doublons dans le fichier électoral, que des électeurs détiendraient plusieurs cartes et que ces dernières auraient disparu de certaines zones ainsi que de nombreux autres manquements qui font dire à ces quatre mousquetaires électoraux que « le doute s’installe sur la crédibilité du processus ».

 

 Autant dire qu’ils ont préparé le terrain à des contestations post-électorales déjà prévisibles en apportant de l’eau au moulin de Dalein qui avait prévenu qu’il ne se laisserait pas voler sa victoire. Il aurait pu ajouter « une fois de plus », puisque celui qui affronte pour la troisième fois dans les urnes le porte-drapeau du RPG a toujours crié au hold-up les deux précédentes fois, particulièrement en 2010 quand Alpha Condé, par on ne sait trop quelle spectaculaire acrobatie, avait réussi l’exploit de se faire élire alors que son adversaire était arrivé en tête du premier tour avec 43,69% des voix. Une issue qui avait laissé bien des observateurs songeurs.

 

A 68 ans, le Poulidor de la politique guinéenne va-t-il de ce fait appeler ses partisans à monter aux barricades si les résultats ne lui sont encore pas favorables ? En tout cas avec une telle atmosphère qui sent le soufre, pas besoin d’une boule de cristal pour savoir que les  jours à venir s’annoncent  problématiques.

 

 

La Rédaction

Dernière modification lemardi, 20 octobre 2020 21:46

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