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Union africaine/Tchad : Une jurisprudence fâcheuse

Sanctionnera, sanctionnera pas ? Eh ! bien, c’est ne sanctionnera pas. Ainsi en a décidé le Conseil paix et sécurité de l’Union africaine (UA) à propos du Tchad après le coup d’Etat orchestré par le Conseil militaire de transition (CMT) suite au décès tragique du président Idriss Déby Itno.

 

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’organisation continentale a mis entre parenthèses ses principes de tolérance zéro aux coups d’Etat afin de promouvoir la démocratie et la dévolution pacifique du pouvoir par les urnes dans ses Etats membres. Le Tchad n’a donc pas été suspendu de l’organisation, et les auteurs du coup de force l’objet d’aucune sanction comme c’est de règle. La volonté «d’accompagner la Transition dans un pays fragile avec cependant une importance stratégique dans la lutte contre le terrorisme sur le continent » a été plus forte au sein du Conseil paix et sécurité de l’UA que le respect stricto sensu des principes de l’organisation.

 

Va donc pour l’exception tchadienne avec à la clé une jurisprudence fâcheuse quant aux sanctions contre les Etats irrespectueux de la légalité constitutionnelle et de la légitimité démocratique, deux mamelles nourricières des institutions fortes dont l’Afrique a tant besoin. L’opposition tchadienne n’a alors que ses yeux pour pleurer et les pays de l’Afrique australe, qui appelaient aux sanctions contre les putschistes sont, obligés de mettre un bémol à leur rigorisme  dans le respect des principes de l’UA. La realpolitik est passée par là, et voit des missi dominici de l’organisation continentale se ranger du côté des putschistes au détriment de ceux qui prônent le respect de la légalité constitutionnelle.

 

On n’ira pas jusqu’à douter de l’objectivité des membres de cette délégation de l’UA qui a séjourné 10 jours dans la capitale tchadienne et de la pertinence du contenu de leur rapport d’où découle ce gravissime précédent. Cependant, on rappellera à toutes fins utiles que Mahamat Faki, le président de la Commission de l’UA, a été ministre des Affaires étrangères d’Idriss Déby. De là à penser qu’il a gardé des atomes crochus avec le clan régnant à N’Djamena, il y a un pas vite franchi. La non-suspension du Tchad de l’UA pourrait s’expliquer alors par cela, car dans cette affaire, Mahamat Faki est à la fois juge et partie.

 

Quoi qu’il en soit, l’UA n’a pas à rougir outre mesure de cette décision, car la Communauté économique de l’Afrique centrale, à laquelle appartient le Tchad, garde un silence éloquent sur la question. Idem pour la communauté internationale d’où n’est venue aucune condamnation du pronunciamiento du Comité militaire de Transition. Déby fils peut donc boire du petit lait, et du Niger au Nigeria, lors de son premier voyage hors du Tchad, se donner les allures d’un digne successeur de son père. Le rôle de gendarme déterminé dans la lutte contre le terrorisme du bassin du lac Tchad aux dunes du Sahel est sauf, pour la démocratie tchadienne, il faudra repasser.

 

On croise donc les doigts pour une meilleure stabilité régionale  non sans s’interroger sur ce que fera l’UA quand ses timides recommandations d’un dialogue inclusif et d’un respect rigoureux de la période transitoire de 18 mois ne seront pas respectées par les nouvelles autorités tchadiennes ? En attendant, sa décision de ne pas suspendre le Tchad de ses organes est une jurisprudence bien fâcheuse.

 

La Rédaction

Dernière modification lelundi, 17 mai 2021 22:26

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