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Soudan: Le glaive de la CPI se rapproche du turban d’El-Bechir

«Il y a loin de Khartoum à la Haye», avons-nous titré notre éditorial du 5 mars 2009 après le lancement du mandat d’arrêt international émis contre le président soudanais Omar el-Bechir.

Il aura fallu 12 longues années pour que le désormais ex-chef d’Etat sente véritablement le glaive de la Cour pénale internationale (CPI) se rapprocher de son turban.

Hier mercredi 11 août 2021, le gouvernement de transition a en effet annoncé sa décision de transférer l’homme de 77 ans à la Haye.

En plus du premier mandat émis à son encontre en 2009 pour «crimes de guerre et crimes contre l’humanité», il a fait l’objet d’un second pour «génocide». Celui qui était aux affaires depuis 1989 devenait ainsi le premier chef d’Etat en exercice visé par la CPI et le premier accusé de génocide.

Deux autres personnalités, à savoir un ex-gouverneur, Ahmed Haroun, et un ex-ministre de la Défense, Abdel Rahim Mohamed Hussein, sont également concernés par la décision de transfèrement. Tous les trois sont poursuivis dans le cadre de la guerre civile au Darfour, dans l’ouest du pays, qui aura fait près de 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l’ONU.

Relation de cause à effet? L’annonce des nouvelles autorités soudanaises est intervenue au moment où l’actuel procureur de la CPI, le Britannique Karim Khan, est actuellement en visite à Khartoum.

Si le précieux colis venait à être effectivement expédié à la prison de scheveningen, ce serait une victoire emblématique pour celui qui vient de succéder à la Gambienne Fatou Bensouda, qui n’aura pas laissé un bon souvenir de son passage chez les Africains, tout comme son prédécesseur, l’Argentin  Luis Moreno Ocampo.

Au-delà de ces deux procureurs, c’est toute la Cour pénale internationale qui suscite la méfiance sur le continent noir.

On se rappelle en effet que l’émission des deux mandats de la CPI contre Omar el-Bechir avait suscité une vague de désapprobation aussi bien des chefs d’Etat pris individuellement que de l’Union africaine, qui ont fait un procès en tropisme africain contre cette juridiction internationale. Une défiance qui s’est manifestée par le refus d’exécuter les mandats d’arrêt. Ce qui a permis à l’ancien parachutiste de voyager librement sans risque d’être inquiété.

Mais le vent a tourné depuis le 11 avril 2019, date à laquelle un mouvement de protestation populaire a fini par emporter le célèbre enturbanné, victime à son tour d’un putsch militaire orchestré par certains de ses proches. Dès lors, ses ennuis judiciaires ont débuté : sur le plan national, il a été condamné en décembre 2019 à deux ans de prison pour corruption, et doit répondre également du coup d’Etat de 1989.

Si les nouveaux hommes forts de Khartoum avaient indiqué au lendemain de leur prise du pouvoir ne pas vouloir livrer le président déchu à la justice internationale, en 2020, un accord signé avec plusieurs groupes rebelles a insisté sur la nécessité d’une «coopération complète et illimitée» avec la CPI.

Et pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement a voté en faveur de la ratification du statut de Rome. Reste maintenant l’accord du Conseil souverain, puis celui de l’Assemblée de transition pour que l’ancien dirigeant prenne le chemin de la Hollande.

Reste à savoir quel temps prendront toutes ces procédures et si effectivement certaines personnalités, et non des moindres, sont favorables à cette extradition, elles qui ont été de proches collaborateurs de l’actuel pensionnaire de la prison de Kober à Khartoum, et donc d’une manière ou d’une autre comptables de tous les péchés dont on l’accuse.

Avec cette décision des autorités soudanaises, c’est un long marathon judiciaire qui vient d’être enclenché et aussi une occasion pour la CPI de redorer son blason en apportant des preuves irréfutables de la culpabilité des dirigeants gouvernementaux qu’elle poursuit. Car jusque-là, depuis sa création officielle en 2002, elle n’en a pas condamné un seul. On se rappelle le cas de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, acquitté le 31 mars 2021 après une décennie de procédure, et bien avant lui  ceux de l’ancien vice-président de la RDC, Jean-Pierre Bemba, blanchi en 2018, du président kenyan, Uhuru Kenyata, et de son vice-président, Willim Ruto contre qui les charges ont été très vite abandonnées.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification levendredi, 13 août 2021 13:33

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