Cour royale de Tiébélé patrimoine mondial de l’UNESCO : A la découverte de la ville aux mille couleurs
- Écrit par Webmaster Obs
- Imprimer
Depuis le 26 juillet 2024, la cour royale de Tiébélé est inscrite dans la short-list de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) comme patrimoine mondial. Des membres du gouvernement et des professionnels des médias, à la faveur de la promotion du tourisme interne, ont pu découvrir, les 17 et 18 août, la richesse culturelle de la ville aux mille couleurs, l’autre appellation de Tiébélé.
Les lecteurs se rendront aisément compte que celui qui a couché ces lignes est originaire du Nahouri. En atteste son patronyme. Mais loin de nous l’idée de faire une publicité partisane des trésors culturels de la métropole de Pô - encore que ce ne soit pas mauvais -. Nous relatons juste des faits.
« Nous étions en brousse, mais je n’ai pas du tout senti les moustiques », a fait remarquer un de nos confrères. Et un autre d’exprimer son mécontentement à l’idée que le séjour prenne fin. « C’était vraiment formidable. Les Kasna (Ndlr : pour faire dans l’endogénéité, on écrit Kasna en lieu et place de Kasséna) ont su vraiment préserver leur culture. Pourrait-on prolonger le séjour ? » a-t-il interrogé en jetant un regard sur un agent de l’Office national du tourisme burkinabè (ONTB).
Si ces touristes de 48h ont roulé sur une route carrossable le long du trajet Ouaga-Pô qui fait 145 km, ce ne fut pas le cas pour rallier la cour royale de Tiébélé, le site mondial, située à 25 km du chef-lieu de ladite province. Les nids-de-poule qui parsèment ce petit tronçon non bitumé rendent difficile le trajet. Remédier à ce bémol infrastructurel est d’ailleurs l’une des doléances des populations.
La récompense étant au bout de l’effort, les voyageurs ont vite oublié cette peine dès leur accueil rythmé de pas de danse djongo esquissés par une troupe de la place. Le tout agrémenté par l’eau de bienvenue, du mouni, une boisson locale faite à base de petit mil. Une femme au foyer dans cette partie du pays doit pouvoir pétrir le mil pour obtenir ce jus.
La cour royale de Tiébélé est vieille de 500 ans. Elle est bâtie sur un espace d’environ un hectare et demi. C’est un ensemble d’édifices constitués de 126 cases, d’un lieu de culte et de murs regroupés en un bloc circulaire perché sur une petite colline. La particularité des lieux demeure leur architecture, qui est d’une rare beauté. La construction proprement dite des concessions est le devoir des hommes.
Concernant la dernière étape, l’embellissement, c’est l’autre moitié du ciel qui fait parler son talent. Et ce savoir-faire est transmis de génération en génération.
Chaque couleur et chaque symbole qu’elles utilisent a son explication. Le blanc symbolise la propreté des femmes kasna. Le noir, lui, représente la tombée de la nuit. Le rouge caractérise le sang versé par ce vaillant peuple guerrier qui a connu, à une certaine époque, des attaques d’autres peuples. L’outil de guerre kasna, la flèche, est d’ailleurs représenté sur les murs.
Le cache-sexe visible sur les édifices est la preuve que les habitants de ce village ne se déplaçaient pas nus.
Le serpent boa, lui, est la réincarnation de la grand-mère.
La tortue, elle, symbolise le bonheur. Quand une nouvelle case est construite, elle doit être visitée par un lézard. Cette visite atteste que la cabane peut être habitée.
L’image de l’épervier est un appel à protéger les poussins contre ce rapace.
Ces cases où vivent plus de 400 personnes réparties en 54 petites familles sont soutenues par de la poutre. Elles ont l’obligation de protéger et conserver les calebasses qui s’y trouvent parce que quand l’une d’elles se brise, le malheur n’est pas loin.
C’est cette richesse culturelle que l’UNESCO a reconnue en inscrivant à New Delhi, en Inde, la cour royale de Tiébélé dans le patrimoine mondial. Dès que cette nouvelle est tombée, c’était des moments de réjouissances et de fierté dans tout le pays. « Cette inscription consacre la reconnaissance de la valeur universelle exceptionnelle de ce site. C’est la preuve, une fois de plus, de la richesse de notre patrimoine culturel, de nos valeurs et savoir-faire endogènes sur lesquels nous sommes engagés à bâtir le Burkina de demain, souverain et décomplexé », a écrit le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, sur son compte X.
Passé l’euphorie des premiers jours, c’est désormais des moments de responsabilité, car la cour royale de Tiébélé n’est plus un bien de la cour royale, ni de la communauté du Centre-Sud et du Burkina Faso tout seul. C’est un bien qui appartient désormais à toute l’humanité. « Ce qui signifie que notre responsabilité individuelle et collective est très grande. Nous devons désormais être des acteurs de la préservation de ce patrimoine. Désormais, nous avons le droit de faire en sorte que cette cour royale, qui est l’expression d’un savoir-faire séculaire, un élément matériel de l’expression de la culture de la communauté kasna, soit préservée. C’est pour cela que l’inscription a été assortie d’un certain nombre de recommandations », a soutenu le ministre d’Etat, ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Jean Emmanuel Ouédraogo, avant d’annoncer qu’il urge de mettre en place un dispositif spécial de protection et de promotion du label que représente la cour royale de Tiébélé.
Le premier défi selon l’autorité c’est la préservation car des difficultés foncières, mais aussi des difficultés de préservation existent. « Chaque année après la saison des pluies, il faut un gros travail pour redorer tous ces dessins qui sont des expressions et des messages. Il faut les reprendre. Ça veut dire que nous devons redoubler d’effort. Le ministère est là et il sera toujours aux côtés des populations, aux côtés de la cour royale de Tiébélé pour assumer cette responsabilité. Mais les questions de sécurité foncière incombent avant tout à la cour royale et aux populations », a souligné le ministre Jean Emmanuel Ouédraogo.
Autre bonne nouvelle de la journée, le patron du département de la Culture informe que son homologue de l’Environnement a promis l’installation d’un forage au sein de la cour royale.
Symboliquement, des nérés ont été mis en terre par les autorités. Derrière ce geste se cache un message, celui d’inviter les populations à reverdir tous les environs de la cour royale. Et le choix de l’espèce n’est pas le fait du hasard. Le néré entre dans la fabrication de la substance utilisée comme peinture sur les cases.
Selon le ministre de la Culture, l’inscription de la cour royale ouvre la porte à de très belles perspectives en termes d’investissement pour toute la population de Tiébélé et son département travaille afin que ce label crée des retombées substantielles durables pour les jeunes, les femmes et les hommes.
Cette excursion sur Tiébélé est aussi et avant tout un message pour dire au reste du monde que le Burkina Faso reste debout malgré les attaques terroristes.
Akodia Ezékiel Ada
Encadré 1 :
Les recommandations formulées à l’endroit du Burkina Faso
Le ministre d’Etat, ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme a fait au Conseil des ministres du 14 août 2024 une communication relative à la participation du Burkina Faso à la 46e session du Comité du patrimoine mondial de l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), tenue du 21 au 31 juillet 2024, à New Delhi en Inde. Au cours de cette session, la cour royale de Tiébélé a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial et sa valeur universelle exceptionnelle adoptée.
Des recommandations ont été formulées à l’endroit du Burkina Faso pour mieux valoriser ce site. Il s’agit, entre autres :
- de la mise en place d’un système permettant d’assurer la préservation des motifs anciens tout en favorisant le développement de nouveaux motifs ;
- du contrôle de l’utilisation de nouvelles techniques et nouveaux matériaux de construction ;
- de la finalisation du processus de nomination du gestionnaire du site.
AEA
Encadré 2 :
Une victoire collective, selon le ministre de la Culture
« Cette victoire est l’aboutissement d’un très long processus qui a nécessité une forte implication de la cour royale de Tiébélé. Une implication individuelle mais aussi une implication collective. Une victoire qui a été le fruit du travail titanesque du comité scientifique auquel il convient de rendre un vibrant hommage. C’est ce travail scientifique de recherche et de documentation qui a permis de constituer un dossier solide. Quand nous arrivions à New Delhi, nous étions sûrs à 95% que nous allions revenir avec cette victoire parce que le dossier était très solide. Je pense que nous le devons au comité scientifique, aux techniciens de ministère de la Culture et ceux du ministère de l’Enseignement supérieur. C’est donc une victoire collective. Mais je tiens à souligner que le mérite revient aux populations de Tiébélé, à la cour royale de Tiébélé, parce que ce bien, ce sont eux qui ont su le préserver jusqu’aujourd’hui. »
AEA
Encadré 3 :
La case de Binger à Tiakané
Une des valeurs culturelles du Nahouri, et non des moindres, est la case-refuge de Louis Gustave Binger, l’explorateur français. On raconte qu’en 1887 cet explorateur a eu droit à l’hospitalité dans le village de Tiakané situé à 7 km à l’ouest de Pô, d’où l’appellation « La case de Binger ». L’intérieur de ladite case qui compte 37 chambres est un labyrinthe. L’esprit au départ était qu’elle puisse contenir toutes les âmes de la bourgade en cas d’attaques externes. « C’est une case qui existait bien avant l’arrivée de l’explorateur. Elle était en ruine, mais nous avons grâce à nos propres moyens pu la réhabiliter. C’est la population elle-même qui est l’architecte de cette cour. Le palais est subdivisé en plusieurs quartiers et personne ne peut construire à la place de l’autre. Ce qui fait que sa réhabilitation est un peu complexe », a expliqué le Tiakané Pê.
La case de Binger est inscrite au patrimoine national. Le chef de Tiakané espère qu’avec l’appui du gouvernement les travaux qui sont en cours sur le site seront achevés. Mais en attendant, le garant des us et coutumes ne crachera pas sur des dons de particuliers pour faire briller ce patrimoine.
AEA
Encadré 4 :
L’ascension du Pic Nahouri
L’apothéose de ce week-end d’excursion était l’ascension du Pic Nahouri. C’est donc dès potron-minet que les excursionnistes, dont 45 hommes des médias, ont pris la route du pic. L’hivernage battant son plein, des véhicules embourbés il y en a eu. Mais pas suffisamment grave pour empêcher l’avancée des voyageurs. Au pied du pic un commerce de circonstance s’est développé. Des saucisses fumantes et de la boisson fraîche sont mises à la disposition de ceux qui sont prêts à délier les cordons de la bourse.
« A chacun son sommet », prévient le gouverneur du Centre-Sud, Massadalo Yvette Nacoulma/Sanou, avant le top de départ. Et elle n’avait pas tort. La centaine de personnes n’ira pas jusqu’au sommet. Certains ont occupé leur temps avec les brochettes arrosées de boissons. Tandis que d’autres, à bout de force dans leur lancée, n’ont pas forcé. Ils ont tout simplement abandonné.
Les premiers dans cette montée, à savoir Daouda Sawadogo, agent au gouvernorat de Manga, et Jolie Mousso, influenceuse, ont reçu des prix d’encouragement des mains du ministre de la Communication.
AEA