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Coopération culturelle : « Dobro Pozhalovat »(1) à la Maison russe

 

L’exposition photographique « Fenêtre sur la Russie », organisée du 13 au 19 janvier à Ouagadougou et qui a suscité un grand intérêt du public, n’était que la première activité culturelle de la Maison russe, qui ouvrira officiellement ses portes dans les semaines à venir. Pendant cette présentation en photo de la Fédération de Russie, nous sommes allés à la rencontre d’Evguenia Tikhonova, directrice de la Maison russe à Ouagadougou. Elle nous parle, dans cet entretien, de sa vision de la coopération culturelle renforcée avec le Burkina Faso et évoque les missions assignées à l’institution qu’elle pilote. C’était le 18 janvier 2024.

 

 

 

Présentez-nous la Maison russe, qui a pris ses quartiers ici à Ouagadougou dans les locaux de la médiathèque municipale. Qu’est-ce qu’elle nous apporte ? Quelles sont ses missions principales ?

 

 

 

La Maison russe a pour objectif de faire connaître la culture russe à l’étranger. Notre mission au Burkina, c’est de mettre en œuvre des projets socioculturels au profit de nos deux pays. C’est de faire connaître aux Burkinabè la riche culture russe et d’œuvrer à la diffusion de la langue russe pour ceux qui veulent bien apprendre à la parler. Le russe c’est l’une des 5 langues officielles du Conseil de sécurité et de l’ONU. Sur l’échiquier géopolitique actuel, il gagne de plus en plus en importance. La connaissance de cette langue revêt une importance aussi, parce que la Russie poursuit l’une de ses missions en Afrique qui consiste à aider les pays du continent à se libérer du joug néocolonial occidental aux niveaux politique et économique. La mission de la Maison russe est culturelle et nous voulons faire mieux connaître la Russie, sa langue, sa musique et ses arts plastiques. Les échanges culturels entre la Russie et le Burkina Faso conduiront assurément à l’approfondissement des liens d’amitié entre ces deux peuples. La Maison russe est une institution non gouvernementale et elle travaille déjà dans différents pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Elle est placée sous la gestion du Centre de diplomatie publique, en collaboration avec Rossotrudnichestvo, qui s’occupe du rayonnement de la culture russe à l’étranger.

 

 

 

L’enseignement de la langue russe sera l’une des activités principales de la Maison russe. Comment les cours seront-ils dispensés ? C’est l’une des langues les plus difficiles, n’est-ce pas ?

 

 

 

Oui, enseigner la langue russe est l’une de nos principales activités. Il faut aussi reconnaître que c’est une langue considérée comme difficile d’apprentissage mais j’ai remarqué que vous par exemple, vous la parlez très bien et cela prouve que ce n’est pas une langue aussi difficile quand on a la volonté, de l’apprendre et qu’on s’y met. Le plus important dans l’apprentissage d’une langue, c’est d’être motivé. En tant que polyglotte parlant 10 langues, je sais de quoi je parle. Je comprends, entre autres, le chinois, l’espagnol, le français et quelques langues africaines comme le swahili et le wolof. J’ai découvert l’Afrique en 1996 quand je suis venue pour la première fois en Guinée Conakry. J’ai aussi séjourné en Sierra Leone (au temps de la guerre civile), au Sénégal et en Afrique du Sud mais le Burkina Faso, c’est la première fois que j’y viens et je suis fière d’y travailler. Concernant les cours de langue russe, ils seront dispensés ici dans les locaux de la médiathèque municipale en présentiel pour les élèves et étudiants ainsi que pour tous ceux qui manifestent la volonté d’apprendre à parler cette langue. Il y aura aussi des cours à distance dispensés sur Internet par l’université d’Etat de Saint-Pétersbourg.

 

 

 

Jusqu’en 1992, au centre culturel soviétique de Ouagadougou, on pouvait s’inscrire et apprendre le Russe ; on pouvait aussi emprunter les œuvres, les livres des grands classiques de la littérature russe comme Dostoïevsky, Tolstoï ou Tchekhov. Est-ce que la Maison russe prévoit la réouverture d’une médiathèque dans notre capitale ?

 

 

 

Nous examinons la possibilité d’une connexion par Internet des écoles supérieures et des universités burkinabè à la bibliothèque d’Etat russe où il y a une bibliothèque électronique accessible sur la toile. C’est très important. Nous aurions voulu faire venir beaucoup de livres papier, mais nous n’aurions pas pu apporter un million de livres ; pas même 500 000 bouquins, parce que c’est énorme. Contrairement aux œuvres d’une bibliothèque classique, avec la bibliothèque électronique plusieurs personnes peuvent à la fois lire le même livre. Cela est techniquement possible et nous sommes en négociation avec la bibliothèque d’Etat de Russie qui est riche de 17,5 millions de livres et de brochures, dont 30% en langues étrangères.

 

 

 

Est-ce qu’à travers un médium comme la photographie l’on peut bien faire connaître un pays ? L’exposition « Fenêtre sur la Russie » a-t-elle attiré du public ? Et quels sont les autres évènements que vous pourriez proposer au public dans un proche avenir ?

 

 

 

Débuter les activités culturelles par l’organisation d’une exposition photo est un bon choix parce que nous ouvrons de nouveau une fenêtre sur la Russie car elle était ouverte pendant longtemps avant de se refermer au début des années 90. Nous avons accueilli ici beaucoup de visiteurs qui posaient des questions, qui voulaient découvrir la Russie à travers l’image et, pourquoi pas, y faire un voyage pour visiter ces endroits emblématiques vus sur les photos. J’ai compris qu’il y avait un engouement du public burkinabè pour la Russie. Les gens veulent savoir quelles sont les zones climatiques du pays, quelles sont les industries phares, ce que les Russes fabriquent dans leurs usines et de quoi ils vivent. Il y a une curiosité insatiable du public en ce qui concerne la Russie et sa culture.

 

Je puis garantir que la fenêtre ouverte ne se refermera plus. Nous planifions d’ailleurs d’organiser des expositions artistiques, des projections cinématographiques et bien d’autres manifestations. Nous allons aussi travailler avec les anciens étudiants et stagiaires de l’ex-URSS, car ils déclarent se sentir abandonnés depuis la fermeture de l’ambassade en 1992. Je veux qu’ils sachent que la Russie est de retour en force et pour toujours.

 

 

 

Parlons de culture cinématographique. Le cinéma russe n’est pas connu du public burkinabè en particulier et africain en général. Est-ce que notre public aura l’opportunité de visionner les meilleurs films soviétiques et russes ? Pouvez-vous confirmer une éventuelle participation de la Russie au prochain FESPACO ?

 

 

 

Le cinéma et la photographie, en tant que moyens d’expression artistiques, rapprochent les peuples. Le cinéma, à certains égards, rapproche encore plus que la photographie. Nous allons mettre un accent particulier sur les projections de films car le cinéma soviétique est peut-être mieux connu en Afrique mais le cinéma russe porté par une nouvelle vague de réalisateurs n’est pas connu. Nous avons de jeunes réalisateurs russes qui travaillent au pays ou à Hollywood et qui tournent de bons films. Pourquoi ne pas organiser une semaine du cinéma russe à Ouagadougou et vice versa, car cela doit se faire dans les deux sens dans l’intérêt de nos publics qui veulent se découvrir davantage ?

 

 

 

Du temps de l’URSS, une troupe de ballets classiques russes était passée par Ouagadougou lors d’une tournée africaine, est-ce que notre public peut rêver de voir les prestations chorégraphiques des célèbres troupes ?

 

 

 

Oui, nous y réfléchissons et il en a été question lors d’échanges à l’interne aujourd’hui même. Cela est même probable lors de la prochaine ouverture officielle de notre centre culturel ici à Ouagadougou. En Russie, il y a beaucoup de troupes de danses classiques intéressantes comme celle du Bolchoï (Moscou), du Marinsky (Saint-Pétersbourg) ou de Perm (dans l’Oural). (ndlr Pendant la Seconde Guerre mondiale, sous le blocus de Leningrad, toute l’école de danse du Marinsky avait été évacuée loin du front, plus à l’est en profondeur de la Russie dans un souci de mise à l’abri). C’est ainsi qu’est apparue une grande école de danse dans cette ville. Le ballet classique, c’est très beau à voir et d’éventuelles prestations à Ouagadougou pourraient inspirer les petites filles et les petits garçons. Personnellement, j’aime cette danse et je l’ai pratiquée. Ma fille aussi est danseuse, elle est élève ballerine au théâtre Bolchoï.

 

 

 

La Russie possède aussi une grande tradition dans la peinture et la sculpture, est-ce que les écoles russes sont prêtes à accueillir nos apprenants dans le domaine des arts plastiques ?

 

 

 

Dans le processus d’échanges culturels dans lequel nous sommes engagés, il ne s’agit pas seulement de montrer sa culture à l’autre. Il est aussi question d’échanger les expériences et le savoir-faire. Par le biais de la Maison russe, nous allons œuvrer à ce que de jeunes artistes burkinabè obtiennent des bourses de formation dans des écoles et centres de formation de la Fédération de Russie. Il y a un système de quotas pour des formations gratuites, non seulement pour l’apprentissage de la langue russe, mais aussi pour la peinture, la sculpture et même des formations dans des métiers de l’industrie.  

 

 

 

Dieudonné Ouédraogo

 

 

 

(1) Dobro Pozhalovat, signifie bienvenue en français    

 

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