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Regard sur l'actualité

Regard sur l'actualité (46)

Sanctions de la CEDEAO contre le Niger: Quand des «hors-la-loi» réclament justice

On ne sait pas si elles y croient vraiment ou si c’est juste pour marquer le coup, mais les autorités nigériennes ont décidé d’attaquer la CEDEAO...devant la Cour de justice de la CEDEAO elle-même.

Mardi 21 novembre 2023 en effet, la juridiction sous-régionale a examiné une plainte de l’Etat du Niger contre les chefs d’Etat membres de l’institution.

Le casus belli ? La prise de sanctions commerciales et financières drastiques suite au coup de force du général Abdourahamane Tchani qui a renversé le 26 juillet dernier le président Mohamed Bazoum.

Les plaignants invoquent notamment les graves conséquences sociales et économiques pour les populations, avec notamment l’augmentation des prix des produits de première nécessité de 15% en moyenne, le ralentissement de l’activité bancaire, sans oublier la fourniture d’électricité que le Nigeria voisin a coupée dès le putsch, privant le pays de plus de 75% de ses besoins en électricité.

La société nigérienne d’électricité, Nigelec, a d’ailleurs évalué le préjudice à plus de 6 milliards de francs CFA. C’est donc pour toutes ces raisons que Niamey estime être en droit d’attaquer ceux qui ont pris la lourde responsabilité de mettre en branle cette batterie de mesures qui a asphyxié du jour au lendemain l’activité économique du pays. Mais si les effets de ces sanctions sont bien réels, on peut se demander qui sont les premiers responsables de la précarité dans laquelle baignent en ce moment les Nigériens, entre ceux qui ont poussé à la  prise de sanctions en entrant par effraction sur la scène politique et ceux qui les ont décidées.

Un autre question, plus pratique celle-là : le Niger étant suspendu des instances de la CEDEAO, ses autorités n’étant pas reconnues peuvent-elles ester en justice devant les instances de cette même CEDEAO?

Pour les avocats de l’organisation sous-régionale, cette question  ne mérite même pas d’être posée, du fait justement de l’illégitimité du nouvel homme fort de Niamey.

L’affaire est d’autant plus cocasse que devant cette même juridiction pend un autre dossier impliquant l’Etat du Niger, dossier qui vise le retour à l’ordre constitutionnel normal et la remise en selle du président Mohamed Bazoum. Cette éventualité, le général président s’y oppose depuis maintenant quatre mois.

Dans ces conditions, on voit mal sa requête prospérer. On imagine d’ailleurs difficilement les juges communautaires désavouer de la façon la plus criarde les chefs d’Etat membres, quand bien même la Cour de justice serait censée être indépendante. Mais indépendance pour indépendance, il y a certainement des limites politiques qu’ils se garderaient de franchir. Cela dit, ce n’est pas la première fois qu’un Etat intente une action en justice contre les sanctions de la CEDEAO. Ce fut  en effet le cas du Mali en février 2022. Pour dire vrai, tout cela ressemble plus à un gag judiciaire qu’à autre chose.

 

 

Hugues Richard Sama

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Paul Kagamé à nouveau candidat: Un règne aussi long que le longiligne de Kigali

Ce n’est pas vraiment une surprise, on s’en doutait un peu. Mais  c’est désormais frappé du sceau officiel. A la faveur d’une de ses exclusivités régulières avec Jeune Afrique et son ami François Soudan, le président rwandais Paul Kagamé a en effet annoncé qu’il comptait briguer un quatrième mandat lors de l’élection présidentielle d’août 2024.

Arrivé au pouvoir après le génocide qui a fait 800 000 morts entre avril et juillet 1994 et après avoir écarté pasteur Bizimungu, président postiche qui a dirigé le pays entre 1994 et 2002, l’ancien chef rebelle est devenu le seul maître du navire battant pavillon rwandais qu’il dirige en réalité depuis bientôt 30 ans. Et il n’est pas prêt de débarquer, bien au contraire. Cette nouvelle candidature après celles de 2000, 2010 et 2017 a en effet été rendue possible par la réforme constitutionnelle de 2015 qui lui laisse la liberté de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Si tout se passe bien, il aura alors 77 ans dont 40 années passées au pouvoir. A moins qu’un obstacle biologique l’en empêche, on ne voit pas ce qui peut arrêter «l’homme mince» de Kigali qui est parti pour un règne aussi interminable que sa silhouette longiligne.

Paul Kagamé symbolise à lui seul cette espèce de géométrie variable non seulement des puissances occidentales, pour ne pas dire impérialistes, mais aussi des panafricanistes à tous crins. On l’a encore vu récemment à la faveur des nombreux putschs qui ont émaillé le continent. 

Pendant que certains sont  tolérés et même soutenus à l’image de Mahamat Idris Déby  qui a hérité du pouvoir de papa tombé au front et du général Brice Clotaire Oligui Nguéma au Gabon, d’autres dirigeants qui ont commis les mêmes péchés sont considérés comme de véritables pestiférés à l’image des militaires à la tête des juntes sahéliennes en ce moment, le général Abdourahamane Tchiani au Niger, le capitaine Ibrahim Traoré au Burkina et le colonel Assimi Goïta au Mali. Chose qui nourrit d’ailleurs le ressentiment vis-à-vis de certaines puissances, notamment la France et qui montre que le souci de la communauté internationale n’est peut être pas vraiment la promotion de la démocratie et des droits de l’homme mais d’autres intérêts inavoués. Cela vaut non seulement pour les putschs  militaires mais aussi pour les coups d’Etat constitutionnels dont l’Afrique est malheureusement coutumière. A ce propos, on a le sentiment qu’on pardonne à peu près tout à certains dirigeants. Ce qu’on a refusé à certains chefs d’Etat comme Blaise Compaoré, Alpha Condé, Alassane Ouattara, et qui a été pour certains le motif de leur départ forcé du pouvoir, on le concède à Kagamé qui lui sera à son quatrième mandat.

La communauté internationale qui a peut-être beaucoup de choses à se reprocher dans la survenue et l’exécution du génocide ferme, elle, les yeux sur les violations des droits de l’homme, les privations des libertés individuelles et collectives et même les assassinats ciblés d’opposants en exil en Afrique du Sud ou au Mozambique.

Ce deux poids, deux mesures n’a rien de nouveau. De tout temps, au gré de leurs intérêts du moment,  les Occidentaux ont soutenu et même porté à bout de bras de véritables satrapes qui martyrisaient leur peuple. Paul Kagamé a d’ailleurs bon ton d’affirmer que ceux qui veulent dupliquer ailleurs leur modèle démocratique sont eux-mêmes antidémocratiques.

Dans son interview, le dirigeant rwandais n’a pas manqué de mettre en garde également ses opposants, notamment Paul Rusesabagina. L’homme dont l’histoire vraie a inspiré le célèbre film Hotel Rwanda a été condamné en 2021 à 25 ans de prison pour terrorisme avant d’être finalement gracié et exilé aux Etats-Unis. «Peu importe ce dont nous avions convenu en coulisses, là où il se trouve aujourd’hui, cet individu a repris ses anciennes méthodes. Nous verrons comment gérer cela plus tard», a prévenu Paul Kagamé.

Paul Rusesabagina sait donc ce qui lui reste à faire : la boucler et se tenir à carreau s’il ne veut pas subir le même sort que d’autres avant lui.

A la décharge du numéro 1 rwandais, si c’est vraiment une décharge, il faut lui reconnaître le mérite d’avoir fait progresser considérablement son pays sur les plans socio-économique et environnemental, chose qui lui vaut des lauriers que même ses pires détracteurs lui reconnaissent volontiers. Mais cela devrait-il être une excuse absolutoire ? Pour certains en tout cas, on peut bien être un autocrate bon teint, pourvu que les chiffres en matière d’éducation, d’accès à l’eau potable, de santé, soient bons. C’est là un paradoxe bien africain.

 

Hugues Richard Sama

 

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Niger : On tire ou on ne tire pas ?

 

Attention, faites vos jeux, rien ne va plus ! Nous ne sommes pas dans un casino, avec tables et roulettes. Mais l’image s’y prête quelque peu pour décrire le suspense, l’incertitude, pour ne pas dire l’attente angoissée de la suite que la CEDEAO va donner à son ultimatum à l’encontre du général Tchiani et du Conseil national de la sauvegarde de la patrie (CNSP). En effet, la petite semaine que l’organisation régionale a donné aux auteurs du coup d’Etat du 26 juillet 2023 pour ‘’rendre le pouvoir au président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum’’, a expiré hier dimanche à 24 heures. Alors, on fait quoi maintenant ?

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Procès du 28-septembre : « Toi aussi, mon neveu ! »

Cela fait un peu plus d’un mois que l’entracte du mélodrame qui se joue au palais de justice de Conakry dure. Il s’agit bien sûr du procès historique de l’ex-président guinéen, Moussa Dadis Camara, jugé pour un massacre commis le 28 septembre 2009 au pays de Sékou Touré, mais qui avait été suspendu depuis le 29 mai 2023 à cause de deux grèves successives.

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Présidentielle ivoirienne : Le Quai d’Orsay ne veut pas se mouiller dans la lagune Ebrié

 

Serait-ce vraiment Jean-Yves Le Drian ? Le même Jean-Yves le Drian ? Le même ministre français des Affaires européennes et étrangères qui s’est souvent piqué de se mêler des affaires domestiques de bien de pays à travers le monde, notamment africains, au nom de certaines valeurs chères à la « patrie des droits de l’homme » ?

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Mouvement du 5-Juin : Il voulait la démission d’IBK, il a obtenu sa destitution

Il y a à peine trois semaines, lors du sommet virtuel convoqué par la CEDEAO pour se pencher sur la crise malienne, le président Ibrahim Boubacar Keita parlait de «coup d’Etat rampant» au sujet des manifestations lancées début juin par le Mouvement du 5-Juin. Tellement « rampant » qu’il a fini par arriver au palais de Koulouba, ou plutôt à la résidence présidentielle de Sebenikoro : hier à l’issue d’une journée tumultueuse, IBK a en effet été arrêté et conduit par des militaires avec son Premier ministre, Boubou Cissé, et de hauts gradés au camp Soundiata-Keita de Kati.

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