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Regard sur l'actualité

Regard sur l'actualité (46)

Procès putsch manqué : Sitôt lancé, sitôt calé

 

On se doutait bien que le procès tant attendu ne démarrerait pas sur les chapeaux de roues. Mais on était loin d’imaginer qu’à peine mis en route, le moteur calerait. C’est en effet un faux départ qui a eu lieu ce mardi 27 février dans la salle des Banquets de Ouaga 2000 où l’audience sitôt ouverte a été suspendue sine die par le président Seydou Ouédraogo qui, après avoir fait le constat d’une série d’obstacles aussi rédhibitoires les uns que les autres, n’a pu empêcher le retrait des avocats de la défense. Au nombre de leurs griefs :

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Dialogue intertogolais : Après les préliminaires, place aux choses sérieuses

Ils devraient donc, à partir d’aujourd’hui, entrer dans le vif du sujet. Depuis le jeudi 15 février 2018, le pouvoir et l’opposition, avec la facilitation du Ghana et de la Guinée, sont en effet autour d’une même table pour trouver une issue pacifique à la crise qui secoue leur pays depuis maintenant six mois jour pour jour.

C’est en effet le 19 août 2017 que tout a commencé par la manifestation monstre de l’opposition (un million de personnes selon les organisateurs) qui réclamait dans les rues de Lomé, entre autres, le retour à la Constitution de 1992 et l’effectivité du vote de la diaspora.

Six mois se sont écoulés depuis sans que les différents protagonistes soient parvenus à discuter, si ce n’est par manifestations interposées.

C’est donc déjà quelque chose pour les représentants de chaque chapelle que de s’asseoir face à face pour se dire les « gwê », comme on le dirait à Abidjan.

Jeudi et vendredi, il ne s’agissait en réalité que de préliminaires pour discuter des conditions préalables posées par les adversaires du régime avant le débat de fond.

Le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, et ses troupes revendiquaient en effet l’élargissement des personnes détenues dans le cadre des manifestations qui ont affecté le Togo depuis août dernier ainsi que de celles embastillées suite aux incendies des marchés de Lomé et de Kara. Une condition sine qua non que le pouvoir a bien été obligé de remplir en libérant  des dizaines de manifestants parmi lesquels les imams de Bafilo et de Sokodé. Ce gage de bonne volonté, le pouvoir pourrait le brandir comme un argument de négociation le moment venu.

On se demande néanmoins s’il s’agira vraiment d’un dialogue ou si on assistera à un monologue dans la mesure où chacune des parties campe sur ses positions : pour l’opposition, le retour à la loi fondamentale de 1992, qui plafonne à deux le nombre de mandats présidentiels, a pour corollaire l’incapacité pour Faure Gnassingbé de se présenter en 2020. Le chef de l’Etat et ses partisans sont déterminés, quant à eux, à organiser un référendum qu’ils savent peut-être gagné d’avance sur ce fameux plombage des mandats présidentiels et sur le mode de scrutin, qui passera d’un coup K.-O. à deux tours.

En réalité, il ne devrait pas y avoir de bagarre puisqu’en fait, le pouvoir a accédé aux revendications matricielles de l’opposition, sauf qu’il y a des non-dits. Ses contempteurs soupçonnent celui qui a hérité du trône de papa en 2005 de vouloir profiter de ce réaménagement constitutionnel pour mettre son compteur à zéro, lui qui a déjà fait deux mandats. Là gît le problème.

On est donc bien curieux de savoir comment les facilitateurs ghanéens et guinéens pourraient rapprocher des points de vue, proches en apparence, mais que tout oppose en réalité.

Trouver un consensus sur un tel problème relève pratiquement de la quadrature du cercle.

Dans son bras de fer avec le régime, l’opposition peut compter sur la bénédiction de l’Eglise catholique. L’archevêque émérite de Lomé, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, a lui aussi appelé, au cours d’une sortie très remarquée le 14 février dernier, au retour à la Constitution originelle de 1992 et au départ de Faure en 2020. Un sermon qui, on l’espère, sera entendu par l’intéressé, qui veut pousser des racines sur le fauteuil présidentiel.

 

Hugues Richard Sama

 

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Leila Zerrougui, nouvelle patronne de la MONUSCO : Bienvenue dans cette galère congolaise

 

Elle avait déjà été numéro 2 de la Mission des Nations unies au Congo (MONUSCO) entre 2008 et 2012. Ses collaborateurs, ses partenaires congolais et même ses adversaires ont gardé d’elle l’image d’une femme dotée d’une expérience solide dans la défense des droits  humains, d’une finesse d’analyse, le tout servi par un caractère bien trempé. Dieu seul sait si elle en aura besoin, particulièrement de la dernière qualité (qui peut aussi s’avérer un défaut par moments) au moment où elle repose son baluchon à Kinshasa en tant que représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies en République démocratique du Congo.

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30e sommet de l’Union africaine : De grands mots qui ne guérissent pas nos maux

La messe de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine est dite. Alpha Condé de la Guinée passe le témoin de la présidence tournante de l’organisation à Paul Kagame du Rwanda. Un non-événement quand on sait que c’est depuis juillet 2017 que la candidature du président rwandais à la présidence de l’UA a été actée par ses pairs.

Ce 1er sommet de 2018 aura donc donné dans le lieu commun en attendant le second en juillet, si jamais il a lieu. En effet, parmi les propositions faites par la commission Kagame qui était chargée de réfléchir sur une réforme de l’institution, figure en bonne place la suppression de l’organisation de deux sommets par an. De toutes les mesures préconisées par cette commission pour faire des économies ou augmenter les recettes de l’UA, cette dernière semble la plus facile à appliquer. Il suffirait que les chefs d’Etat l’entérinent. A l’opposé, la plus difficile sera d’imposer une taxe de 0,2% sur les produits étrangers importés sur le continent. Bien des chefs d’Etat sont contre la mesure sans qu’on sache trop si c’est la proposition qui déplaît ou si c’est la personne du président Kagame qui pose problème. Peut-être les deux à la fois car taxer tous les produits non africains importés, c’est instaurer  de fait un protectionnisme et on aura aussi noté que le président Kagame a brillé par un manque de concertation avec ses pairs avant  que la commission des réformes ne mette cette proposition sur  le tapis. Il faudra donc du doigté au nouveau président  de l’UA pour faire avaliser cette taxe alors que justement  certains redoutent qu’il veuille diriger l’organisation panafricaine d’une main de fer, comme il le fait du Rwanda.

On attend de voir non sans faire remarquer que, taxe nouvelle ou pas, il faut bien trouver des solutions de financement à ce machin de l’UA, très budgétivore, dont les ressources sont constituées à 80% par des subventions des pays du Nord.  Pour des Etats qui se disent indépendants depuis 50 à 60 ans, c’est le comble du ridicule qui tranche avec ces discours grandiloquents qu’on nous donne d’entendre à chaque sommet de l’UA. Paul Kagame, qu’on l’aime ou pas, a donc raison de vouloir imposer une taxe régalienne afin d’aider l’UA à se prendre totalement en charge, au lieu de toujours tendre la sébile en espérant le regard compatissant d’un quelconque donateur, pas toujours désintéressé. C’est le prix à payer pour que l’organisation cesse d’être un exutoire de l’avant-gardisme panafricain avec des conférences de chefs d’Etat qui se suivent et se ressemblent par les discours enfiévrés d’envolées lyriques, de résolutions à la pelle, de petites phrases savantes sans que pour autant cela améliore la situation socio-économique des populations africaines.

Ce 30e sommet ne devrait pas faire exception à la règle même s’il a fait de l’année 2018 celle de la lutte contre la corruption sans oublier les sempiternelles questions de paix, de sécurité, d’intégration, de libre-échange dont la résolution reste chimérique. Mais dans cet exercice de rencontre au sommet où chaque chef d’Etat vient s’écouter parler, ira-t-on au-delà des mots pour s’attaquer vraiment aux maux qui assaillent le milliard d’Africains ? C’est connu, ces maux sont si affligeants qu’ils obligent nombre de jeunes à prendre des bateaux de fortune à la recherche d’un hypothétique eldorado en Occident. Ils finissent pour beaucoup en naufragés de la faim, s’ils ne sont pas retenus esclaves en Libye ou morts de soif dans le Sahara. Y a-t-il preuve plus tragique de l’échec de nos Etats et de leurs gouvernants ?

 

La Rédaction

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