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Lutte contre la corruption : Burkindlem, où es-tu ? Spécial

L’Assemblée nationale du Burkina Faso a adopté à l’unanimité, en séance plénière ordinaire le 20 décembre dernier, deux propositions de résolutions pour la création de commissions d’enquêtes parlementaires sur les marchés publics et sur les subventions publiques dans le secteur de la santé.

 

Force est de reconnaître que c’est là une décision importante, car on passe d’une simple déclaration d’intention à une législation dans le cadre de la lutte contre la corruption. Il faut saluer, à cet effet, l’investissement de certains députés pour enrayer ce mal pernicieux qui ronge toutes les économies, notamment celle burkinabè. Et on ne peut que se réjouir d’une telle avancée textuelle.


Mais, s’il faut saluer à sa juste valeur ce qui vient d’être fait, on peut se poser des questions légitimes, pas tant sur le bien-fondé de ces deux nouvelles commissions que, surtout, sur leur marge de manœuvre réelle et sur l’aboutissement final de ces enquêtes ; car l’armature institutionnelle et textuelle, ce n’est pas ce qui manque pour faire du Burkina l’un des pays où la corruption règne le moins. Jugez-en donc : outre les inspections internes au niveau des ministères, il y a l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat (ASCE), il y a la Cour des comptes, il y a le Réseau des parlementaires burkinabè de lutte contre la corruption, le Réseau Burkindi (qui a justement présenté les deux propositions de résolutions adoptés), il y a la société civile, qui s’investit également dans le créneau, notamment le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), il y a, il y a, il y a, et voilà encore que ces deux commissions parlementaires entrent dans la danse.


En principe, on n’est jamais de trop pour mener une telle lutte, mais quelle marge de manœuvre les députés auront-ils pour véritablement agir ? S’il s’agit d’établir un nouveau répertoire des manifestations de la corruption, notamment dans l’attribution des marchés publics et des subventions publiques dans le secteur de la santé, on a bien peur que ce ne soit pas spécialement utile, car, en la matière, la littérature abonde déjà.


Quand bien même l’Assemblée nationale se trouverait là dans ses prérogatives, notamment le contrôle de l’action gouvernementale, est-ce que ce serait dans les prérogatives des nouvelles commissions de mettre le doigt là où ça fait mal et de détecter les nids de corruption, les corrupteurs et les corrompus éventuels ? Et parlant de ça, l’opinion, d’une manière générale, pense aux gros poissons dans un pays où, nonobstant les bons points que nous décernent de temps en temps Doing Business, Transparency International et autres, la perception de la corruption reste encore importante.


Il y a de quoi appréhender alors que l’initiative des députés, qu’on sait au-dessus de tout soupçon comme la femme de César,  échoue,  comme bien d’autres, au pied du monstre tentaculaire de la corruption ; ou alors, ce qui peut arriver, c’est que le travail soit fait et que le maillon judiciaire ne suive pas comme bien souvent malheureusement.
Aussi, faut-il craindre qu’il ne s’agisse que de simples gesticulations politiques et communicationnelles.

On est d’autant plus sceptique qu’on a vu des commissions d’enquête parlementaire sur les produits de grande consommation comme l’eau, l’huile, sans qu’on ait constaté véritablement un mieux, même léger en la matière. On s’est même refusé de jeter l’opprobre sur des intoxicateurs manifestes alors que ce sont des problèmes de santé publique. En refusant de nommer des sociétés dont on sait qu’elles empoisonnent la population, l’autorité publique ne contribue-t-elle pas à renforcer l’opprobre ?

Une donne que devront nécessairement prendre en compte les deux commissions nouvellement créées, qui s’attaquent à deux gros morceaux, à savoir les marchés publics (l’inventaire des textes législatifs et réglementaires existant sur le sujet, l’identification des difficultés et les pratiques liées à l’application de ces textes, les pratiques en cours dans le milieu et leur impact sur la lutte contre la corruption) et les subventions publiques dans le secteur de la santé (la subvention des accouchements et des soins obstétricaux et néonataux d’urgence, la subvention de la radiographie pulmonaire pour le diagnostic des cas de tuberculose, la gratuité des activités de soins préventifs, la gratuité des examens de crachats pour le diagnostic de la tuberculose, la gratuité du traitement par les ARV). Le réseau géniteur desdites commissions se nomme justement Burkindi.

On le sait, le Burkina Faso, c’est la Patrie des hommes intègres même si cela a tendance, de nos jours, à être plus un idéal qu’une réalité. Pour de nombreux observateurs, en effet, les Burkinabè ont perdu de leur burkindlem (intégrité en langue nationale mooré) par rapport à ce qu’ils étaient lorsqu’ils étaient des Voltaïques.  Au regard du l’importance actuelle de la corruption au Burkina, il y a lieu de se demander : où est passé notre burkindlem ? Une question qui interpelle chaque citoyen burkinabè.

 

Par Hyacinthe Sanou

Dernière modification lemercredi, 21 décembre 2011 22:09

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