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Pont de Poa dans le Sanguié : L’histoire d’un «échangeur» en bois de 200 m

 

Rustique, mais pittoresque. Rudimentaire, mais attrayant. Dangereux, mais fascinant. Le pont de Poa. Ou «l’Echangeur de Poa». Il faut le voir pour croire qu’un tel ouvrage, vieux de près de cinquante ans, puisse servir encore de passerelle entre des localités d’un pays qui fêtera 60 années d’indépendance dans deux ans.  Ce pont, qui, en réalité, sépare deux époques et deux mondes, folklorique et touristique, n’en demeure pas moins dangereux, pour ne pas dire potentiellement mortel surtout en saison pluvieuse. En témoigne la fin tragique de cette femme qui y a laissé la vie en 2016, emportée par les eaux d’une rivière en furie. Ces personnes prises au piège de l’unique passage qui relie leurs contrées à la commune de Kyon (Sanguié), donc au reste du monde. C’est fasciné et sidéré que nous avons passé une journée sur cette infrastructure afin de nous imprégner de son histoire. Comment affecter une autre mission à cet enchevêtrement de bois ? En le dépouillant de son rôle de passerelle pour une dévolution purement touristique ? Ce sont les questions qui ont germé dans notre esprit au fil de notre reportage. Accrochez-vous. Les poutres sont glissantes.

 

 

Nous avions déjà entendu parler de ce pont, mais nous n’avions jamais imaginé qu’il pouvait être un sujet de reportage. Il a fallu que nous voyions les photos d’un de nos amis, publiées sur sa page Facebook, pour nous rendre compte de l’ampleur et du côté intéressant de cet ouvrage. «Je vais y faire un tour», ai-je conclu après un échange téléphonique avec l’ami en question. Après les préparatifs d’usage, nous voilà démarrant de Koudougou, le jeudi 03 mai 2018, pour la commune de Kyon (30 km de Koudougou). Brève escale à Réo pour nous enquérir de l’état de la voie et joindre notre contact de Kyon, Koffi Alain Bationo, qui nous servira de guide. Il était 8h 30.

 

Cap sur Kyon, à une quinzaine de kilomètres de la capitale du Sanguié. Trente minutes seront nécessaires pour avaler les quinze kilomètres à cause de l’état dégradé de la voie. Notre guide nous attendait au bord de la route juste à côté de l’école primaire. Salamalecs d’usage qui prirent une bonne dizaine de minutes et nous reprenons la route. Direction Poa. A ne pas confondre avec la commune de Poa, située à 25 km de Koudougou sur l’axe Ouagadougou-Koudougou et relevant de la Province du Boulkiemdé. Le Poa dont il est question ici est un village de la commune de Kyon dans le Sanguié.

 

 

 

Précaire, rustique, mais ingénieux

 

 

 

Cette partie de la route est encore plus en piteux était que celle Réo-Kyon. Nous slalomons entre les nids-de-poule, il faut même plutôt dire les « nids d’autruche », les crevasses, les troncs d’arbres, les arbustes et les buissons. Un vrai parcours du combattant. Les quinze kilomètres paraissent interminables tant la voie est impraticable. Et dire que nous sommes en saison sèche. Que devient cette route une fois que l’hivernage s’installe ? C’est en cogitant sur cette question que nous débouchons sur le fameux pont, peu avant 11 heures. Le soleil dardait déjà ses rayons impitoyables. Comme subjugué par une beauté qu’on n’ose pas souiller et qu’on se contente de dévisager, nous mettons plus de vingt minutes à regarder, du moins à admirer cette infrastructure. A dire vrai, nous sommes partagé entre la fascination et le désarroi. Comment décrire ce pont, si on peut même l’appeler ainsi ? Imaginez les hangars que les paysans construisent au village avec des branches et des branchages pour entreposer les fagots de tiges de mil ou la récolte. Cette passerelle, c’est comme ce type de hangar mis bout à bout sur près de deux cents (200) mètres. De robustes troncs d’arbres, faisant office de poutres, ont été plantés directement dans le lit de la rivière sur toute sa largeur. Sur ces poutres, des branches sont placées pour constituer le plateau. Les branches sont entremêlées de façon qu’elles tiennent ensemble. Des fibres et des fils de fer mou ont été utilisés pour donner plus de résistance à la structure supérieure. Bien que précaire et rustique, on est obligé de voir de l’ingéniosité dans cette œuvre. Déjà, le fait d’imaginer et de se convaincre qu’un tel échafaudage à l’allure de château de cartes pouvait être fait pour enjamber la rivière et offrir un passage aux usagers relevait de la prouesse, surtout en 1966 (date de son érection), de la part de ses constructeurs. Certaines poutres datent de plusieurs années. Notre guide, Alain Koffi Bationo, nous souffle que les principales sont là depuis la confection de ce viaduc d’un autre âge.

 

 

 

Perché sur le plateau, le vide de chaque côté

 

 

 

Malgré ces informations à glacer d’effroi le plus hardi des usagers, nous nous risquons sur le plancher qui ressemble au squelette d’un animal préhistorique non sans nous assurer de la solidité des bois sur lesquels nous mettons les pieds, tel un caméléon s’assurant que le sol ou la branche ne se déroberont pas sous ses pattes. Perché sur cet enchevêtrement de matériaux précaires, le vide de chaque côté, on ne peut que ressentir de la peur, avec des fourmillements dans les jambes. Je n’ose pas imaginer ma position si, au lieu de la rivière asséchée, j’étais entouré par l’élément hydrique. Les assurances du conseiller municipal de Poa Balerma Bruno Dango ne parviennent pas vraiment à dissiper notre peur. En cette période où le cours d’eau est carrément à sec, les usagers ne se risquent pas sur l’ouvrage d’art. C’est le lit de la rivière qui sert de passage.

 

Modeste Bayili est allé chercher une chèvre à Kyon et retourne à Poa. Il dit emprunter cette voie depuis son bas âge, mais uniquement en saison sèche. Léontine Kanyala, ménagère, vient aussi du village de Poa. Elle passe ici depuis son enfance quelle que soit la saison. «Le plus pénible en hivernage, c’est quand il s’agit d’évacuer des malades ou des femmes enceintes», soupire-t-elle. Un vrai casse-tête selon Dame Kanyala. «La première fois que j’ai pris cette voie, j’avais 15 ans», confie Innocent Bationo, cultivateur et vendeur de dabas. Mais il est obligé de rebrousser chemin quand le pont est submergé et le niveau des eaux très haut. Youssouf Tall, jeune berger peul, est moins hardi. Une fois qu’il commence à pleuvoir, il ne se risque plus sur ce passage. Surtout pas avec son troupeau. «Certains bergers ont eu leurs animaux emportés par les eaux pour avoir voulu traverser », témoigne-t-il.

 

 

 

En saison de pluies, c’est la croix et la bannière

 

 

 

Jérôme Birba est un habitué de cet axe du fait de sa fonction de proviseur du lycée de Kyon et du CEG de Poa. Obligé donc de faire la navette entre ces deux établissements, il connaît la dangerosité de cette route, accentuée une fois que surviennent les pluies. «C’est la croix et la bannière. C’est un véritable parcours du combattant. En hivernage, c’est l’unique passage ou, à défaut, il faut faire un détour de près de 80 km pour rallier Kyon à partir de Poa. En saison des pluies, tout cet espace est inondé. L’eau atteint une certaine hauteur que la plupart de ces arbres sont invisibles. Le pont, que nous appelons l’échangeur de Poa, est encore plus risquant pour nos élèves qui doivent affronter quotidiennement le danger pour aller chercher le savoir. En milieu d’hivernage, les villages situés sur l’autre rive sont carrément coupés du reste du monde», se lamente le proviseur. Lui et tous ceux que nous avons rencontrés n’ont qu’une seule doléance : qu’un «vrai» pont soit érigé sur ce bras du barrage de Pouni.

 

 

 

Un vrai saut dans l’inconnu

 

 

 

Cette passerelle, dans sa partie centrale, fait plus de trois mètres de haut. Malgré notre 1,86m, en nous mettant en dessous, nous avons de la peine à toucher le «plafond» même en nous hissant sur la pointe des pieds. Alors, imaginez tout ce dispositif entouré d’eau et de devoir le traverser sur près de deux cents mètres. Il faut être courageux pour le faire. Du reste, le conseiller municipal Balerma Bruno Dango précise que, par moments, tout le pont est immergé. Pour traverser, l’usager doit le faire au jugé, en se basant sur son flair, la sensibilité de ses pieds, et en se référant aux quelques arbres qui bordent le pont et dont les cimes restent visibles. Un vrai saut dans l’inconnu. Certains ont payé de leur vie cette hardiesse. C’est le cas de cette femme du village de Sépoado qui y a péri en 2016, emportée par le courant. Un homme et sa moto ont aussi été engloutis par les eaux. Il a été miraculeusement repêché, bloqué par les arbres trois cents mètres plus loin. Sa bécane, elle, n’a jamais été retrouvée, et git sûrement dans les profondeurs du Mouhoun où ce cours d’eau se jette. Un berger et son troupeau ont aussi subi la furia des eaux. Si le pasteur s’en est sorti, aucun de ses bœufs n’a pu être sauvé. Que de personnes, d’animaux, de vélos, de motos et de biens engloutis par les eaux pendant des traversées. Fort de ces témoignages, nous rejoignons Poa, afin de nous entretenir avec les villageois. Prévenues par le conseiller Balerma Dango, une vingtaine de personnes nous attendaient à l’ombre de majestueux nimiers, avec à leur tête leur chef coutumier, Denis Bayoulou Dango. Une vraie assemblée générale.

 

 

 

L’homme-poisson

 

 

 

Six villages, trois à chaque rive, sont directement impactés par ce bras de rivière. Soit plus de 20 000 habitants. Avant l’érection de ce pont de fortune, comment ralliaient-ils le chef-lieu du département qu’est Kyon en période de pluie ? Le chef coutumier explique : «Nous avions fait une grosse jarre en terre cuite. Nous placions une personne à l’intérieur et le passeur, en nageant, poussait la jarre jusqu’à l’autre rive. Nous faisions de même en sens inverse avec encore un usager dans la jarre». Qui était cet homme-poisson à qui était dévolue cette tache ? Eh bien ! Cette personne n’était autre que le chef coutumier lui-même, qui payait pour ainsi dire de sa personne pour le bien de ses sujets. «Plus tard, les populations, sous la houlette du commandant Pierre Bié, décident d’ériger un pont qui va enjamber la rivière. L’opération paraissait titanesque, mais longtemps éprouvées et souvent isolés du reste du monde pendant toute la durée de l’hivernage, les populations allaient relever le défi. «Chaque village s’est vu attribuer un rôle. Celui-ci est chargé du creusage, celui-là s’occupe d’amener les poutres. Tel autre doit apporter les perches et les fourches, ou encore les fibres et les lianes. Le commandant Pierre Bié a fourni en son temps du fil de fer. Les femmes étaient chargées de ravitailler les travailleurs en eau et en nourriture», se souvient le patriarche de Kyon, Lounsour Bamouni, secrétaire général du chef du canton de Réo du haut de ses 97 ans et qui n’est autre que le père de notre ancien secrétaire de rédaction aujourd’hui à la retraite, Bali Maurice Bamouni. Sa voix, presque inaudible, sort à peine d’un corps décharné par le grand âge mais sa mémoire n’a pas pris une seule ride. Il nous a conté les péripéties et les anecdotes qui ont jalonné la réalisation de cet ouvrage.

 

 

 

La première version emportée par un feu de brousse

 

 

 

C’était en 1966. Ce fut une occasion de fusion et un vaste chantier d’intérêt commun où chacun a apporté son expertise, son savoir-faire et son… bois. Hélas, la joie de voir leurs efforts couronnés de succès à travers la matérialisation de leur projet sera de courte durée : en effet, l’édifice sera ravagé par un feu de brousse quelques mois après sa mise en service. Cette dure épreuve ne découragera nullement les populations, d’autant plus qu’elles avaient eu le temps de mesurer l’utilité d’une telle infrastructure. Elles se mobilisèrent encore. Trois ans après l’incendie, en 1969, donc le pont renaissait de ses cendres. Cette deuxième version allait défier le temps. Et c’est celle-ci qui s’est offerte à notre admiration un beau matin de mai 2018.

 

 

 

Passeurs de père en fils

 

 

 

«Mais chaque année, nous sommes obligés de réhabiliter l’ouvrage, car après chaque saison des pluies, la partie supérieure est endommagée et certaines poutres ont besoin d’être renforcées. L’eau emporte par moments une bonne partie du plateau. Ce qui rend sa réhabilitation indispensable. Chaque fois que nous lançons les travaux de réfection, les villageois sortent nombreux, car cette infrastructure est un patrimoine commun», confie le chef coutumier de Poa. Celui-là même qui s’occupait de faire traverser les usagers grâce à la jarre. Une activité qui n’a pas complètement disparu. Car son fils fait maintenant le même travail. En faisant traverser, pendant l’hivernage, ceux qui ont peur de ce monstre enchevêtré quand les eaux sont à un niveau très élevé. La bravoure des jeunes passeurs est déterminante pour bien des villageois, mais aussi pour les fonctionnaires qui servent dans ces localités. Car une fois que la saison des pluies s’installe, ce passage devient un lieu hautement dangereux. «Il y a des groupes de passeurs sur chaque rive. Nous faisons traverser les usagers contre 1 000 F si la personne a une moto et 500 F si elle est seule. Mais souvent certains sont démunis et nous sommes obligés de leur faire une réduction», raconte Iréné Dango, passeur comme son père de chef. Il assure que chaque groupe, à la fin de la journée, peut s’en tirer avec 15 000 F. Ne va-t-il pas perdre son gagne-pain une fois qu’un pont définitif aura été érigé ? «Non, pas du tout. Nous trouverons un autre boulot», répond-il. Voir une infrastructure en matériaux définitifs construite sur la rivière, tel est en tout cas le vœu ardent du chef de Poa et de toute la communauté.

 

 

 

« Roch nous a promis »

 

 

 

Y a-t-il un espoir que ce rêve se réalise un jour ? Apparemment oui ! Du moins si on peut se fier à la parole d’un politicien en campagne électorale. Car il nous est revenu que lors de sa campagne pour la présidentielle de 2016, Roch Marc Christian Kaboré avait clairement promis qu’un pont serait construit sur ce cours d’eau dans un délai de deux ans après sa venue au pouvoir. C’était au cours d’un meeting qu’il a tenu à Kyon. Plus de deux ans après, les habitants des six villages et des autres localités directement impactés attendent toujours. Las, ils ont même adressé une lettre au Président du Faso afin de lui rappeler sa promesse (voir encadré). Du reste, les habitants de Kyon et de Poa n’hésitent pas à indexer le faible intérêt dont ils font l’objet. «Comment comprendre que depuis plus de cinquante ans, personne ne puisse nous aider à sortir de cette précarité ? Pendant la saison pluvieuse, nous pouvons faire plus d’une semaine sans pouvoir sortir de notre village», peste Echère Kambine. Celle-ci a en tout cas de quoi être en colère. Car alors qu’elle était sur le point d’accoucher, le chemin de sa délivrance passait par le pont, carrément couvert pas les eaux. Il a fallu attendre des heures, qui paraissent une éternité en pareille circonstance, afin que leur niveau baisse. Arrivée enfin à la maternité de Kyon, elle accouchera, mais d’un mort-né, conséquence peut-être d’une souffrance fœtale trop longue. Pour Epion Kansolé, qui a pris part aux travaux de reconstruction du pont en 1969, le gros de leur souci, ce sont les évacuations sanitaires. Des fois, des femmes ont dû accoucher au village parce que Kyon demeurait inaccessible du fait du blocus imposé par les flots. L’ambulance est obligée de faire un grand détour de plus de soixante-dix kilomètres.

 

 

 

Ces désagréments que Bruno Dango exhibe au grand jour

 

 

 

Le conseiller municipal du village de Poa, Balerma Bruno Dango, n’a pas l’âge de ce vestige. Mais de son histoire et des incidents qui y ont été vécus il garde d’amers souvenirs. Du  fait de son rôle de conseiller, il est amené à se rendre régulièrement à Kyon où se tiennent les sessions du conseil municipal. «Souvent tu arrives et l’eau a recouvert tout le pont. Même certains arbres disparaissent sous l’eau. Pour passer, tu dois juste te fier à ton flair», soutient-il. Il indique que bien qu’étant sur le plateau de l’ouvrage, il arrive que l’eau l’atteigne aux genoux. «Un jour, mon pied est passé à travers les écartements des branches et il a fallu l’aide des gens pour me tirer d’affaire».

 

Le conseiller Dango regrette que les promesses faites en 2015 par le futur chef de l’Etat ne se soient pas encore traduites en réalité. Conséquence, fonctionnaires, élèves, populations souffrent le martyre sur ces treize kilomètres de route.

 

 

 

La tête pleine de questions

 

 

 

«Mon souhait est que quelque chose soit fait pour les populations de Kyon. Et cela passe par la construction d’ouvrages de franchissement sur certains affluents de la rivière, car une fois l’hivernage installé, nos villages deviennent inaccessibles, et cela empêche nos filles et nos femmes d’avoir accès aux services de santé. J’espère que l’appel des chefs coutumiers sera entendu au plus haut niveau». Tels sont les mots, mélange d’espoir et de supplication, que le vieux Lounsour Bamouni, sous le poids de l’âge et la voix presque éteinte, nous a lâchés avant que nous prenions congé de lui. Difficile de ne pas ressentir quelque admiration pour ce patriarche qui songe toujours au bien-être de ses contemporains même si, in petto, il devait se dire qu’il n’aurait peut-être pas la chance de voir cette infrastructure moderne, si un jour elle devait enfin émerger du lit du cours d’eau. Ces phrases résonnaient encore dans nos oreilles quand nous quittions Kyon pour Koudougou. Il était 15h passées. Outre ces complaintes du presque centenaire, une foultitude de questions se bousculaient dans notre tête. La plus importante était de savoir si le Président Roch Kaboré honorerait sa promesse de campagne. Certes, les chantiers sont immenses et les besoins des populations nombreux, ici à Poa comme partout ailleurs au Burkina. Mais comme on le dit, autour d’un panier de beignets, chacun se préoccupe de ce qui entrera dans sa bouche. Et c’est certain qu’au moment du bilan, les Kyonlais se demanderont si un pont a été, comme promis, érigé à Poa pour suppléer cette colonne de bois et de branches qui, malgré sa précarité et sa dangerosité, a rendu de grands et nobles services à la population de cette partie du Burkina Faso.

 

 

 

Cyrille Zoma

 

 

 

 

 

Encadré 1 

 

Pris en «otage»

 

 

 

‘’Six villages ont leur mobilité directement conditionnée par la voie reliant la commune de Kyon aux localités situées sur l’autre rive : il s’agit de Kyon, d’Essapoun et de Pô sur la rive Est,  de Poa, de Zilivèlè et de Nagarpoulou du côté de la rive ouest. Dans ces localités on compte, comme services publics de base, douze écoles primaires, un lycée départemental, deux Collèges d’enseignement général (CEG)  et quatre CSPS. C’est dire que les fonctionnaires, les élèves et les usagers de ces institutions sont pris en otage par ce périlleux chemin de croix dont la partie la plus dangereuse demeure ce passage sur le bras du barrage de Pouni. Du reste, ces localités sont parsemées de ruisseaux, si bien qu’à un certain moment de l’hivernage, elles sont isolées non seulement les unes des autres, mais plus grave, du reste du monde. «Il faut que l’Etat voie la souffrance de ces populations et y construise des infrastructures de franchissement qui permettront de désenclaver la zone », plaide Me Edasso Rodrigue Bayala, dont la publication sur sa page Facebook a été le déclencheur de ce reportage. Même vœu de la part de Koffi Alain Bationo : «On n’est pas obligé de faire un pont aussi long que celui en bois fait par les populations. Il y a des passages de la rivière moins longs où il est possible d’ériger un ouvrage moins onéreux», préconise-t-il.

 

C. Z.

 

 

 

 

 

Encadré 2 :

 

La promesse du 29 juin

 

 

 

Alors qu’il était en pleine campagne pour solliciter le vote des Kyonlais dans l’optique de devenir président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré a fait des promesses à la population de cette partie du Burkina. Et ça, habitants et chefs coutumiers n’ont pas oublié. Estimant que les promesses tardent à se concrétiser, les dépositaires de la tradition des différents villages de Kyon ont adressé une lettre-piqûre de rappel au premier citoyen du pays. Celle-ci, en date du 9 avril 2018, lui rappelle que le 29 juin 2015, les chefs coutumiers de la « Terre du Refus » (c’est la signification de Kyon) avaient sollicité la réalisation d’infrastructures susceptibles de les aider à sortir de la misère. Ces doléances concernent la réfection de la route Réo-Kyon-Ténado, l’aménagement de la plaine de Tomo-Goundo-Kada, la réparation de la route Kyon-Poa avec la construction d’un pont,  la construction d’un ouvrage d’art sur la route Kyon-Bélianvalsé, le curage du barrage de Kyon vieux de plus de 30 ans (lire encadré). Les signataires de cette lettre rappellent en outre au Président Roch Kaboré que, ce jour-là, il avait dit exactement ceci : « J’ai pris acte de vos doléances. Si je suis élu et que deux ans après rien n’est fait, rappelez-le-moi, s’il vous plaît ». Le deadline qu’il s’était lui-même imposé est expiré depuis et la population et ses chefs coutumiers font remarquer au locataire de Kosyam qu’ils sont toujours dans l’attente.

 

 

 

C. Z.

 

 

 

 

 

 

 

Encadré Pont 3 :

 

Fortement ensablé, le barrage de Kyon se meurt

 

 

 

Comment rester insensible devant l’état de désolation que présente le barrage de Kyon. Ensablée, cette retenue d’eau devient sèche seulement deux à trois mois après les dernières pluies. Avec la mort progressive de cette cuvette d’eau, meurt aussi l’activité économique qui s’y développait. Des activités centrées surtout sur le maraîchage et l’élevage. Il est loisible de constater que les jardiniers ont poussé leur besogne jusqu’au lit du barrage, à la poursuite de la moindre goutte d’eau et de la bonne terre. La réhabilitation de ce barrage fait partie des doléances formulées par la chefferie coutumière au Président du Faso. «Si ce barrage n’est pas désensablé, les villageois qui y travaillaient et qui en tiraient le nécessaire pour nourrir leurs familles vont soit déserter la commune, soit rejoindre les sites d’orpaillage », fait remarquer Alain Koffi Bationo, un brin d’amertume dans la voix. Espérons que tel ne sera pas le cas.

 

 

 

C. Z.

 

 

 

 

 

 

 

Encadré Pont 4 

 

Un patrimoine historique, architectural et touristique à préserver

 

 

 

Le souci du maire de Kyon, André Batiana, c’est qu’un ouvrage soit réalisé pour soulager la souffrance de ses concitoyens. Cependant, il ne souhaite pas que cette colonne de bois soit détruite. Il en donne les raisons :

 

 

 

« Il faut dire que la commune de Kyon est assez enclavée parce qu’elle est prise en sandwich entre les communes de Réo et de Ténado. La route qui va de Kyon à Dassa en passant par Poa est l’une des plus importantes voies de la commune et c’est justement sur celle-ci que passe une branche du fleuve Mouhoun. Cette branche est très large et les populations, à un moment donné de l’histoire, ont été obligées de construire un ouvrage de franchissement en branchages. Cet ouvrage constitue une préoccupation pour notre commune, et c’est naturellement que nous avons inscrit sa construction dans notre Plan communal de développement (PCD). Nous sommes en train de chercher un bailleur qui nous aidera à réaliser un ouvrage définitif à cet endroit. Je puis assurer aux populations que leurs espoirs ne seront pas déçus. Il y a un intérêt à faire en sorte que le problème de cet ouvrage de franchissement trouve une solution définitive. Ce, d’autant plus que les villages se trouvant de l’autre côté du cours d’eau et qui sont régulièrement enclavés constituent le grenier de la commune. Nous osons espérer que, dans le cadre du Programme d’investissement forestier (PIF), qui prévoit des ouvrages de franchissement, on inscrira la réalisation d’un ouvrage sans pour autant détruire ce pont qui a une immense valeur sociale, culturelle, touristique et identitaire pour les populations qui en sont les initiatrices.

 

Il fait désormais partie de l’histoire de notre commune et de tout le Sanguié. Il faudrait que cette histoire soit connue des jeunes générations. Nous devons travailler à le conserver si d’aventure un ouvrage définitif venait à être érigé. Il doit être gardé, car faisant partie du patrimoine commun. Outre l’histoire et la vie de milliers de personnes qui s’est organisée et a été conditionnée par ce pont, il y a l’ingéniosité de ceux qui en ont été les concepteurs. Cette colonne n’a pas fondamentalement changé. Les travaux de restauration sont effectués sans pour autant toucher à la structure principale. C’est vrai qu’au 21e siècle, cet ouvrage de franchissement paraît comme une honte. Mais d’un point de vue historique, touristique ou architectural, c’est un joyau à préserver ».

 

 

 

Propos recueillis par

 

Cyrille Zoma

 

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