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Attentat contre Juvénal Habyarimana : Timing suspect d’une demande de non-lieu

Surtout n’y voyez aucune main politique tapie dans l’ombre. Comment serait-ce possible dans cette France où la justice est réputée indépendante et incorruptible, au-delà de tout soupçon comme la femme de César ? Pourtant la coïncidence des deux événements  est assez troublante pour ne pas être suspecte ?

 

Alors que Louise Mushikiwabo  se faisait adoubée comme la nouvelle secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)  par les chefs  d’Etat et de gouvernement  réunis les 11 et 12 octobre courant à Erevan en Arménie pour leur XVIIe conférence, Nicolas Renucci, vice-procureur de la République à Paris, demandait un non-lieu  en faveur des dignitaires rwandais dans le dossier sur l’attentat contre l’avion du président Juvénal  Habyarimana  le 6 avril 1994. Au motif que si certains faits accusent l’ex-rébellion, des incertitudes persistent néanmoins en raison de «l’absence d’éléments matériellement incontestables».  Parmi les personnes visées dans ce qui est considéré comme l’élément déclencheur du génocide qui  a fait près d’un million de morts en trois mois, James Kabarebe, bras droit de Paul Kagame, dont il est le ministre de la Défense». «Réquisitoire politique», pestent les avocats des  ayants droit d’Habyarimana et des  membres de l’équipage français.

94 pages de réquisition pour laver les mis en cause des lourds soupçons qui ont toujours pesé sur eux. En effet, si le juge Marc Trévidic, qui s’est rendu au pays des mille collines en 2012 aux fins d’études balistiques, avait estimé que le missile qui avait fait exploser l’avion présidentiel pouvait avoir  été tiré du camp de la garde prétorienne  alors sous la férule des extrémistes hutus, son collègue  Jean-Louis Bruguière, lui, avait conclu quelques années auparavant  à la responsabilité du Front patriotique rwandais (FPR). Et, sur cette base, avait délivré des mandats d’arrêt contre neuf  personnalités au profit desquelles le parquet demande aujourd’hui l’abandon des poursuites. Pour autant rien n’est encore joué dans la mesure où le magistrat instructeur n’est pas obligé de suivre le ministère public (qui peut être la voix du politique)  dans sa requête.    

20 ans et trois juges d’instruction après, nouveau rebondissement donc dans cette affaire qui, conjugué au refus de l’Hexagone de faire un acte de contrition publique pour ses péchés présumés,   a contribué au pourrissement des relations franco-rwandaises.  De fait, près d’un quart de siècle plus tard, on ne sait toujours pas, de façon indubitable, qui est l’auteur de cet attentat qui a mis le feu aux poudres de la plus tragique des manières. Mais pour l’homme mince de Kigali, qui n’a pas dans son vocabulaire l’expression «indépendance de la justice», le fait même que de  petits juges français  puissent  regarder dans sa direction, dans l’indifférence totale sinon avec la complicité de l’Exécutif,  qui s’est toujours réfugié derrière la sacro-sainte séparation des pouvoirs, est un crime inexpiable de lèse-majesté.

En même temps que l’élection de Dame Mushikiwabo à la tête de l’OIF, Kagamé a-t-il exigé cet autre cadeau judiciaire dans le trousseau de la réconciliation ? En tout cas, le fait que ce réquisitoire tombe le 10 octobre, à la veille donc du sommet,  comme dans une parfaite  synchronisation, laisse songeur. Il faut croire que Jupiter est prêt à tout pour être dans les bonnes grâces de son nouvel ami, même si, depuis quelques années, le parquet parisien avait en réalité amorcé un virage à 180 degrés et commencé à lâcher les parties civiles.

 Cela suffira-t-il à convertir Kagame aux valeurs cardinales de démocratie et de respect des droits de l’homme dont il se fiche comme de sa première barboteuse ? C’est en tout cas le pari, plutôt risqué,  que fait le locataire de l’Elysée tant on ne s’improvise pas démocrate. L’ironie de l’histoire, c’est que celui-là  qui mange aujourd’hui dans la main de Macron est le même qui critiquait les pays membres du G5 Sahel qui, au lieu de chercher par eux-mêmes des solutions à leurs problèmes sécuritaires, vont s’asseoir, toute honte bue, autour du président français. Mais bon, les hommes politiques ne sont jamais à une contradiction près. 

 

La Rédaction

Dernière modification lelundi, 15 octobre 2018 21:53

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