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Opposition congolaise : Retour à la case… désunion

Notre prophétie noire s’est réalisée : « Candidature unique de l’opposition en RDC : Gare à un accord feu de paille ! ». Même à l’interne hier matin en conférence de rédaction, certains d’entre nous avaient trouvé ce titre trop pessimiste. Et ils avaient un peu raison.

 

Car pour une fois que des opposants acceptent en toute liberté de faire le deuil de leurs ambitions pour le bien de la Nation, chose suffisamment rare dans les annales politiques africaines pour être soulignée, on aurait pu, il est vrai, positiver malgré les réserves légitimes qu’on était en droit de nourrir.

Et de fait, le moins que l’on puisse dire est que nous avons malheureusement eu le nez creux, car le titre de notre édito était pour le moins prémonitoire. Il ne s’agissait en effet que d’un feu de paille qui a vite fait de se consumer alors que l’encre qui a servi à coucher le consensus historique du 11 novembre n’avait pas encore séché.

24 heures seulement après l’accord de Genève conclu sous l’égide de la fondation Kofi Annan et au terme duquel le député Martin Fayulu avait été désigné candidat unique de l’opposition à la présidentielle du 23 décembre prochain, le gentlemen’s agreement a été dénoncé à l’UDPS de Félix Tshisekedi, lequel, « poussé par sa base », a finalement retiré  sa signature hier en début de soirée.

En réalité, on voyait déjà venir lorsque le fils du « Sphinx de Limete » avait lui-même laissé entendre qu’il ne savait pas si les états-majors respectifs des différents leaders suivraient la volonté de leurs chefs. On sait maintenant ce qu’il en est à l’UDPS où le secrétaire général du parti, Jean-Marc Kabund, avait attaqué l’accord et sommé Tschisekedi de s’en retirer, et à l’UNC de Vital Kamerhe qui a noyé à son tour le deal du lac Léman dans les eaux du fleuve Congo. Sur les sept signataires, Adolphe Muzito et Freddy Matungulu sont les seuls qui ont réaffirmé leur soutien au candidat commun. Jusqu’à quand ?

Faut-il vraiment s’étonner de ce que le pacte salué partout sur le continent soit déchiqueté en mille morceaux par les prétendus militants, instrumentalisés, si ça se trouve, par les chefs eux-mêmes qui en public jouent la carte de l’union tout en incitant dans l’ombre leurs troupes à s’insurger contre cette mise à l’écart ?

Une fois de plus, l’unité d’action des opposants à Joseph Kabila aura été sacrifiée sur l’autel des ambitions personnelles et des intérêts individuels. C’est même sans doute ces rivalités légendaires qui avaient conduit au choix du quasi anonyme Martin Fayulu sur qui personne d’entre eux n’aurait parié un franc congolais. Mais tant qu’à choisir un porte-drapeau, les Eléphants de « l’antikabilisme » préféraient sûrement un prétendant potiche plutôt que de mettre sur orbite un rival direct. En misant sur la carte Fayulu, Kamerhe, Tshisekedi, Katumbi et Bemba se seront surtout neutralisés mutuellement, même si pour les deux derniers cités la pilule était moins amère à avaler  puisqu’en ce qui les concerne la messe était déjà dite :                       l’ancien gouverneur du Katanga et président du TP Mazembe,  en exil,  on se rappelle, n’avait pu rentrer au pays pour faire acte de candidature et l’ex-pensionnaire de la prison de Scheveningen à la Haye avait eu son dossier retoqué par la CENI.

Le conclave de Genève n’aura donc finalement servi à rien d’autre qu’à nous vendre l’illusion d’une impossible unité. Pour la suite, chacun va reprendre son indépendance et retour à la case… désunion. Tout ça pour ça !

Il y a quelqu’un  en tout cas qui doit en ce moment rire sous cape et se frotter les mains : Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat du Front commun pour le Congo (FCC), pour ne pas dire Joseph Kabila, celui qui veut le faire roi.

Il y a vraiment de quoi désespérer de ces oppositions africaines. Ça offre ce genre de spectacles désolants, ça pinaille à n’en pas finir jusqu’au seuil de l’isoloir et quand on va les battre à plate couture comme ça risque de se faire le 23 décembre, ça va se mettre à braire à n’en point finir, invoquant des fraudes électorales réelles ou supposées pour justifier la déconvenue. Si ce n’est pas malheureux !

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemercredi, 14 novembre 2018 19:09

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