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Contentieux UBA-EROH : «C’est le ministre de la Sécurité qui bloque la décision de justice» (Thomas Baguemzanré)

Ancien maire de Kindi, ce n’est pas pour cette casquette politique que Thomas Baguemzanré cette fois-ci est au-devant de la scène. Il s’agit plutôt d’une affaire juridique qui oppose son entreprise EROH (Etudes et Réalisations des Ouvrages Hydrauliques) à UBA (United Bank for Africa). Estimant avoir gagné toutes les batailles juridiques, il n’en démord pas contre la puissance publique, dont il dit n’avoir pas bénéficié d’un quelconque accompagnement pour mettre sous scellés la banque. Et il va plus loin en pointant un doigt accusateur  sur le ministre de la Sécurité qui bloquerait l’exécution de la décision.

 

 

On a l’habitude d’entendre qu’un client a des problèmes avec sa banque. Dans votre cas, c’est plutôt le contraire. Quelle est la genèse du contentieux qui vous oppose à UBA ?

 

Notre contentieux dure depuis 2005 et ce sont eux qui m’ont traîné en justice. Ils m’ont envoyé une injonction de payer de près de 900 millions, que je ne leur dois pas. En 2006, nous avons été devant le tribunal de grande instance et j’ai été blanchi. Mais le problème est que j’ai eu un préjudice important.  J’avais des marchés de près de huit (8) milliards qui ont été résiliés avec ces problèmes judiciaires. Tous mes engins sont restés sur cale, les employés sont restés impayés …J’ai évalué ce préjudice à plus trois (3) milliards. La banque a fait appel et sa requête a été rejetée pour vice de forme. Le juge a condamné UBA, ex-BIB, à  me payer plus de trois milliards. Ils ont couru faire un pourvoi avec  sursis à exécution. Ils ont obtenu ça au Burkina.

En 2009, ils sont allés voir le juge pour dire que UBA est en train de prendre BIB, qu’ils sont en restructuration et qu’ils n’ont pas d’argent. Ils ont demandé un délai de grâce. Le juge  leur a accordé un an. En réalité, c’était une manœuvre dilatoire pour aller se fabriquer des pièces et revenir réviser le dossier.  Ils ont obtenu leur recours. Nous aussi avons fait notre recours au niveau de la Cour de cassation en 2010. Depuis, on est allé de report en report. La Cour de cassation s’est réunie six ans après (en 2016), ils ont tranché en disant qu’ils étaient incompétents et qu’ils vont renvoyer l’affaire au niveau de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) qui peut connaître de la forme et du fond, c'est-à-dire de l’ensemble du dossier. En 2018, je suis rétabli dans mes droits. En plus, la banque écope d’une condamnation à payer 200 millions. J’ai demandé qu’on me calcule les intérêts de droits, environ sept milliards, maintenant que nous les avons notifiés. Ils ont contesté. Au tribunal du commerce ils ont été déboutés. La cour d’appel a réglé totalement le problème.

 

Après une première tentative le 2 juillet ratée et une deuxième le 7 décembre de mettre sous scellés UBA, où en êtes-vous  donc aujourd’hui ?

 

Aujourd’hui même (Ndlr : 14 décembre jour de l’interview), l’huissier et des éléments de la sécurité privée sont repartis. Une fois  sur place ils m’ont contacté pour me dire  qu’il semble  que les autorités m’ont touché pour résoudre le problème.  Je n’ai jamais été contacté par aucune autorité.

L’huissier a fait appel à un privé de la sécurité pour le sécuriser dans le cadre de sa mission.  Mais ils l’ont convoqué pour le sermonner.  Mais on  ne va pas se laisser intimider, on repartira jusqu’à avoir gain de cause.

 

Avez-vous pensé à rencontrer le politique (l’autorité de tutelle) pour pouvoir régler le problème ?

 

On a demandé au procureur de nous donner la force publique pour qu’on aille exécuter la décision judiciaire. Il donne dans un premier temps la police qui a saisi leur autorité de tutelle : le ministre. Je suis allé  voir le ministre en question qui m’a demandé de produire les détails du dossier. Ensuite, il m’a reçu une deuxième fois avec mon conseil et les huissiers. Il a promis de nous revenir dans un délai d’une semaine. Jusqu’à aujourd’hui, rien. Nous écrivons au procureur pour lui rendre compte. Il nous a remis un autre soit transmis à la gendarmerie pour dire d’accompagner l’exécution de la décision de justice. La gendarmerie a traité  le dossier. Mais elle dit que l’exécution de la décision peut donner lieu à des troubles à l’ordre public et qu’il faut informer le ministre de la Sécurité. Ils ont donc envoyé leur correspondance à l’autorité administrative depuis le 28 novembre. Mais jusqu’aujourd’hui, le ministre n’a pas réagi. C’est bloqué encore à son niveau.

 

Qu’est-ce qui bloque, à votre avis, l’exécution de cette décision judiciaire ?

 

C’est l’exécutif qui refuse qu’on exécute une décision de justice. Pour moi, c’est très clair. Il n’y a pas de problème. J’ai écrit au ministre. Je lui ai dit : « Dieu et le droit m’ont fait grâce, donne-moi la force publique. La justice a été rendue pour le peuple et c’est lui qui mande. » Il refuse de me prêter main-forte pour l’exécution d’une décision de justice. La police n’a jamais refusé. Elle attend le OK du ministre. C’est lui et non personne d’autre. Ce qui est dommage, c’est que nous sommes tous ensemble dans la mouvance présidentielle. C’est très grave pour le pays. Pendant qu’on a besoin d’investisseurs pour relever l’économie, on refuse abusivement d’exécuter une décision de justice. Est-ce que c’est ça, l’Etat de droit ? Je suis avec le pouvoir mais je refuse un certain nombre de comportements qui n’honorent pas la gestion du pouvoir.

 

Le montant astronomique ne complique-t-il pas également le dossier ?

 

Je pense plutôt qu’au  niveau d’UBA, c’est un mépris vis-à-vis de mon entreprise. Quand un contentieux naît, il faut chercher l’intéressé pour que vous discutiez. On n’est pas des ennemis.  Nous avons eu un différend  né de nos  rapports de travail. Nous sommes des hommes, des responsables, on doit pouvoir se parler. La condamnation est une chose mais nous pouvons nous entendre. Ils disent qu’ils sont forts et que nous n’allons pas avoir la puissance publique pour nous accompagner. Je ne savais pas qu’UBA était comme une boutique. Quand un créancier vient, elle ferme sa porte. Est-ce qu’une banque sérieuse fait des choses comme ça ?

De toute façon si elle n’avait pas cette capacité, la commission bancaire n’allait pas laisser les gens confier leurs moyens à cette banque. D’ailleurs, le montant avait été provisionné. En banque quand vous avez un contentieux on provisionne.  Ça a été fait depuis 2007 ou 2008. Ils ont eu un an pour montrer leur mauvaise foi.

 

Pensez-vous raisonnablement que la banque peut débourser ce montant sans entamer sa liquidité ?

 

Je ne suis pas dans la banque, c’est vrai. Ils avaient un contentieux avec Brafaso. Ils ont pris plus de 18 milliards. Quand ce sont les autres, ils paient. Quand ce sont eux, ils disent qu’ils n’ont pas d’argent. Ils ont l’argent. Mon problème est qu’on exécute la décision de justice. Point !

 

Avez-vous proposé un mode de paiement souple à la banque ?

 

Ce n’est pas à moi de proposer. Je vous dis que la banque a du mépris pour nous. C’est ça, le problème. Ce n’est pas pour rien que j’ai qualifié ça de boutique. Personne n’a voulu chercher à me voir. Ils ont dit carrément qu’ils ne payent pas. C’est une question de volonté.  Je ne suis pas là pour terrasser quoi que ce soit. C’est à eux de me faire des propositions, ce n’est pas à moi de le faire. J’ai besoin de mon argent.

 

Dans cette affaire, vous semblez laissé à votre propre sort !

 

 Aujourd’hui c’est moi, mais peut-être que demain ce sera quelqu’un d’autre. Les autres commerçants doivent faire de mon dossier leur problème. J’interpelle les syndicats des magistrats, des avocats… Si on refuse d’exécuter cette décision, c’est un précédent très grave. La justice, c’est le ciment de tout.

Des avocats qui sont dans d’autres institutions m’ont dit qu’en termes d’exécution, le ministre n’a rien à voir dedans. Mais je ne sais pas pourquoi ça se retrouve à son niveau. C’est parce que quelque part on veut me faire la force.

 

Pourquoi c’est maintenant que l’affaire rebondit ?

 

C’est maintenant que c’est fini.  La procédure vient de prendre fin. Aujourd’hui, ils disent qu’UBA et BIB ne sont pas la même société. Regardez des aberrations comme ça ! Est-ce que quelqu’un qui a un bon conseil peut dire ces choses ? C’est comme la Haute-Volta et le Burkina Faso. Parce que la Haute-Volta est devenue Burkina Faso, ce n’est plus le même pays. C’est ce que ça veut dire.

 

Propos recueillis par

Lévi Constantin Konfé

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