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Ados et réseaux sociaux au Burkina : Sexe 2. 0 à haut débit

 

Offrir un Smartphone à sa progéniture est devenu chose banale de nos jours. Mais vérifier l’usage qu’il en fait ne préoccupe pas forcément les parents. Si Internet est une bénédiction pour le 21e siècle, il n’en demeure pas moins qu’il peut être dangereux pour les jeunes utilisateurs. En un clic, affleurent sur la toile des sujets de tous bords et de tous genres, y compris le sexe avec des images et des vidéos pornographiques. WhatsApp, Facebook, Viber, Instagram… tous les ingrédients sont réunis pour que les jeunes échappent au contrôle des parents et se livrent à une sexualité précoce. Bienvenue dans l’univers du sexe 2.0.

 

 

 

 

«LTO est grave» ou encore «Bangré-Weogo est gâté» ! Vous vous en souvenez certainement ? Si non il s’agit des titres donnés à des sextapes d’adolescents qui se sont retrouvés sur la place publique (dans les téléphones) dans les années 2008, 2009. Une situation embarrassante qui avait poussé les éducateurs à initier des séances de sensibilisation à la sexualité et aux TIC dans les lycées et collèges. Opération réussie ? En tout cas depuis on n’a plus eu échos de scandales sexuels de jeunes jusqu’en cette année 2018 où la vidéo d’un viol en groupe d’une lycéenne par des ados a suscité un tollé général. C’était à qui s’indignerait et condamnerait avec le plus de virulence. Savez-vous seulement que ces enfants, qui se sont à peine affranchis des jupons de leur maman, font maintenant mieux, ou pire, de façon organisée et très loin des regards de leurs géniteurs ? Pendant les vacances, les congés et les week-ends, nombreux sont ceux en effet qui, à longueur de journée, utilisent leurs téléphones à la recherche de sensations fortes.Confinés par leurs parents à la maison, certains trouvent le moyen d’échapper à ce contrôle.

 

Samedi 2 juin 2018, dans un « QG » d’adolescents à la Patte d’oie de Ouagadougou, quelques-uns acceptent de déverrouiller leurs portables pour montrer l’utilisation qu’ils en font. «Mes parents ne veulent pas que je sorte. Comme il y a le wifi à la maison, je cause avec mes amis sur les réseaux sociaux dans les groupes et in box. On parle de tout et on s’envoie des photos», confie Bertin dit Tintin. Agé de seulement 15 ans, il flirte déjà avec une fille du même âge avec qui il échange des photos obscènes. Son ami Oumar, physique ingrat et teint ébène, moins pudique, à un exemple concret : «Ma copine peut être dans la douche et m’appeler en vidéo et moi aussi. Ou elle m’envoie une photo d’une de ses parties intimes…», révèle-t-il sans gêne. Concernant la question des vidéos pornographiques, cet élève, qui a passé le BEPC trois (3) fois sans jamais décrocher le précieux sésame, dit qu’il n’en fait pas une fixation, et déclare être dans des groupes WhatsApp, où l’objectif est d’échanger des images et vidéosexcitantes. «De toute façon, si j’ai besoin de quelque chose de particulier, je le demande à ma copine qui me l’envoie sans broncher», lance-t-il, fier comme un paon. A l’en croire, sa petite amie lui fait confiance puisqu’il lui a fait la promesse de tout supprimer une fois qu’il se sera « rincé l’œil ». 

 

 

 

Ce baisodrome

 

 

 

Le samedi 21 juillet 2018, le groupe WhatsApp au nom suffisamment écouteur constitué essentiellement d’ados du nom Rien que du sexe Ouaga tient sa première rencontre dans une villa du quartier huppé de la capitale, Ouaga 2000. L’heure du rendez-vous est fixée à 23 heures, C’est finalement à minuit que les jeunes prennent d’assaut le R+1 de couleur grise. Pour avoir accès à cette maison dont le rez-de-chaussée a été transformé en boîte de nuit, et l’étage en «baisodrome», il fallait décliner son identité pour avoir droit à un badge où était inscrit son prénom. Nous avons infiltré le groupe en mai de la même année avec le pseudonyme «Maya, élève de 1re», notre silhouette frêle se fondant facilement dans la masse, composée essentiellement d’adolescents. C’est au rez-de-chaussée que le show se passe. Les garçons sont sapés comme jamais, les filles sont «sexy».  On a l’impression d’être à une soirée de nudistes. Les «meufs» sont presque nues. Enveloppées dans des robes transparentes et courtes, des décolletés, qui laissent apparaître «du monde au balcon», ou encore dans des pantalons shorts blessés, elles laissent voir certaines parties de leur corps pour aiguiser l’appétit des jeunes mâles.

 

Dans la boîte, la lumière est si tamisée que l’on reconnaît à peine son interlocuteur ou son partenaire de danse. Dans cette pénombre où se retrouvent «des mineurs dans les bras des non-majeurs», comme qui dirait, les «sons» les plus joués correspondent aux objectifs de la soirée : du zouk langoureux mais aussi de la musique made in Cameroun aux paroles suggestives, «le piment dans la sauce», «coller la petite», «Tchiza», …tout cadre avec une soirée de partouse !

 

Sans gêne, les uns se collent proprement aux autres. Les filles se trémoussent comme des diablesses. On a l’impression qu’ils se connaissaient depuis belle lurette. Et pourtant, ce n’est pas le cas, soutient Fadil qui dit avoir intégré le groupe par le truchement d’un cousin qui n’est pas dans ce groupe. Cela n’empêche pas le jeune Fadil de se frotter aux jeunes inconnues et de leur faire des propositions indécentes. Pour lui, tout ceux qui sont là savent pourquoi ils y sont, «donc il n’y a pas de quoi avoir honte».

 

 

 

«C’est de toi seulement que j’ai envie ce soir»

 

 

 

Installée dans un « coin », nous tentons de nous faire discrète lorsqu’un jeune, âgé d’à peine 18 ans, nous interpelle : «Eyiiiiiii Mayaaa, enfin je te retrouve, tu te fais tellement discrète dans le groupe. Je t’ai reconnue par tes lunettes. C’est de toi seulement que j’ai envie ce soir, tu veux qu’on monte (NDLR : au 1er) pour faire connaissance ?», nous lance-t-il sans vergogne, une clope à la main. «Je suis avec Steeve (NDLR : un nom que nous avons retenu dans le groupe», avons-nous rétorqué. N’ayant pas pour intention de lâcher prise, l’inconnu nous informe que Steeve est en haut avec une autre «go». «En plus c’est une partouse, chacun «fuck» comme il veut et avec qui il veut», nous fait-il remarquer. Il tient mordicus à ce que nous l’accompagnions en haut, dans le petit coin de luxure.

 

Là, dans le salon, tout est mis en ordre pour éveiller les sens et ouvrir la voie du septième ciel. A gauche et à droite deux écrans plasma de 42 pouces fixés au mur diffusent en boucle des films X. Des matelas sont installés çà et là dans le couloir, et dans l’une des chambres, Steeve est effectivement non pas avec une «meuf» mais deux. L’une des deux est à genoux au pied du lit, difficile de l’identifier puisque les tresses longues de couleur rouge qu’elles portent recouvrent son vissage enfoui dans le pantalon à moitié baissé de Steeve. Ce dernier, assis confortablement au bord du lit, est massé par l’autre go (toute nue) qui s’enivre et enivre Steeve avec la fumée de chicha dont elle tient le tuyau. Cette dernière est visiblement dans les «vibs» puisqu’elle ne s’est même pas gênée de notre présence. Dans la chambre voisine, c’est la même scène sauf qu’au lieu d’un couple, pour ne pas dire un trio, c’est quatre groupes qui s’adonnent à la fornication dans les quatre coins de la pièce sans éprouver de gêne avec les gémissements et les cris d’extase des partouzards. «Chacun bouffe le haricot qui est devant lui» comme dit un proverbe bien de chez nous. C’est Sodome et Gomorrhe sur Kadiogo !

 

Notre soupirant qui porte le nom «Karl» sur son badge n’en perd pas une miette : «c’est la fête, chacun s’amuse avec qui il veut». Pour que la situation ne nous échappe pas, nous redescendons rapidement. Une minute d’attention a été demandée par un jeune homme, visiblement le plus âgé de ce groupe puisqu’on l’a même surnommé le doyen (Il a 25 ans). Micro en main et dans ses basquettes lumineuses, il lance : «Bienvenue à vous tous à cette première rencontre, l’objectif est que les gens puissent mieux se connaître et s’amuser. Je sais qu’il y a des gens qui se sont déjà rencontrés et ont même déjà lal (NDLR : couché ensemble) ; ce qui est bien mais c’est pour renforcer encore plus les relations que nous sommes là. Nous sommes une famille. Donc bonne soirée et n’oubliez pas de vous protéger, il ne faudrait pas devenir papa et maman avant l’heure». Tous éclatent de rire et la musique reprend de plus belle. Et pour ceux et celles qui ne seront pas satisfaits, le doyen les a invités à prendre contact avec lui «je suis au 1er» a-t-il indiqué. «C’est le boss ici ?» demandons-nous à notre «partenaire» autoproclamé. «Je ne sais pas dehhh». «Et pourquoi il dit à ceux qui ne seront pas satisfaits de le rejoindre ?». «Ahhhh tu poses trop de questions t’es une disciple de Navaro ou tu veux devenir journaliste ? Laisse ça et puis tu viens on va danser». Nous acceptons à condition qu’il raconte tout ce qu’il sait. Comme un perroquet, Karl l’ouvre effectivement dès que nous entamons la danse sur la chanson «Coller la petite» de l’artiste camerounais Franco.

 

A l’en croire, le doyen est étudiant, c’est lui qui aurait créé le groupe et n’y intègre que les lycéens. Selon Karl, il est en contact avec des «gourous» du pays. D’après notre cavalier d’un soir, l’initiateur de ce club fermé que nous avons infiltré fait du proxénétisme aussi. Il mettrait des filles et même des garçons en contact avec ces «mogos puissants» qui veulent donner libre cours à leurs fantasmes avec des «crudités» (NDLR : des jeunes). Et ce serait l’un d’entre eux qui a mis à sa disposition la baraque transformée en lupanar. Cette fête serait juste la partie cachée de l’iceberg puisque son objectif est de pouvoir créer un climat de confiance et détecter les «bombasses» à recruter pour son «activité» de proxénétisme selon Karl. Avant que nous terminions la danse, la salle était embaumée de parfum de cigarette, de drogue qui picote les yeux et fait éternuer, et de tout ce qui peut faire cracher les poumons d’un novice en la matière. Ce fut notre cas, et on a vite quitté le fumoir.

 

Dans le jardin, ce n’est pas non plus tranquille : un groupe de quatre jeunes dont une fille installée sur le gazon siffle une poudre blanche étalée sur un morceau de miroir. Ici c’est du dur manifestement. De la cocaïne, de l’héroïne ? allez savoir ! «Doucement hein, il ne faut pas compter sur nous pour te ramener chez toi», prévient une voix chaude. La fille, quant à elle, semble avoir déjà pété un câble. Elle se lève brusquement et commence à se déshabiller. «J’ai chaud» lance-t-elle aux trois autres dont l’attention est plus portée sur le miroir qui ne contient plus grand-chose. Personne ne s’en préoccupant, la jeune fille balance à terre son haut épinglé d’un badge au nom de Sadia et se retrouve au pied d’un arbre fruitier ou elle rend le contenu de son estomac, dans l’indifférence totale de ses compagnons, sans doute déjà défoncés. Après un vomissement bruyant et apparemment douloureux, elle prend soudainement conscience de sa nudité (soutien-gorge rouge et jupe repliée jusqu’à la taille, laissant voir son slip noir), elle réajuste sa jupette et finit par retrouver son haut après avoir déclenché son radar visuel dans tous les quatre coins du jardin.

 

«Vas te faire fuck, j’ai été le premier» ; «tu ne peux pas me devancer» ; «même s’il elle a dix mecs, moi aussi je vais lal avec elle», des échanges obscènes qui attirent notre attention et nous ramènent à nouveau dans la boite. Là comme dans un documentaire animalier, deux males, en rut, se battent pour une femelle.  Le doyen immédiatement alerté descend de sa tour et porte sa casquette de juge. «Qu’est-ce qui se passe ici ?» tonne-t-il méchamment. Personne ne bouge ni ne dit mot, la musique est coupée, on aurait pu même entendre les mouches voler s’il y en avait. Et la fille s’avance et, sans la moindre pudeur laisse échapper : «doyen, ils veulent tous lal avec moi et m’ont dit de choisir. J’ai choisi IB parce qu’on WhatsApp ensemble depuis deux semaines. Alors lui, il vient dire qu’il veut aussi, j’ai dit non, et il commence à faire la bagarre», détaille la jeune fille qui a 15 ans. Ayant écouté la partie plaignante, le doyen, ou si vous voulez le président du tribunal, livre son verdict : «Cette fête c’est pour s’amuser et non pour se battre. «Mec, trouve-toi une autre meuf !» ; la condamnation est sans appel.  La queue entre les jambes, au propre comme au figuré, le prétendant de cette partie de jambe en l’air prend la porte et la «teuf» (verlan de fête, a-t-on fini par comprendre) reprend.

 

Après cette altercation, on en a eu pour notre compte.  Nous décidons de quitter la villa même si ce n’est qu’à cette heure (02h du matin) que d’autres participants à ces orgies sexuelles s’amènent.

 

 

 

Plus de 100 groupes

 

 

 

Des groupes de ce genre, nous en avons dénombré 142 en l’espace de trois mois (mai, août, septembre 2018) sur Facebook, WhatsApp, Viber, …tous axés sur le sexe, avec des noms aussi évocateurs les uns que les autres : Mougoupan Ouaga ; Bonne baise ; Désir et sexualité ; Baise sans lendemain ; Bizi Ouaga ; 226 sexe ; Niker entre nous ; Baise jeunes ; Ado baise ; Baise au lycée ; Baise jeunes-vieux, Baise rapide ; Sexe ni vu ni connu ; …excusez de la vulgarité !

 

Tous utilisateurs, mineurs comme majeurs des réseaux sociaux peuvent créer ce genre de saloperies sans craindre quoi que ce soit. Il suffit de disposer de la connexion et d’un compte. La participation est aussi libre, à la condition de disposer du lien d’accès et de ne pas se faire exclure par l’administrateur du groupe. Une fois qu’on y a accès, on peut cataloguer les membres en plusieurs types. D’abord les administrateurs qui admettent les nouveaux et fixent les règles. Le constat qu’on a fait dans le groupe Rien que du sexe Ouaga  est qu’il y a les actifs qui partagent des vidéos, des images, et font les propositions. Il arrive que les administrateurs soient aussi actifs. Il y a également les hypers actifs qui vont au-delà du virtuel, piquent les numéros de téléphones des membres et contactent en privé ces personnes pour leur faire des propositions indécentes. Et enfin, il y a les passifs. Eux, sont de grands consommateurs. Leur crédo «regarder sans agir ni réagir» ; jusqu’à quand ? 

 

Pendant ce temps, des parents croient naïvement que leurs progénitures baignent dans l’innocence. Alors qu’ils forniquent sur la toile. Il faut dire que ces groupes portés sur le sexe sont pour la plupart du temps animés par des jeunes dits de la génération «2. 0» ou «tête baissée» qui le font à coup sûr à l’insu de leurs parents. Mais est-ce que ceux-ci ont conscience du danger que constituent les réseaux sociaux pour leurs rejetons ? «Non», nous confie M. Yonaba. «Je n’ose même pas toucher le téléphone de ma fille. Elle a 15 ans et est en classe de 5e, je ne sais pas comment elle a eu cet appareil. Moi j’avais acheté un téléphone simple pour elle, mais elle a refusé. Quelques jours après, je l’ai vue tenir ce qu’on appelle iPhone. Est-ce que je peux dire, amènes je vais voir son contenu ?» s’est demandé ce parent d’une quarantaine d’années qui ne sait pas comment aborder la sexualité avec sa fille. «A notre temps, nos parents ne nous disaient rien sur la sexualité mais on n’osait même pas faire certaines choses. Avec nos enfants c’est un peu plus délicats », indique-t-il avant de nourrir l’espoir que l’école puisse permettre aux jeunes de faire la part des choses. Vœu pieu, s’il en est puisque l’école elle-même est devenue un lieu de perdition.

 

Abdoul Aziz Zongo pour sa part ne veut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. «Les réseaux sociaux aident les enfants à bosser, à découvrir certaines choses. Ils donnent une autre forme de mentalité à nos enfants ». Ce qui est bien selon le commerçant. Mais il admet qu’il y a en toute chose des brebis galeuses qui utilisent les téléphones à d’autres fins. «Se draguer, montrer ses parties intimes ou regarder des vidéos pornographiques», a énuméré l’octogénaire. D’après la logique, l’octogénaire c’est à force de regarder les «choses bizarres» que les gamins veulent les appliquer dans la vraie vie, considérant que c’est ce qui se fait dans la réalité. «Du coup, ils ne peuvent qu’échouer dans la vie. Il y a des choses qu’un enfant ne doit pas faire. Il y a un proverbe moaga qui dit : Si un chien fait certaines choses avant d’avoir un certain âge, il est un chien mort», a prévenu le vieux.

 

 

 

Biens mal acquis

 

 

 

Autre parent, même inquiétude : Lamine Mohamed a la conviction que les téléphones «dernier cri» que tiennent beaucoup de filles de 14, 15 et 16 ans sont des ‘’biens mal acquis’’. «Ce sont les hommes qui les leur donnent. Donc si ces donateurs demandent à ces filles des photos ou des images pornographiques, elles ne peuvent pas refuser», estime-t-il. A l’en croire, il y a des géniteurs qui ne peuvent même pas s’offrir ces types de téléphones.  «En plus il y en a qui ne connaissent rien de ces histoires de WhatsApp, de Facebook et autres», souligne Lamine Mohamed qui affirme être dépassé par le comportement actuel de la jeune génération.

 

Face à cette démission  parentale, la seule chose qui semble s’imposer, c’est une éducation sexuelle des jeunes mais aussi une éducation aux médias. Mais à qui incombe ce rôle ? En 2014 le Conseil supérieur de la communication (CSC) avait adopté une mesure visant la protection de l’enfant contre les programmes néfastes des télévisions. «C’est bien mais c’est pas arrivé » comme le dirait le commerçant du coin, puisqu’en matière de politique d’éducation aux médias, le CSC n’intervient pas spécifiquement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive des jeunes et leurs habitudes sur internet. Quel sera donc le plan de riposte de cette police des médias ? Selon le président du CSC, Mathias Tankoano, il est clair que des nouvelles approches institutionnelles s’imposent. Mais cela doit se faire avec le concours des parents. «Il faut que les parents comprennent que le développement d’Internet est d’une contribution à l’éducation, mais c’est en même temps notre chute si nous n’y prenons garde. Vous parlez de réseaux sociaux : aujourd’hui, pratiquement tous les jeunes élèves sont dans des groupes WhatsApp. Combien de parents savent ce qui s’y passe ? Tentez de toucher le téléphone d’un enfant de 13 ans, il le cache. Parce que dans sa tête il y a des choses que vous ne devez pas voir», affirme le premier responsable du gendarme de la communication au Burkina. Convaincu que les réseaux sociaux véhiculent très souvent des messages inappropriés aux jeunes internautes, Mathias Tankoano a pris l’exemple de la prolifération de la chicha. «En seulement une année, nous avons constaté la prolifération d’une nouvelle forme de tabagisme, la chicha. Mais personne si on peut dire… ne pipe mot. Nous en sommes tous responsables parce que nous n’en faisons pas une préoccupation. Qu’un enfant de 13 ou 14 ans se mette à fumer, même pas de la cigarette mais de la chicha, c’est très grave», se désole-t-il avant d’indiquer que son institution va tenir un séminaire pour se plancher sur la question de la protection des enfants sur les réseaux sociaux. «Nous comptons sur les directeurs de publication des organes qui sont aussi des partenaires très importants. Pendant longtemps, on n’avait pas pris en compte cet aspect. Du haut de leur présence à la tête des organes de presse, ils ont beaucoup d’informations qui peuvent servir. Il y a d’importantes informations collectées qui ne sont pourtant pas publiées. Mais il faut encore pousser la réflexion, parce qu’il n’y a pas que les contenus des réseaux sociaux », a fait remarquer Mathias Tankoano.

 

En dehors de « cette future action » de la puissance publique, il faut dire que c’est davantage auprès des associations et organismes non gouvernementaux intervenant dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive qu’on note une prise en compte sérieuse de la problématique. Ils proposent des programmes orientés sur la sensibilisation. C’est l’exemple du réseau national des jeunes ambassadeurs, mis en place en 2014 par un consortium d’OSC agissant dans le domaine de la Santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ) dans les villes de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Koudougou. A cela, on peut ajouter la plateforme QG jeune, une initiative du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Cette plateforme interactive est l’une des premières et rares initiatives qui utilisent les outils prisés par les jeunes (Internet, réseaux sociaux) pour les sensibiliser. Selon le chef de l'unité communication et plaidoyer de l’UNFPA au Burkina, Siaka Traoré, après une étude, ils se sont rendus compte que les canaux classiques utilisés pour la sensibilisation des jeunes (radio, télévision, affichage) se sont montrés limités. « Il y a eu des mutations dans le comportement des jeunes. Par exemple, quand on regarde le taux d’équipement des ménages en téléphone, on constate qu’il ne fait que grimper. Il en est de même pour l’accès à Internet des jeunes », détaille le chargé de plaidoyer avant d’indiquer que c’est la raison pour laquelle son institution a décidé d’utiliser le téléphone et Internet comme moyen pour transmettre des messages de sensibilisation aux jeunes afin qu'ils adoptent des comportements qui sont favorables à leur santé. Selon Siaka Traoré, l’avis des jeunes a été pris en compte dans la mise en place de la plateforme et le nom QG jeune (Quartier général des jeunes) serait venu d’eux.  QG jeune est un site web avec plusieurs rubriques dont le Quizz, les témoignages, le Dico, le Forum, les opportunités, le site est doté de plusieurs ramifications sur les réseaux sociaux ainsi qu’une application Android. 

 

Le nouveau-né des projets qui font dans les TIC et la sensibilisation des jeunes sur la santé reproductive au Burkina c’est Billi Now Now (BNN) qui représente la vision dʼun milliard de jeunes en charge et en contrôle de leur corps, leur culture et leur destinée. Ce vaste programme est conçu sur l’idée selon laquelle d’ici 2020, la population africaine sera estimée à plus d’un milliard dont une majorité âgée de moins 35 ans. Celle-ci devra prendre en main son avenir, sa culture et son message autour de la question de la santé sexuelle.

 

BNN a été mis sur pied par Snake Nation, une société basée à Atlanta (Etats-Unis) et Cape Town (Afrique du Sud), en partenariat avec Planned Parenthood Global, la branche internationale de Planned Parenthood Federation (Etats-Unis). Le projet n’est qu’à sa phase pilote au Burkina mais ambitionne de conquérir des pays comme le Kenya, l’Ouganda, le Nigeria, le Sénégal.

 

Autant d’initiatives louables mais les habitué(e)s de la villa grise de Ouaga 2000 doivent s’en ficher comme de leur première barboteuse. Hélas !

 

 

 

J. Benjamine Kaboré

 

 

 

 

 

Encadré 1

 

Les adultes aussi !

 

 

 

Le piège « sexe-internet » ne referme pas seulement sur les plus jeunes. Pas plus tard que le mois de juin passé, une dame d’une quarantaine d’années a été prise dans ce toile. Elle s’est filmée toute nue avec en gros plan ses parties intimes pour «séduire» son amant, (puisqu’elle serait déjà mariée). Sans savoir comment, la vidéo de la jeune commerçante s’est retrouvée sur «la place publique» à son grand dam. Comment donc éduquer les enfants aux médias, si ceux-là même qui sont censés le fairer ne donnent pas l’exemple ?

 

J.B.K.

 

 

 

Encadré 2

 

A 14 ans, il a chopé le VIH dans une partouse

 

 

 

En 2017, le nombre d’enfants de moins de 15 ans atteints du Sida était de 9 400 sur les 94 000 victimes au Pays des hommes intègres selon les chiffres de l’ONUSIDA. Comment ont-ils été contaminés puisque pour la plupart, les parents n’en sont pas malades ? Un étudiant en médecine, que nous allons nommer Amed, nous a raconté que son petit frère de 14 ans est séropositif. Selon lui, il est le seul à en souffrir dans la famille. A l’en croire, son frère avait commencé à dépérir et à souffrir de petites maladies, lorsqu’on l’a amené faire des examens, on s’est rendu compte qu’il avait le VIH. «Comment il a chopé cette sale maladie ? se sont demandé mes parents. Paniqués, ils se sont précipités pour eux aussi faire le test. Mais personne ne l’a sauf lui. Mes parents étaient frustrés de ne pas pouvoir trouver réponse à cette interrogation », relate douloureusement le futur médecin. « Un jour alors que mon frère a laissé trainer son téléphone, ils l’ont fouillé, et là, ils n’en revenaient pas. Mon frère avait plusieurs partenaires sexuels, participait à des partouzes, et même sortait avec des hommes en échange d’argent », a révélé le jeune Amed, les yeux remplis de larmes visiblement toujours sous le choc de cette page triste de son histoire familiale.

 

 

 

J.B.K.

 

 

 

Encadré 3

 

Et même les tout-petits !

 

 

 

«J’avais 11 ans. Sur l’ordinateur de mon frère, j’ai vu un homme et une femme nus. L’homme faisait du mal à la femme qui criait. Depuis lors, je détestais mon père car je me suis dit que lui aussi faisait du mal à ma mère. J’ai grandi dans la rébellion et même quand j’eus l’âge de me marier, il m’était difficile de me mettre en couple avec un homme ; j’ai été obligée de voir un psychologue qui m’a fait ressortir ces images, source de mon mal». Cette histoire, est celle de O. Zangré. Aujourd’hui âgée de 37 ans, elle est mère de deux enfants.

 

Comme cette maman qui a été traumatisée à son enfance par les images pornographiques, de nos jours, ils sont nombreux les enfants qui ont accès aux mêmes types d’images et qui se retrouvent seuls à gérer ce problème. Posté à la sortie d’une école primaire privée le mardi 5 juin 2018 à Ouagadougou, quelques-uns des enfants nous ont confié avoir déjà vu un «porno». Claudia S. est de ceux-là. A 10 ans, elle sait télécharger des jeux et faire des recherches sur Internet. Comment le sait-elle ? «C’est mon papa qui m’a appris comment chercher des choses sur Google», nous informe l’écolière en classe de CM1. Même si elle ne sait pas de quoi il s’agit exactement, la petite confie naïvement avoir déjà vu du «porno». «Je téléchargeais des jeux et après j’ai vu un homme et une femme nus qui jouaient. Quand j’ai demandé à ma grande sœur, elle m’a dit que c’est ça qu’on appelle «porno», a relaté la petite. Cette aînée, âgée de seulement 2 ans de plus, n’en dira pas plus à Claudia.

 

 

 

Un autre écolier, un récit similaire : lui, c’est Chadrac T., 9 ans. Il ne possède pas de tablette ni de téléphone mais dit avoir déjà vu un porno. Comment ? Il serait allé passer le week-end chez son cousin qui lui en a fait découvrir. «Il m’a dit de ne rien dire sinon on va retirer sa tablette», a-t-il chuchoté.

 

Malheureusement c’est souvent comme ça que petit à petit, image après image, on tombe dans  l’engrenage.

 

 

 

 

 

Encadré 4 

 

 Comment nous en sommes sortie saine et sauve

 

 

 

Nous avons infiltré le groupe par le biais d’une connaissance (élève en classe de 2nd en mai 2018). Notre jeune physique nous a permis de nous faire passer pour une élève de la classe de 1re du nom de Maya (Maya comme l’abeille dans notre dessin animé préféré. Cette jeune abeille vole de ruche en ruche, de fleur en fleur pour résoudre des énigmes). Notre informateur, que nous avons nommé D, a fait croire à l’administrateur que nous sommes sa cousine, «une bombasse sans aucune pudeur». Bref, tout cela a contribué à mettre de la poudre aux yeux du doyen et à le convaincre.

 

L’administrateur nous a donc contactée et après quelque 3 mn de communication, «M. Claude» nous a intégrée au groupe. C’est alors que nous avons pu jouer notre rôle de Maya. Et pour la soirée de partouse, nous nous sommes attaché les services d’un jeune «garde du corps». D’un physique ingrat, notre protecteur, qui est en réalité un corps habillé, a pu également se faire passer pour un élève. Ce sont donc D. et notre «Body guard» qui ont assuré notre protection. En gardant l’œil sur nous, de telle sorte que lorsque notre soupirant d’un soir (Karl) a tenté de nous forcer la main pour une partie de jambes en l’air, ils ont intervenu, en le remettant à sa place. Ce fut également le cas lorsqu’un fêtard insistait pour qu’on boive une substance dont nous ignorons la composition. Ils ont ainsi été nos anges gardiens et se sont assurés que rien, absolument rien ne nous arrive à cette soirée de débauche.

 

J.B.K.

 

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