Logo
Imprimer cette page

Nouveau gouvernement burkinabè : Un Chériff et un gendarme de faction contre le terrorisme

Quatre jours après la nomination du nouveau Premier ministre, Christophe Joseph Marie Dabiré, en remplacement de Paul Kaba Thiéba, le Burkina dispose d’une nouvelle équipe gouvernementale dont le visage a été dévoilé hier dans l’après-midi.

 

Preuve qu’il n’y a pas de temps à perdre, un Conseil des ministres s’est tenu dans la foulée à Kosyam, question sans doute pour le président du Faso, en attendant leurs Lettres de mission, de donner ses premières instructions aux membres de l’équipe Dabiré, forte de 33 hommes et femmes contre 34 auparavant en incluant le SG du gouvernement.

Ce qui frappe tout de suite, à la lecture du décret, c’est évidemment l’éjection de Jean-Claude Bouda de la Défense et de Clément Pengdwendé Sawadogo de la Sécurité, eux dont les têtes étaient réclamées à cor et à cri par nombre de Burkinabè qui les rendaient, à tort ou à raison, responsables de la chienlit sécuritaire dans laquelle nous pataugeons depuis belle lurette. 

Le premier cité surtout, pour des raisons à la fois professionnelles et extraprofessionnelles, avait fini, au fil de ces derniers mois, par devenir le ministre-repoussoir de la République qu’il fallait forcément limoger. Les chefs ont beau ne pas aimer qu’on leur force la main, il était sans doute devenu impossible pour Roch Marc Christian Kaboré, contre lequel était instruit un procès en copinage, de ne pas entendre les complaintes de ses compatriotes.

Bouda et Pengdwendé apparaissent ainsi comme les victimes expiatoires d’une situation dont ils ne sont pas en réalité, loin de là, les seuls responsables et il faudra plus que leur défenestration pour nous sortir de l’ornière.

On ne manquera pas non plus de signaler l’éviction de Rosine Coulibaly/Sori  du ministère de l’Economie et des Finances. Elle a peut-être perdu la guerre d’usure qu’elle mène depuis trois années sur le front syndical face à la Coordination des syndicats des finances, notamment au sujet du Fonds commun de la discorde qu’elle sera quand même parvenue à plafonner légalement avant de plier bagage ; mais on aurait tort de penser que la Dame de fer partie, c’est toute la politique financière et budgétaire du Burkina qui s’en trouvera changée  puisqu’elle est avant tout imprimée par le chef de l’Etat et son PM.

Autant dire que Dame Rosine refile la patate chaude à Lassané Kaboré, que certains de ses proches continuent d’appeler DAMOF (directeur des affaires monétaires et financières du Trésor) même si, en provenance de la CEDEAO à Abuja après avoir transité par la Direction générale de la coopération (DGCOOP), il a quitté ce poste depuis une bonne dizaine d’années.

S’il est par contre un départ qui est plutôt surprenant, c’est à coup sûr celui de Simon Compaoré, ci-devant ministre d’Etat sans portefeuille à la présidence, aux domaines de compétences donc transversaux. Car depuis qu’il a quitté la Sécurité pour à peu près les mêmes raisons qui valent aujourd’hui à Clément Sawadogo d’être remercié, Tébguéré, «tranquillos» dans son garage de luxe de la Présidence, ne dérangeait presque plus personne.

On aurait cependant tort de conclure à  un désamour  entre lui et  son pote de quarante ans. Roch, en accord avec lui, a-t-il voulu ménager son compagnon dont on dit la santé fragile et  qui est actuellement en séjour médical à l’étranger suite à un récent malaise ? Ce n’est pas exclu, à moins que l’enfant de Mankougoudougou ne veuille se consacrer presque exclusivement au MPP pour préparer les élections de 2020.

L’événement, c’est sans conteste aussi, outre l’élévation de Siméon Sawadogo au rang de ministre d’Etat, le débarquement au son de la trompette de Moumina Chériff Sy, par ailleurs bombardé ministre d’Etat (et  deuxième dans l’ordre protocolaire)au département  de la Défense et des Anciens Combattants ; en lieu et place donc de l’indésirable Bouda qui, il est vrai, ne sera jamais parvenu à « terroriser les terroristes » ainsi qu’il l’avait promis dans une envolée lyrique à sa nomination.

Fils d’une des icônes de l’armée burkinabè, le général Baba Sy, l’armée et les casernes, c’est presque son milieu naturel et, comme qui dirait, il a appris à marcher en s’appuyant sur les genoux des officiers supérieurs et généraux. Celui qui était jusque-là haut représentant du président du Faso – un poste dont  une partie de l’opinion demande du reste  la suppression – marche en réalité sur les pas de papa puisque son géniteur occupa le même  maroquin en 1974 après la crise  née de la rivalité entre le PM,  Gérard Ouédraogo, et le président de l’Assemblée nationale, Joseph Ouédraogo,  qui accoucha du Gouvernement du renouveau national (GRU). Qui donc mieux qu’un Chériff pour assurer notre sécurité et l’intégrité de notre territoire, même s’il sera plus que jamais exposé et qu’il lui faudra remiser au placard son boubou blanc immaculé  qui est devenu sa marque de fabrique pour endosser une tenue de combat, car il va devoir cravacher ?

Si l’ex-président du Conseil national de la Transition est connu comme le loup blanc, et pas seulement du fait de son code vestimentaire, le colonel de gendarmerie  qui arrive à la Sécurité l’est beaucoup moins du grand public : Compaoré Ousséni fut, en effet, commandant de la Gendarmerie nationale sous le CNR et, sauf erreur ou omission, le premier pandore formé à l’Ecole de droit de l’université de Ouaga dont il est d’ailleurs titulaire d’une maîtrise.

Disparu des radars depuis, il était entre-temps dans le système des Nations unies, précisément au HCR et, à ce titre, il a bourlingué sur bien des foyers de tension dont l’Afghanistan, une expertise qui ne sera pas de trop dans ses nouvelles fonctions.  En tout cas qu’il soit à la retraite ou pas, avec son arrivée, Roch renonce à la promesse qu’il s’était  faite  de ne pas prendre d’homme de tenue dans son gouvernement. Mais, comme on dit, nécessité fait loi et une promesse, fût-elle présidentielle, n’a jamais constitué un dogme canonique.

Il faut seulement espérer que son gendarme de faction, qui a quitté les rangs il y a un bout de temps, n’est pas totalement déphasé par l’évolution de la situation nationale, en l’occurrence dans les camps. Quoi qu’il en soit, on ne le dira jamais assez, si c’est dans l’ordre normal des choses de faire tomber parfois quelques têtes, ne serait-ce que pour complaire au bon peuple en quête de sang frais, le sacrifice de Bouda et de Sawadogo sera vain si, citoyen lambda y compris, toute la chaîne sécuritaire, dont le premier maillon n’est autre que le chef suprême des armées lui-même, n’est pas opérationnelle  et consciente de ses responsabilités et des enjeux du moment.  

 

Ousséni Ilboudo  

Dernière modification ledimanche, 27 janvier 2019 16:31

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

© 2011-2014 - Observateur Paalga - Tous droits réservés I Conception: CVP Sarl.