Menu

Insurrection populaire : Tout ça pour ça !

Les Burkinabè s’étaient dressés contre le second projet de révision rétrograde de la Constitution qui devait permettre à Blaise Compaoré de se présenter pour la cinquième fois à l’élection présidentielle de 2015. 

 

Avec un succès inespéré.

Car en plus d’avoir empêché la forfaiture politique, ils ont balayé le pouvoir en place.

Avec fracas.

Après vingt-sept ans de règne sans partage, Blaise Compaoré et ses hommes rêvaient d’une prolongation de mandat à la tête de l’Etat. Mal leur en a pris.

En effet, au terme de plusieurs mois de manifestations, on a assisté, un peu incrédule, à l’effondrement de la maison Compaoré dont les occupants, pris au piège de l’aveuglement mental, n’avaient pas pris toute la mesure de la colère qui grondait aussi bien dans les villes que dans les campagnes.

A la contestation politique est venue se greffer une lame de fond sociale portée par une jeunesse en perte de repères et littéralement broyée par un chômage endémique. Une jeunesse d’autant plus révoltée que le fossé entre riches et pauvres n’arrêtait pas de s’élargir.

A tout cela s’ajoutait le ressentiment contre l’accaparement des ressources nationales et du tissu économique par le clan présidentiel, symbolisé à tort ou à raison par le frère cadet du chef de l’Etat, François Compaoré, et sa belle-mère, Alizet Gando, qui avaient fini par cristalliser toutes les rancœurs de tous les exclus du «Burkina émergent de Blaise Compaoré». Du 28 au 31 octobre 2014, ces derniers,  au terme d’une sorte de guérilla urbaine à travers les grandes artères de la capitale, ont plié le match.

Pour beaucoup de Burkinabè, les «Quatre Glorieuses» devaient être porteuses non seulement d’un renouveau démocratique mais aussi d’un changement socio-économique profond.

Mais cinq ans après, force est de constater que les promesses de lendemains qui chantent et où on raserait gratis se sont évaporées.

Certes, sur le plan politique il y a eu l’exemplaire présidentielle de 2015 et plus personne ne peut encore véritablement rêver de diriger le pays comme Blaise Compaoré dans sa stature de commandeur. 

Mais pour le reste, on a l’impression qu’il y a eu alternance sans changement.

C’est que pour nombre d’insurgés, de la gouvernance de Blaise Compaoré à celle du président actuel, Roch Marc Christian Kaboré, la donne n’a pas véritablement changé. Et même des militants des plus lucides du parti au pouvoir, le MPP, à l’instar d’Emile Paré, n’en pensent pas autrement.

La corruption des élites serait tout aussi rampante que sous l’ère de «l’Enfant terrible de Ziniaré», en témoignent les scandales politico-financiers qui éclaboussent certains ministres et qui auraient pu connaître un traitement judiciaire plus conséquent.

Cependant, on aurait tort de croire que c’est seulement au sommet que le changement de comportement et de mentalité ne s’est pas opéré. Puisque du simple planton de l’administration au grand commis de l’Etat en passant par le cadre moyen, tout le monde continue de dealer, barbotant, l’âme en paix,   dans la prédation.

Comme si chacun voulait le changement mais chez les autres.

Mais que dire de l’incivisme qui a vraiment pignon sur rue, c’est le cas de le dire, ou encore de l’interminable fronde sociale qui a fini par instaurer une guerre froide entre le gouvernement et les syndicats ?

Mais le plus grave dans tout ça reste le péril terroriste auquel nous faisons face depuis près de cinq ans sans succès jusque-là.

Bien au contraire, le cancer qui était localisé a fini par se métastaser et on en est à se demander si la réponse a été adéquate et vigoureuse dès le début.

Aujourd’hui, le Burkina Faso, jadis havre de paix et de stabilité, affiche l’image pitoyable d’un pays en situation d’insécurité chronique doublée d’un drame humanitaire d’une ampleur jamais enregistrée dans le pays.

Certes ce n’est pas de la faute des dirigeants actuels si dès la prise du pouvoir on leur a imposé cette sale guerre asymétrique, mais on ne peut que se poser des questions sur l’efficacité du traitement qu’ils ont administré jusque-là.

Pour sa survie politique, le locataire de Kosyam doit veiller à ce que cinq ans après avoir chassé Blaise Compaoré du pouvoir, les Burkinabè ne se mettent à le regretter. Car quoi qu’on dise, ce dernier était parvenu, avec des moyens et des stratégies qui étaient les siens, à nous épargner la tragédie qui frappe aujourd’hui le pays.

Alain Saint Robespierre

Dernière modification ledimanche, 03 novembre 2019 15:39

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut