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Anciens chefs d’Etat burundais: Des avantages à la tête… du président

Après trois mandats successifs, Pierre Nkurunziza va-t-il faire valoir ses droits à la retraite ? Le président burundais, à la tête du pays depuis 2005, a en tout cas promis de ne pas se présenter à la présidentielle du 20 mai 2020. On saura véritablement le dimanche 26 janvier prochain s’il va tenir parole, puisque son parti organise ce jour-là un congrès pour désigner un candidat. Avec ces autocrates, qui ne sont jamais à un parjure près, on n’est jamais sûr de rien, mais tout semble indiquer qu’il laissera la place à celui qu’il aura choisi.

On en veut pour preuve le projet de loi adopté mardi dernier par l’Assemblée nationale burundaise, qui balise la sortie de Nkurunziza. Et le moins que l’on puisse dire est que celui qui fut rebelle et prof d’EPS dans une autre vie veut assurer ses arrières. Jugez-en vous-mêmes : 500 000 euros (1 milliard de francs burundais) dès qu’il aura quitté le pouvoir, une villa de très haut standing qui sera érigée dans une localité de son choix, ainsi que le salaire et l’intendance d’un vice-président pendant les sept premières années de sa retraite présidentielle. A cela s’ajoute un florilège d’avantages plus ou moins indus.

Mais au-delà de ces avantages bassement matériels, il y a sans doute plus important dans cette loi pour celui qui dirige son pays d’une main de fer depuis quinze ans, martyrisant opposants politiques, journalistes et activistes des droits de l’homme. Le nouveau retraité devrait en effet continuer de bénéficier d’un privilège de juridiction devant la Cour suprême et continuer de jouir des mêmes dispositions spéciales qui « protègent l’honneur, la dignité et l’intégrité physique du chef d’Etat en exercice ». Rien que ça !

Quoi de plus normal en bonne démocratie qu’un ancien chef d’Etat bénéficie d’une liste civile conséquente pour ne pas se clochardiser une fois qu’il aura quitté le pouvoir ! Sauf que là, celui qu’on surnommait dans sa jeunesse Black Panthera fait vraiment fort, et ses contempteurs n’ont pas tort de parler d’un parachute doré quelque peu indécent dans un pays où 75% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Alors que la loi est censée être de portée générale, le texte scélérat voté par les parlementaires burundais instaure des avantages à plusieurs vitesses. En effet, alors qu’il octroie le beurre, l’argent du beurre et le c… de la bergère à l’homme fort de Bujumbura, la loi du 21 janvier chamboule le statut qui était jusque-là réservé aux anciens chefs d’Etat (au nombre de 3) en introduisant une distinction entre ceux qui ont été « élus démocratiquement » et ceux qui sont arrivés aux affaires par un putsch. Nul besoin donc d’être clerc pour savoir que c’est Pierre Buyoya, ennemi intime de Nkurunziza s’il en est, qui est directement visé par le missile parlementaire. Dans leurs malheurs, les deux autres anciens chefs d’Etat peuvent au moins s’estimer heureux, même si la portion qui leur revient est forcément congrue, comparée à la part qui revient au lion Kkurunziza.

En fait, en faisant tailler à sa mesure le parapluie judiciaire ci-dessus évoqué, dans une certaine mesure le satrape de Bujumbura avoue que son régime est particulièrement liberticide, peu respectueux des droits de l’homme et a marché sur tant et tant de cadavres pour maintenir son emprise sur le pays. Mais il aurait tort de croire que cette protection est à toute épreuve, car, quand bien même il serait immunisé, il pourrait avoir du souci à se faire toutes les fois où il mettra les pieds dehors. Les exemples d’anciens dirigeants rattrapés par les fantômes de leurs victimes sont tellement légion que malgré le matelas en or qui l’attend dès la fin de son mandat, il pourrait ne pas avoir le sommeil aussi douillet qu’il le pense.

Issa K. Barry

Dernière modification lejeudi, 23 janvier 2020 22:29

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