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Mali : Obsession électorale dans un climat tendu

 

Où est Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition malienne ? Qui l’a enlevé en début d’après-midi le mercredi 25 mars ? Que va faire le gouvernement malien pour le retrouver, lui qui déclare que « toutes les dispositions pratiques sont prises » à cet effet ? Voici quelques-unes des questions qui agitent l’opinion publique malienne, encore sous le choc, après la nouvelle de la disparition du principal challenger d’Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) à la dernière présidentielle. Un enlèvement qui a volé la vedette aux premiers cas de contamination au Covid-19 et au discours présidentiel sur les mesures qui s’imposent pour en limiter la propagation. Il confirme cependant, cet enlèvement, que ces élections législatives dont le premier tour est prévu pour ce 29 mars se tiendront dans un contexte sécuritaire et sanitaire tendu dû à la menace terroriste, aux tensions intercommunautaires, aux antagonismes politiques sans oublier la fronde sociale.

 

 

Devant un tel tableau peu reluisant du climat social, des voix s’étaient élevées pour demander avec insistance le report des élections législatives. Comme pour leur donner raison, à cinq jours du premier tour du scrutin, les 2 premiers cas d’infection au covid-19 étaient détectés à Bamako pendant que le principal opposant à IBK se faisait kidnapper en pleine campagne électorale le jour suivant. Qu’importe ! Le président malien est dans une logique d’obsession électorale. Faisant fi des risques que le déplacement des électeurs soit un terreau de la propagation du coronavirus ou que des groupes terroristes s’en prennent au processus électoral, il a confirmé dans son dernier discours la tenue des législatives aux dates initialement indiquées. Pour IBK, ces échéances électorales découlent des conclusions du dialogue national inclusif, et le gouvernement ne saurait y déroger sans courir le risque de mettre le Parlement malien en défaut de légitimité. En effet, élue en 2013 pour un mandat de 5 ans, l’Assemblée nationale devrait être renouvelée depuis 2018, mais l’élection des députés a été repoussée  à plusieurs reprises. Or la prorogation exceptionnelle de leur mandat arrive à expiration le 2 mai prochain. Voilà qui fait courir IBK et son gouvernement pour éviter à l’Assemblée nationale qu’on lui reproche un manque de légitimité.

 

Cette obsession électorale d’IBK fait dire que pour le locataire du palais de Koulouba, l’urgence démocratique l’emporte sur les urgences sanitaire et sécuritaire. Va donc pour le renouvellement du mandat des députés, mais gare aux lendemains amers d’une exposition des populations maliennes au Covid-19 ! Car on veut bien croire que les organisateurs du scrutin mettront un point d’honneur à respecter et à faire respecter les consignes sanitaires qui s’imposent en la circonstance. Mais avec quelle chance de succès quand on connaît l’analphabétisme, l’incivisme et le dilettantisme en vogue sous nos tropiques ? Et sur le plan sécuritaire, l’enlèvement d’une personnalité de la trempe de Soumaïla Cissé n’est-il pas un avertissement que les groupes terroristes peuvent gravement perturber ces élections, notamment dans la région nord du pays ?

 

Inquiet sans être fataliste, on croise les doigts pour que, sur le plan sanitaire, le Mali n’emboîte pas le pas à la France qui a été bien obligée de reporter le second tour des élections municipales à cause de la progression fulgurante de la pandémie du Covid-19 ; et que sur le plan sécuritaire, l’opposant Soumaïla Cissé soit retrouvé sain et sauf, signe que le Mali, en particulier sa partie septentrionale, n’est pas un no man’s land soumis aux desiderata de pseudo djihadistes, en réalité des brigands qui se nourrissent de rapines, entre autres forfaitures.

 

 

Zéphirin Kpoda

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