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Fin du franc CFA : Le tout n’est pas de battre monnaie

 

C’est assurément un  nouveau pas qui vient d’être franchi vers la décolonisation monétaire de la zone Franc. Mercredi 20 mai 2020 en effet, le gouvernement français a adopté un projet de loi entérinant la fin du Franc des colonies françaises d’Afrique (CFA), créé par décret le 25 décembre 1945 par le gouvernement provisoire de la République française sous l’impulsion de René Pleven ; mais qui, 60 années après nos indépendances formelles, a toujours cours en Afrique occidentale et centrale.

 

Cette décision fait suite à l’annonce, le 21 décembre 2019 à Abidjan, par le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara et son homologue français, Emmanuel Macron, de la création d’une nouvelle monnaie, l’Eco, en réponse à ce qui sonnait comme un anachronisme et un vestige de la période coloniale, de l’aveu même du locataire de l’Elysée.

 

Principaux axes de cette révolution monétaire, le changement de nom, l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change au Trésor français, le retrait des représentants français des instances monétaires ouest-africaines, en l’occurrence la BCEAO, et la fermeture du compte d’opération auprès du Trésor français. Néanmoins, l’Hexagone continuera de protéger la nouvelle monnaie en maintenant notamment la parité fixe entre l’Eco et l’Euro, même si cette disposition est susceptible d’évolution.

 

A-t-on simplement fait du neuf avec du vieux en créant un CFA-bis ainsi que le brocardent déjà ceux qui veulent couper radicalement cette relation ombilicale franco-africaine ? Quoi qu’il en soit, c’est une étape supplémentaire dans la bonne direction qui vient d’être franchie à Paris. Mais il faudrait bien plus pour que ce projet, mûri depuis de nombreuses années dans des salons feutrés, se matérialise véritablement. Ce n’est donc pas demain que les acteurs économiques de la zone concernée tiendront le fameux Eco dans leurs mains. Il faudra sans doute attendre encore des mois, voire des années, pour y parvenir.

 

Pour le moment d’ailleurs, cette décolonisation monétaire ne concerne que l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale restant pour l’instant en marge de la marche entamée sur les bords de la lagune Ebrié. Et que dire de l’adhésion des pays anglophones, tels le Nigeria ou le Ghana, engagés dans la réflexion pour la création d’une monnaie unique dans la zone CEDEAO, mais qui semblent pour le moment peu pressés d’embarquer dans le train de l’Eco, en tous cas dans sa forme actuelle ?

 

Pour tout dire, il reste encore du chemin et des obstacles à franchir pour chanter définitivement le requiem de notre clou néocolonialiste qu’on ne peut du reste pas échanger en France, comble de paradoxe, alors même qu’il est fabriqué à Chamalières dans le Puy-de-Dôme et qu’il est garanti par le Trésor français. En attendant, on aurait tort, au-delà des considérations politiques et idéologiques de l’opération, de penser qu’il suffit de battre monnaie pour que nos pays décollent à la vitesse d’une fusée. Non seulement la gestion d’une devise est particulièrement délicate et sensible, qu’elle s’appelle CFA, Eco, Cauris ou l’on ne sait quoi mais elle doit être sous-tendue par des économies fortes et prospères afin que ce qu’on pense être la recette miracle ne se transforme en mirage et en désillusion.

 

 

 

Issa K. Barry

 

Dernière modification lelundi, 25 mai 2020 19:15

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