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Massacre de civils en RCA: 3R comme dans terreur

Ils sont arrivés en prétextant vouloir tenir une réunion avec les habitants de Koundjili Djoumjoum dans le nord- ouest de la Centrafrique à quelques encablures de la frontière tchadienne ; et une fois les villageois réunis, ils leur ont tiré dessus à l’aveuglette, faisant ici 12 morts et là 14 sans compter les nombreux blessés. Un massacre de sang-froid donc, une véritable boucherie perpétrée le mardi 22 mai par le groupe armé dit des 3R (retour - réclamation -  réconciliation).

L’accord de paix signé le 6 février à Khartoum entre le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés n’aura donc tenu que trois mois ; il faut dire qu’ils étaient nombreux les sceptiques après l’accord paraphé dans la capitales soudanaise avant d’être signé à Bangui. Une méfiance nourrie par le fait qu’avant le 6 février 2019, sept autres compromis ont jalonné l’histoire récente du pays. Et invariablement ils ont connu le même sort. Alors par quel prodige le dernier en date aurait-il pu constituer l’exception dans ce vaste pays tourmenté dont les 80% du territoire sont contrôlés par des miliciens qui, au demeurant, ne semblaient pas tenus par les engagements pris par leurs chefs ? C’est peut-être d’ailleurs ce qui explique les exécutions sommaires de mardi dernier, puisque le chef des 3R, Bi Sidi Souleymane, alias Sidiki, a été nommé le 25 mars conseiller spécial militaire auprès du chef du gouvernement chargé de la mise en place des unités mixtes, composées d’éléments des forces armées centrafricaines et d’ex-miliciens. Il faut croire qu’ayant été propulsé au sommet de l’Etat, l’ex-chef rebelle ne contrôle plus vraiment ses hommes, à moins qu’il ne s’adonne à un double jeu aux conséquences catastrophique. En tout cas les autorités centrafricaines ne sont pas passées par quatre chemins pour exiger justice. « Le gouvernement s’associe à la Minusca pour exiger de monsieur Sidiki l’arrestation et la remise des auteurs de ces massacres aux autorités dans les 72 heures sous peine d’en être tenu personnellement responsable et de répondre de ces actes. Le même délai est donné au mouvement 3R pour démanteler ses bases et barrières illégales faute de quoi la Minusca et le gouvernement prendront les mesures qui s’imposent », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Ange-Maxime Kazagui.

Reste à savoir ce que Faustin Archange Touadéra compte bien faire à l’issue de cet ultimatum, lui qui règne sur une portion congrue de son pays. En tout cas avec ce coup de canif ou plutôt cette décharge de chevrotine dans le contrat de Khartoum et la lame de fond communautaire qui pourrait l’expliquer, puisque les 3R prétendent défendre les Peuls, on s’achemine vers une affreuse déchirure programmée du précieux parchemin péniblement acquis après deux ans d’interminables tractations. Mais la vérité est que certains des protagonistes de ce drame sont tellement habitués à cette guerre de rapine qu’il leur est difficile de se reconvertir en remisant leurs armes au placard pour entamer une nouvelle vie d’honnêtes hommes.

 

H. Marie Ouédraogo

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Sylvestre Ilunga Ilukamba, nouveau PM RDC : Un dinosaure pour incarner le renouveau

Ça devait être exclusivement la journée de Moïse Katumbi après trois ans d’exil forcé : l’ancien gouverneur du Katanga est en effet rentré triomphalement hier dans son fief de Lubumbashi où l’attendait une immense foule en délire, tant et si bien que son cortège aurait mis pas moins de cinq heures de l’aéroport à sa résidence.

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G5 Sahel: Frau Merkel s'en va-t-en guerre

C’est un ange qui est venu à Ouagadougou pour tenir un conseil de guerre. La chancelière Angela Merkel est en effet arrivée hier dans l’après-midi à l’aéroport international de Ouagadougou pour une rencontre bilatérale entre la République Fédérale d’Allemagne et le Burkina Faso, suivie dans la foulée d’un sommet extraordinaire avec les chefs d’Etat membres du G5 Sahel. C’est la première visite d’un chancelier, depuis le début des relations diplomatiques entre l’Allemagne et la Haute Volta en 1961.

Après Ouagadougou, Frau Merkel se rendra au Mali, notamment à Gao, pour rencontrer les soldats de la Bundeswehr en poste dans le cadre de la Mission de maintien de la paix des Nations unies (Minusma). Elle achèvera sa tournée sahélienne par Niamey au Niger où elle visitera l’EUCAP, la mission de l’Union européenne chargée de former les forces de sécurité nigériennes, à laquelle l’Allemagne est partie prenante aux côtés de 11 autres pays du vieux continent.

C’est donc une tournée au pas de charge frappée du sceau sécuritaire qu’Angela Merkel effectue pour « exprimer l’engagement de l’Allemagne en faveur de la stabilité et de la coopération pour le développement dans la région et pour soutenir la lutte de ces pays contre l’extrémisme ». Et cela, alors que la force commune aux cinq pays de la ligne de front peine à prendre corps sur le terrain, engluée qu’elle est dans d’inextricables difficultés, notamment pécuniaires. Le nerf de la guerre manque, malgré les nombreuses promesses faites tambour battant par les pays européens et bien d’autres partenaires comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine et les monarchies du Golfe. Des engagements que la table ronde des bailleurs de fonds tenue à Bruxelles en février 2018 a largement suscités, mais qui hélas ne seront pas toujours suivis d’effets. Tant et si bien qu’avec un besoin de financement chiffré à plus de 420 millions d’euros pour le lancement de ses opérations, la force conjointe, de quelque 5000 hommes, est aujourd’hui une armure vide sans existence réelle sur le théâtre des opérations.

Du coup, on en vient à se demander, au-delà des habituels vœux pieux et des déclarations d’intentions des dirigeants, à quoi pourra bien servir le conclave de Kosyam dont le locataire assure depuis février dernier la présidence en exercice du G5 Sahel. A dire vrai, on redoute qu’il ne s’agisse que d’une rencontre de plus alors que la machine, qui toussote depuis maintenant trois années, a besoin de carburant pour avancer. Et elle en a d’autant plus que jamais besoin que la situation s’est particulièrement détériorée dans certains pays comme le Mali et le Burkina où aux actes terroristes habituels se sont greffées des violences intercommunautaires qui ont fait des centaines de morts.

Alors, il faudra bien plus que le séjour de la femme la plus puissante d’Europe pour redonner espoir à des populations qui semblent livrées à elles-mêmes et qui se demandent si cette force censée les protéger existe vraiment.

 

H. Marie Ouédraogo

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Nouveau gouvernement congolais: Une si longue gestation

L’Assemblée nationale congolaise a un nouveau président, ou plutôt une présidente. Presque 4 mois après les élections générales du 30 décembre 2018, Jeanine Mabunda, qui fut conseillère de l’ancien président Joseph Kabila dans la lutte contre les violences sexuelles, a en effet été hissée hier au perchoir. Sans surprise, puisqu’elle était l’unique candidate en lice, l’indépendant Henry Thomas Lokondo ayant finalement renoncé après l’invalidation de sa candidature. L’Assemblée nationale, dominée par le Front commun pour le Congo, coalition de l’ex-majorité présidentielle, est désormais en ordre de marche.

Et si du côté du pouvoir législatif les choses bougent dans le bon sens, l’exécutif pour le moment se résume à un « one man band » en la personne de Félix Tshisekedi, puisqu’un trimestre après son investiture il n’a toujours pas de premier ministre et donc pas de gouvernement. Une situation qui plombe les activités aussi bien étatiques que privées, mais qui ne surprend guère.

Elle est en effet la conséquence logique de la compromission qui a porté le leader de l’UDPS au pouvoir. Le fils du Sphinx de Limete, on ne le sait que trop, n’a pas vraiment été élu démocratiquement, mais plutôt nommé, si l’on ose dire, par son prédécesseur qui a préféré de loin cet opposant accommodant à Martin Fayulu, président de l’Engagement pour la Citoyenneté et le Développement et porte- drapeau de la coalition Lamuka, « réveille-toi » en lingala. Véritable vainqueur de cette présidentielle, il a été floué et sacrifié sur l’autel de ce que d’aucuns ont appelé « la première alternance démocratique et pacifique du pays ». Ainsi, ce sont « ces petits arrangements à l’africaine », pour reprendre la méchante et condescendante expression de Jean-Yves Le Drian, qui a conduit Félix Tshisekedi là où il se trouve actuellement. Un président sans véritable assise qui pédale dans le vide, flottant dans un costume visiblement trop grand pour lui, le vrai pouvoir étant détenu par celui qui a réussi le tour de force de partir tout en restant.

Avec une majorité FCC écrasante dans les deux chambres du Parlement, le successeur de Kabila se trouve dans un scénario de cohabitation avec l’ancienne majorité présidentielle. C’est donc dans les rangs de cette opposition forte qu’il devrait choisir son premier ministre. Un poste qu’il avait pourtant promis à son ami Vital Kamerhe au moment de leur défection. On se souvient qu’à peine 24 heures après la désignation à Genève de Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition à la présidentielle, ces deux figures de la politique congolaise avaient tourné casaque, préférant jouer leur propre carte. Et voici aujourd’hui les deux alliés bien embêtés pour avoir pactisé avec le diable que jadis ils combattaient.

Floué par ses anciens camarades de lutte, le candidat malheureux à la présidentielle du 30 décembre dernier, dans une interview accordée le 22 avril à la BBC, prédit quant à lui que « Tshisekedi et Kabila vont continuer à danser et chercher la balance pour diriger ce pays sans vision ». Un pilotage à vue qui en tout cas ne présage rien de bon.

 

H. Marie Ouédraogo

 

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El Béchir à la prison de Kober: La distance entre Khartoum et La Haye se réduit

« Il y a loin de Khartoum à la Haye ». Ainsi avions-nous titré notre éditorial du 5 mars 2009, après le lancement par la CPI de deux mandats d’arrêt internationaux contre Omar El Béchir, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient fait plus de 300 000 morts notamment au Darfour. Il entrait ainsi dans l’histoire, si l’on peut dire, en tant que premier chef d’Etat en exercice à « avoir le glaive de la justice internationale sous la gorge ». Pour autant, l’homme fort de Khartoum n’avait pas à s’en inquiéter outre mesure puisqu’il continuait de voyager, soutenu par l’Union africaine et de nombreux autres Etats qui ont toujours instruit un procès en suspicion légitime contre la Cour pénale internationale. Dix ans après l’émission de ces mandats d’arrêt, on a bien peur que la distance entre la capitale soudanaise et La Haye se soit dramatiquement réduite pour celui qui avait sans doute mérité l’horrible sobriquet de « boucher du Darfour ».

D’abord gardé en résidence surveillée depuis sa destitution par l’armée le 11 avril dernier, il est depuis ce mardi le prestigieux pensionnaire de la célèbre prison de Kober.  Sans doute que même dans ses cauchemars les plus traumatisants n’avait-il pas imaginé devoir un jour emménager dans l’une des cellules de ce bagne où les prisonniers politiques dorment à même le sol et sous la menace permanente de matons pour qui le respect des droits de l’homme est le cadet des soucis.

Certes, le nouveau pensionnaire de Kober a peu de chances d’être soumis au même régime stalinien que ses codétenus, mais le symbole est fort et il a quand même du souci à se faire. En effet, en l’expédiant dans ce goulag soudanais, les militaires qui dirigent pour le moment le pays ne sont pas loin de lui signifier que les portes de l’enfer sont en train de s’ouvrir pour lui. Surtout que ce durcissement du régime carcéral  s’accompagne d’un changement de ton, car après avoir exclu l’éventualité de livrer le président déchu à la justice internationale, le conseil militaire laisse entendre que cette décision importante sera prise par le prochain gouvernement.

Autant dire que son sort est presque scellé et que l’épée de Fatou Bensouda, qui pendait depuis une décennie dans le vide, se rapproche dangereusement de sa tête. Et si c’est un nouveau pouvoir civil qui doit désormais en décider, on ne voit pas pourquoi ceux que la main de fer d’Omar El Béchir a martyrisés pendant 30 ans se priveraient, une fois au pouvoir, de lui faire goûter aux délices de la justice internationale.

En réalité on comprend pourquoi ses frères d’armes ne veulent pas se risquer à envoyer l’ancien chef d’Etat à la prison de Scheveningen puisque tous, et à des degrés divers,  pourraient être aussi comptables de l’effroyable bilan de la présidence El Béchir en matière de droits de l’homme.

 

H. Marie Ouédraogo

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Présidentielle algérienne: Le tout n’est pas de fixer une date

Ce sera donc le 4 juillet. Ainsi en a décidé la présidence intérimaire algérienne qui a fixé l’élection présidentielle à cette date.

Initialement prévu pour le 18 avril, le scrutin devait permettre au président Abdelaziz Bouteflika - 82 ans dont 20 passés au pouvoir et 6 en fauteuil roulant pour cause d’AVC - de s’offrir un cinquième mandat. On sait depuis, ce qu’il est advenu de cette ambition déraisonnable. Contraint et forcé d’abord par la rue puis par l’armée, l’ex-locataire du palais d’El Mouradia avait tour à tour renoncé au mandat de la discorde, reporté sine die la tenue de l’élection avant de rendre tout simplement le tablier pour céder la place à Abdelkader Bensalah, ci-devant président du Conseil de la nation pour un intérim de 90 jours au cours desquels la course à la magistrature suprême aura lieu. C’est donc pour tenir ce délai que la nouvelle date a été fixée, puisque l’interrègne s’achève à la fin de la première décade de juillet… si elle se tient !

Les manifestants, qui sont parvenus à chasser Bouteflika n’entendent pas, on le sait, que la transition soit dirigée par les éminences grises du régime qu’ils ne veulent plus voir même en peinture. Et ils l’ont fait savoir tout de suite à l’indésirable intérimaire. Le tout n’est donc pas de fixer une date pour le scrutin, il suffit d’avoir un calendrier sous les yeux. Reste à savoir, la rue ne voulant pas entendre parler de Bensalah et de ses semblables, qui va organiser cette présidentielle de la discorde et dans quelles conditions.

La sincérité d’une élection commençant par un fichier vertueux et des textes électoraux équitables, les indispensables réformes politiques et institutionnelles pourront-elles se faire en moins de 3 mois ?

Autre problème : si de guerre lasse le vieux moudjahid a dû jeter l’éponge, le système qu’il a généré, lui, est toujours là et bien en place. Et si à la manœuvre ce sont les mêmes qui invariablement lui octroyaient des scores soviétiques, les Algériens  risquent fort de se rendre compte que la jacquerie du 22 février n’aurait strictement servi à rien. Car il ne serait pas étonnant qu’à l’issue de ces 90 jours de transition, le FLN, chassé par la rue, revienne le plus démocratiquement du monde et par la voie royale des urnes.

Surtout que le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major, vice-ministre de la Défense et véritable homme fort du pays, dans une nouvelle sortie, a demandé à ses compatriotes qui veulent coûte que coûte dessoucher toute la nomenklatura de faire preuve de patience. Il a par ailleurs déploré « l’apparition de tentatives de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays ». Pour le chef de l’armée populaire, ces mains extérieures « ont poussé certains individus au-devant de la scène en les imposant comme représentants du peuple en vue de conduire la phase de transition ». Qui tousse du côté de Paris ?

 

H. Marie Ouédraogo

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