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Dialogue intertogolais : Un pamphlet épiscopal en guise de préambule

 

On aurait cru revoir Nikita Khrouchtchev le 12 octobre 1960 lors de la 15e session de l’assemblée générale de l’ONU, durant laquelle le dirigeant soviétique avait créé la surprise en pleine session en ôtant sa chaussure pour taper rageusement le talon sur la table. C’est en effet un Monseigneur Philippe Fanoko Kpodzro, archevêque émérite de Lomé, visiblement survolté qui s’est acharné sur sa table au cours de son intervention le mercredi 14 février 2018. Sauf qu’à la différence de celui qui fut jadis le locataire du Kremlin, lui s’est contenté de ses mains.

 

Mais il faut reconnaître que le bruit de ses coups de poing sur le meuble en disait long sur l’intensité de la colère qu’il semblait avoir longtemps contenue. Inédit au Togo. Ce n’est pas tous les jours, en effet, que l’on entend ce prélat, qui a dirigé le Parlement de la Transition pendant la conférence nationale souveraine, s’exprimer sur la situation politique de son pays ; notamment depuis que la crise s’est nouée il y a 6 mois de cela avec son lot de marches et manifestations dont la répression, parfois violente, a causé des pertes en vies humaines.

 

C’est un sévère réquisitoire de 27 pages que l’homme d’Eglise a martelé à l’encontre du pouvoir et de la gestion du pays depuis les années 90 en demandant à la classe politique togolaise de ne plus commettre les mêmes erreurs, avant de se déclarer favorable à la réhabilitation de la Constitution de 1992 et au départ de Faure Gnassingbé à la fin de son mandat actuel. « J'appuie tous ceux qui demandent qu'il s'en aille. Il ne doit plus renouveler son mandat. Je ne dis pas qu'il doit quitter aujourd'hui. Non ! Qu'on le laisse finir le mandat en cours. Mais en 2020, non ! L’entêtement à ne pas quitter le pouvoir, c’est diabolique. »

 

On aurait cru entendre le Congolais Mgr Monsengwo ou Jean-Pierre Fabre, le chef de file de l’opposition togolaise, qui a reçu ainsi un soutien de poids, pour ne pas dire divin, à la veille de l’ouverture, prévue hier jeudi, du dialogue intertogolais. Des pourparlers facilités par le Ghana et la Guinée qui n’entreront pas de sitôt dans le vif du sujet, car pour l’heure, c’est un comité préparatoire qui est à l’œuvre pour aplanir le chemin de la réconciliation : en effet, comme préalable, les contempteurs du chef de l’Etat exigent la libération des personnes interpellées pendant les manifestations de ces 6 derniers mois et celles détenues dans le cadre de l’incendie des marchés de Lomé et de Kara.

 

Mais quand bien même ces conditions préalables seraient remplies, on se demande comment les points de vue pourraient se rapprocher : ainsi, par quel miracle l’opposition, qui réclame mutatis mutandis ce que Mgr Fanoko Kpodzro vient lui aussi d’exiger, et la majorité présidentielle, qui pour départager les Togolais tient dur comme fer à son idée de référendum, pourraient-elles trouver un terrain d’entente ?

 

Pour tout dire, on voit mal comment ce dialogue, qui n’a pour seul mérite que d’exister, pourrait parvenir à faire bouger des lignes décidément figées.

 

 

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification ledimanche, 18 février 2018 19:46

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