Liberté provisoire pour Bemba : Allô Kinshasa, ici La Haye
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Les astres doivent être particulièrement bien alignés ces jours-ci pour Jean-Pierre Bemba. En l’espace de cinq jours, il sera en effet parvenu à se défaire de l’étau judiciaire de la Cour pénale internationale dans lequel il est pris voilà maintenant une dizaine d’années.
Hier mardi 12 juin 2018, la Chambre de première instance de la CPI a en effet ordonné la mise en liberté provisoire de l’ancien rebelle congolais. A condition, prévient-elle, «de s’abstenir de faire des déclarations publiques sur cette affaire, de ne pas changer d’adresse sans préavis, de ne contacter aucun témoin, de se conformer pleinement à toutes les ordonnances et de se rendre immédiatement aux autorités compétentes si la Chambre de première instance l’exigeait». Sans doute que même dans ses rêves les plus fous, il ne pouvait imaginer pareille accélération de l’histoire il y a encore une semaine. Et pourtant !
Le vendredi 8 juin 2018, un peu contre toute attente, le patron du Mouvement de libération du Congo (MLC) avait été acquitté par la Chambre d’appel de la CPI qui avait relevé un certain nombre d’erreurs et d’irrégularités ayant entaché le jugement en première instance à l’issue duquel l’accusé avait écopé en 2016 de dix-huit ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Il trinquait ainsi pour les exactions (massacres, pillages, viols) commises entre 2002 et 2003 en Centrafrique par ses troupes qui avaient volé au secours de son ami Ange-Félix Patassé et qui se transformeront en vrais soudards se payant sur la bête. C’est d’ailleurs à la demande de l’Etat centrafricain que la juridiction internationale a été saisie du dossier en 2005. Arrêté en mai 2008 en Belgique en vertu d’un mandat d’arrêt international, il croupit depuis dix ans dans les geôles de Scheveningen.
Mais s’il avait été relaxé au finish vendredi dernier, dans ce dossier à tiroir restait pendant cependant celui sur la subornation de 14 témoins, charge pour laquelle il avait pris un an assorti d’une amende de trois cent cinquante mille dollars fin mars 2017. Un jugement suspendu à l’appel programmé pour le 4 juillet prochain, dans trois petites semaines donc. Mais quand bien même le fils de Jeannot Saolona Bemba écoperait de la peine maximale de cinq ans dans cette histoire de faux témoignages, elle serait presque couverte à 90% par la détention préventive puisqu’il ne lui resterait tout au plus que quatre mois à purger. Il aperçoit donc enfin le bout du long tunnel judiciaire.
C’est sans doute cela, ajouté au fait qu’il ne risque pas de fuir ou d’entraver l’administration de la justice, qui a dû emporter la décision des juges, lesquels ont estimé disproportionné de maintenir le prisonnier dans les liens de la détention pour s’assurer de sa présence au délibéré de l’appel. Au grand dam des victimes ou de leurs ayants droit ainsi que de la Procureure Fatou Bensouda qui avale couleuvre sur couleuvre au point de risquer l’indigestion judiciaire, les sentences de ces derniers jours sonnant comme autant de désaveux pour elle et son équipe dont on a souvent critiqué les méthodes et l’approximation dans la conduite des affaires.
On peut donc sortir libre de la CPI, en témoignent ces rebondissements spectaculaires, et l’ancien milicien devrait bientôt humer l’air frais de la liberté retrouvée. Reste à savoir où ? Probablement en Belgique où il vivait déjà avant son arrestation, et où réside sa famille, en tout cas dans un premier temps, comme il en a du reste émis le souhait.
Avec ces verdicts politiquement opportuns, comme si le calendrier judiciaire voulait se synchroniser avec l’agenda électoral à quelque six mois des élections générales congolaises censées mettre un terme à la crise ouverte par la fin du mandat de Joseph Kabila Kabengué, se pose plus que jamais la question de l’avenir partisan de ce mastodonte que ses militants voient déjà porter leurs couleurs à la présidentielle du 23 décembre. Mais non seulement les délais sont trop serrés mais pour quelqu’un qui, à 56 ans, a été séparé des siens depuis une bonne décennie, on se demande si sa priorité ne sera pas de rattraper le temps perdu avec ses proches et de raccommoder un tissu familial qui a pu être mis à mal par sa longue absence. Il n’est de ce fait pas évident qu’il ait vraiment envie de se jeter de nouveau et tout de suite dans l’impitoyable arène politique congolaise. Sans oublier qu’on peut compter sur petit Kabila pour lui réserver une agréable surprise au cas où il s’aviserait de venir danser du ndombolo ou du bachégué à Limété ou à Matongué.
Ousséni Ilboudo
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