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Rencontre des chefs d’Etat :Sandaogo et le psychodrame de Kosyam

 

 

 

Ils devaient être cinq, ils n’étaient finalement que deux. Avec trois absents, la rencontre de haut niveau annoncée entre le président Paul-Henri Sandaogo Damiba et les cinq anciens chefs d’Etat toujours en vie s’est finalement réduite en une réunion tripartite entre le locataire actuel de Kosyam, Jean-Baptiste Ouédraogo et Blaise Compaoré.  Avec , dans le rôle de la guest-star, l’ex-enfant terrible de Ziniaré, rentré la veille d’Abidjan où il s’est exilé suite à l’insurrection populaire qui l’a emporté en octobre 2014.  Le retour du « bandit chef » comme l’avait jadis surnommé ATT, exhibé comme un trophée malgré sa petite forme propre à susciter la commisération,  aura finalement été l’événement et l’attraction de ce qui devait être un conclave entre Sandaogo et « le club des Ex » autour des questions touchant à l’intérêt supérieur de la Nation. Pour des raisons évidentes, il remettait en effet les pieds au Faso presque huit ans après avoir été chassé du pouvoir et quelques mois seulement après sa condamnation à  perpétuité dans le dossier Thomas Sankara. Sa venue ne pouvait donc que cristalliser les passions .Pendant que ses partisans jubilaient  ,heureux de retrouver  «le beau Blaise » qui a perdu aujourd’hui de sa splendeur,  nombre de Burkinabè, notamment les ayants droit du défunt président du CNR  militaient, à grand renfort de déclarations , pour qu’il soit arrêté et déféré illico presto à la Maison d’arrêt et de correction des armées pour y purger sa peine . Un souhait qui, on s’en doutait bien, ne pouvait être exaucé dans la mesure où « le revenant » a dû s’entourer de solides précautions pour éviter ce sort, cela d’autant plus que « Kouassi » , ainsi que les bouches fendues au mauvais endroit le surnomment ,  a acquis la nationalité ivoirienne en 2016 pour parer à toute velléité d’extradition. Et Alassane Dramane Ouattara s’est assuré auprès de son homologue burkinabè que son protégé irait et reviendrait sans crainte.

 

 

Arrivé jeudi, Jubal , au grand dam de ses contempteurs qui crient au déni de justice, s’en est retourné samedi , « tranquilos » comme dirait son ancien camarade Simon Compaoré, laissant derrière lui un Burkina plus divisé que jamais. Paradoxalement en effet, alors que les échanges entre le lieutenant-colonel Damiba et « le club des Ex » étaient censés participer à l’indispensable réconciliation nationale, ils auront au contraire  étalé au grand jour combien les lignes de fractures sont encore béantes. On peut déjà se demander si le diplomate de carrière que fut Mba Michel , qui a, il est vrai la santé de son âge, n’a pas néanmoins prétexté une maladie diplomatique en se faisant porter pâle afin « de ne pas s’associer à la mascarade » comme on l’a entendu. On peut aussi se demander si derrière les « problèmes administratifs » qui auraient empêché Zida de quitter le Canada où il s’est  planqué depuis 2016,  il n’ y aurait pas d’autres raisons et si, enfin,  Roch n’a pas orchestré sa propre « prise en otage » par ses partisans lesquels, dès potron minet, ont assiégé son  domicile pour l’empêcher d’aller à Kosyam. Un mélange donc de petites combines et de mauvaise volonté qui a donné les résultats qu’on sait.

 

 

 Au bout du compte, l’exemple de cohésion sociale et de vivre-ensemble qui devait être donné par ceux qui ont exercé la plus haute responsabilité du pays  n’aura pas eu lieu. « Tout ça pour ça » est-on tenté de s’écrier devant ce qui a malheureusement pris l’allure d’un gros flop pour le président de la Transition qui caressait pourtant le secret espoir de réussir un gros coup politique.  C’est raté. Si le but était d’ailleurs de lâcher un ballon d’essai dans l’optique d’un retour définitif du résident de Cocody-Ambassades, il faut craindre qu’on ait compromis une telle éventualité et qu’à l’avenir, Blaise lui-même après ce coup de semonce qui n’annonce rien de bon, renâcle à rentrer.  Il faut bien pourtant un jour (et le plus tôt serait le mieux) solder les comptes, taire les ressentiments, les rancœurs voire les haines recuites qui pourrissent depuis quatre décennies notre vie sociopolitique, surtout que dans cette histoire, les saints des uns sont les diables des autres et on ne fait la paix qu’avec ses ennemis.

 

 

On se demande cependant s’il n’  y a pas eu un peu de précipitation dans cette affaire qui était déjà dans les tuyaux sous Roch mais qui a mis subitement le turbo pour on ne sait trop quelle raison. Au demeurant, que Zida et Roch ne se blairent pas ; que Roch ne veuille pas sentir Damiba tant la blessure du putsch est encore vive ; que JBO , même s’il a sans doute pardonné depuis, en veuille encore un peu à Blaise qui l’a déposé en août-83, nos compatriotes s’en fichent royalement comme de leur première barboteuse. La vraie et la seule réconciliation qui vaille, c’est celle entre les Burkinabè, entre les communautés au moment où certains discours haineux et nauséabonds annonciateurs du pire se font entendre. C’est de cela qu’il s’agit, pas des petits arrangements d’appareils ou de dirigeants qui n’auront aucun impact véritable sur le processus de réconciliation dont ils sont certes un maillon mais certainement pas le plus fort. Si on en doutait encore, on vient d’en avoir la preuve.

 

 

On continue donc de se ruiner en querelles picrocholines, l’âme en paix ;  on « regarde ailleurs pendant que notre maison commune brûle » pour reprendre la formule chiraquienne au sujet du changement climatique. Pendant effectivement que se jouait le psychodrame de Kosyam avec Sandaogo dans le rôle du metteur en scène, les terroristes, eux,  continuent de tuer, de piller, de voler tant l’embellie sécuritaire espérée par certains à l’avènement du MPSR  demeure un mirage.  Une bonne partie du territoire est occupée et quelque deux millions de déplacés internes ont dû fuir leur patelin pour survivre uniquement grâce à l’aide humanitaire. Et les prétendus djihadistes doivent rire sous cape devant ce  spectacle affligeant que nous leur servons. Si ce n’est pas malheureux !       

 

La rédaction

 

Dernière modification lelundi, 11 juillet 2022 23:41

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