Menu

Réconciliation nationale : Une affaire d’Etat et non… de familles

 

La demande officielle de pardon du président Blaise Compaoré, le ­26 juillet 2022, n’a pas produit l’électrochoc national à la hauteur de l’évènement historique qu’elle est. Au contraire, la polémique est repartie de plus belle sur comment réconcilier les Burkinabè. Un débat où  la passion, la subjectivité, les  contrevérités, se le disputent à  l’orgueil, à la rigidité de certains pour les principes, les procédures judiciaires et au nombrilisme politique ou familial.

 

 

Pour le pardon et la réconciliation nationale, il faudra donc repasser. Quand ? Pendant combien de temps encore les générations présentes de Burkinabè vont attendre en vain que les politiciens qui ont pignon sur rue depuis 1982, soit une quarantaine d’années, enterrent la hache de guerre ?

 

Depuis 2001, la réconciliation nationale au Burkina achoppe sur leurs intransigeances  parce que :

 

 

 

-       D’un, il y a un monopole malsain des débats  orientés sur le seul cas Thomas Sankara ;

 

-       De deux , ce crime d’Etat, sous un régime d’exception, devant les juridictions compétentes et surtout dans l’opinion publique, est réduit à un crime de droit commun, une affaire de personne : Blaise Compaoré a fait assassiner Thomas Sankara ;

 

-       De trois, les  enjeux politiques du moment et à venir, la multiplicité des spécialistes de la question ou prétendus tels, rendent impossible une convergence de vues sur la réconciliation nationale.

 

Que faire alors ?

 

 Primo : Nonobstant le caractère particulièrement dramatique de la tuerie du 15 octobre 1987 et le charisme certain du président Sankara, il importe de replacer ce drame dans l’époque d’un Burkina révolutionnaire où la violence en politique était hélas la norme. Elle avait déjà causé la perte de plus d’une dizaine de personnes, les unes plus emblématiques que les autres. Dans ces assassinats avant le 15 octobre 1987, avec tout le respect que nous devons à sa mémoire, le président Sankara n’y a pas joué que le beau rôle.

 

Par ailleurs, une vie étant égale à une vie, la fixation excessive qui est faite sur le cas du président Sankara, avec une veuve et  des avocats inconsolables qui se répandent dans les médias par-ci, par-là, oblitère les objectifs de la réconciliation nationale, les réduisant en une quête de justice pour Thomas Sankara par la punition de Blaise Compaoré. Ce cliché réducteur est  le principal obstacle à ce que les Burkinabè tournent ensemble la page des  sinuosités dramatiques de leur histoire politique.

 

Au-delà du cas Thomas Sankara, de ses 12 compagnons d’infortune, de Norbert Zongo, il faut prendre en considération toutes les autres vies fauchées par la violence en politique notamment, pour citer les plus connues : les colonels  Nézien Badembié, Somé Yorian Gabriel, Tiendrébeogo Didier, les commandants Guébré Fidel, Sawadogo Amadou, Lingani Boukari Jean-Baptiste, le capitaine Zongo Henri.  Ces personnalités n’étaient pas du menu fretin dans l’armée, encore moins les derniers en matière de services rendus à la nation. Les procès expéditifs qui les ont condamnés à la potence, ou l’absence totale de procès doivent être réparés.

 

Secundo : Les  pouvoirs régaliens, constitutionnellement reconnus au premier magistrat du pays peuvent et doivent être mis à profit pour leur réhabilitation post mortem.

 

Qu’on se souvienne que c’est par le ‘’fait du Prince’’ que le président de la Transition, Michel Kafando, avait ordonné la réouverture du dossier judiciaire du président Sankara et de ses 12 compagnons assassinés, allant jusqu’à l’exhumation de leurs restes. Aucune famille d’aucun des 13 suppliciés du 15 octobre 1987 n’avait été consultée. Aucune institution étatique, aucun parti, aucune OSC, n’avait non plus été officiellement consulté, car, estimant qu’il était de l’intérêt supérieur du pays de s’immiscer de plain-pied dans ce dossier judiciaire, le président Kafando l’avait fait, de plein droit. Si aujourd’hui, dans l’intérêt supérieur du pays, un autre président de transition, en son âme et conscience, estime qu’une décision de justice dans ce dossier Thomas Sankara, ne doit pas être exécutée, eh bien, qu’il en soit ainsi. Si le premier magistrat du pays estime que la mémoire de victimes en politique, exécutées sans jugement doit être réhabilitée, qu’il en soit ainsi. Le bénéfice du « fait du prince » ne doit pas être accordé ou rejeté suivant une géométrie variable, selon des intérêts d’avocats ni même à cause de deuils familiaux interminables.   

 

Qui a dit que la nation est au-dessus du droit ? C’est vraiment vrai ! Cette philosophie fonde le droit d’amnistie et justifie la grâce présidentielle prévues dans les Constitutions de tous les pays du monde. Si dans la mise en œuvre du droit d’amnistie, il y a une procédure à suivre, sauf erreur ou omission, cette procédure n’est pas tributaire de l’avis des avocats encore moins de celui des parents des victimes. Cela est encore plus vrai dans la décision d’accorder la grâce présidentielle où seul le pouvoir régalien du président suffit à effacer la peine de n’importe quel condamné. Blaise Compaoré n’est pas n’importe quel condamné. Les grands oubliés de la violence en politique qu’on cite de nouveau : les colonels Nézien Badembié, Somé Yorian Gabriel, Tiendrébeogo Didier, les commandants Guébré Fidel, Amadou Sawadogo, Lingani Boukari Jean-Baptiste, le capitaine Zongo Henri, n’étaient pas des quidams.

 

Tertio :

 

-       Considérant que plus de ­64% des Burkinabè sont en faveur de la réconciliation nationale, selon un sondage réalisé par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) en juin 2022, et que les divergences se situent sur la manière d’y parvenir ;

 

-       Considérant que la majorité des familles des victimes ont fait le deuil de leurs parents et souhaitent tourner la page de la violence en politique ;

 

-       Considérant qu’il serait fastidieux de prendre en considération dans le détail les attentes de certaines individualités dans certaines familles de victimes ;

 

-       Considérant que certaines divergences sur le sujet relèvent  plus d’un calcul politicien de certains acteurs, une minorité de 4%  selon le même sondage du CGD, qui cherche davantage à nuire à des adversaires qu’à construire l’unité nationale ;

 

-       Considérant que depuis 2001 ce sont les mêmes écueils qui handicapent la réconciliation nationale ;

 

-       Considérant les lenteurs, les coûts, le caractère répressif de la justice classique, l’absence d’instruction judiciaire dans plusieurs crimes de sang relevant de la violence en politique ;

 

-       Considérant la volonté d’apaisement, d’humanisme, de pardon qui doit présider le processus de réconciliation nationale ;

 

-       Vu la lettre officielle de demande de pardon du président Blaise Compaoré en date du 26 juillet 2022, ses déclarations antérieures sur le drame du 15 octobre 1987, notamment son discours du 19 octobre 1987, dans lequel il avouait que ‘’l’accélération de l’histoire fait souvent défiler les événements à une allure telle que la maîtrise par l’homme des faits devient impossible, rendant celui-ci artisan de situation non désirée’’ ;

 

-       Vu la situation sécuritaire très préoccupante du pays et l’urgence d’unir les Burkinabè dans un sursaut patriotique pour reconquérir l’intégrité territoriale, la paix et le vivre-ensemble par une transition réussie ;

 

Appelons le président du Faso, à faire de la réconciliation nationale une affaire d’Etat et non plus une affaire de justice entre des individus et des familles ; à impliquer les autorités coutumières et religieuses dans la mise en œuvre de l’agenda de réconciliation nationale. Celles-là, au nom des valeurs des traditions africaines, sauront s’élever au-dessus des considérations partisanes, des ressentiments individuels pour proposer un schéma de réconciliation nationale. Ce schéma, pour des raisons d’Etat,  peut appeler à l’usage des pouvoirs discrétionnaires que confère la Constitution au président du Faso d’accorder la grâce présidentielle à tout condamné.

 

‘’L’heure s’enfuit, fugitive, elle passe comme un oiseau dans les grands cieux, il faut marcher, il faut franchir l’espace, car notre temps est précieux.’’

 

 A bon entendeur…    

 

Dieu sauve le Burkina de la politique politicienne, des égoïsmes familiaux et des projets malveillants des forces du mal !

 

 

 

Djibril Touré

 

Dernière modification lemercredi, 03 août 2022 21:19

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut