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Elections à la tête de l’ANC : Duel serré aux grands enjeux

Qui de Cyril Ramaphosa ou de Nkosazana Dlamini-Zuma pour diriger l’ANC et peut-être l’Afrique du Sud ? A l’heure où nous mettions sous presse, le résultat du vote des congressistes n’était pas encore connu. Il le sera probablement aujourd’hui malgré le retard pris dans les travaux du congrès.

 

Mais disons d’ores et déjà que le pouvoir politique use. A force de le gérer, les hommes les plus armés et les partis les plus solidement implantés finissent par prendre des lézardes. Le Congrès national africain (ANC) vit aujourd’hui cette amère expérience et devra puiser au tréfonds de son histoire emblématique pour ne pas imploser ou, à tout le moins, ne pas perdre la majorité électorale.

Presque un quart de siècle au pouvoir, avec 10 ans d’une présidence sulfureuse de Jacob Zuma, a rendu le parti groggy, frappé à sa tête par la gangrène de la corruption et des luttes intestines. En bon parti de gauche, d’inspiration sociale-démocrate, on aurait attendu de l’ANC une autocritique en bonne et due forme, chacun de ses responsables, de la base au sommet, assumant sa part de responsabilité dans une perspective de reconquête de l’électorat.

Pour cette leçon d’humilité collective du parti de Nelson Mandela, les Sud-Africains attendront, Jacob Zuma, son président sortant, ayant décidé de botter en touche dans le discours introductif du 54e congrès où il n’a pipé mot de ses erreurs, voire de ses fautes personnelles, qui ont contribué à ternir l’image de l’ANC aux yeux de l’opinion.

En affirmant que «l’indiscipline a pris de nouvelles formes récemment avec certains membres qui ont critiqué ouvertement l’autorité de l’organisation et justement, nous devons réaffirmer l’autorité de notre parti sur les individus», Jacob Zuma voudrait voir continuer de prospérer au sein de l’ANC le principe éculé du centralisme démocratique, en vertu duquel la base du parti n’a pas grand-chose à dire de sa conduite ni de la gestion des affaires de l’Etat. Surtout, il se dédouane à peu de frais sur les autres, les « indisciplinés », à propos de l’image plus qu’écornée qu’a désormais l’ANC.

Jacob Zuma s’en est également pris aux milieux d’affaires en affirmant qu’ « on nous a menacés. On nous fait croire que l’ANC explosera et que l’économie s’effondrera si nous n’élisons pas la bonne personne à cette conférence. Si nous ne nous plions pas aux ordres du marché ».

Elire la bonne personne, le mot est lâché et cela nous amène au cœur des enjeux de ce 54e congrès de l’ANC. Premier enjeu : le contrôle de la direction du parti ; deuxième : désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle de 2019 ; troisième enjeu : quelle retraite pour Jacob Zuma ? Trois enjeux intimement liés, qui façonneront l’image de l’une des premières puissances économiques du continent sur les 10 prochaines années.  On comprend mieux qu’au-delà de l’ANC, ce congrès intéresse et capte l’attention de plus d’un observateur, désireux de voir où va l’Afrique du Sud un quart de siècle après l’apartheid. On comprend mieux aussi ces rivalités corrosives de l’unité du parti qui font rage depuis la mi-octobre où la campagne de désignation des délégués au congrès a été ouverte.

Des sept candidats au départ à la succession de Jacob Zuma, la compétition a vite tourné en duel entre Cyril Ramaphosa et Nkosazana Dlamini-Zuma. La cristallisation de la compétition autour de ces deux personnalités s’explique par leur background politique au sein de l’ANC et sur la scène politique du pays mais surtout par la ligne de démarcation tracée petit à petit entre réformistes et conformistes : les premiers se sont regroupés autour de Cyril Ramaphosa pour porter la contradiction aux seconds, qui soutiennent Nkosazana Dlamini-Zuma, dont le mentor n’est autre que le président sortant. Accusés d’être des conservateurs, partisans de la stagnation dans l’héritage délétère de Jacob Zuma, ils s’en défendent, annonçant dans leur programme une transformation radicale de l’économie en faveur de la majorité noire. « Démagogie et gauchisme », leur rétorquent les partisans de Cyril Ramaphosa, qui préfèrent la trilogie stabilisation, réforme et relance de l’économie proposée par ce dernier.

Qui des deux candidats les plus en vue à la présidence de l’ANC et de l’Afrique du Sud pour briser la continuité faite d’impunité pour Jacob Zuma qui a été l’objet de pas moins de quatre motions de destitution pour corruption et violation de la Constitution ? En tout cas, les investisseurs étrangers et les milieux d’affaires sud-africains ont une nette préférence pour Cyril  Ramaphosa qui, selon un sondage réalisé par un institut indépendant du pays, arrive au congrès avec un avantage de 65% des intentions de vote des délégués contre 30% pour Dlamini-Zuma.

Une autre source, proche du parti, estime que 1800 délégués sur les quelque 4750 finalement retenus pour le vote seraient favorables à Ramaphosa contre 1300 à sa rivale. Ce léger avantage du candidat Ramaphosa  a été conforté par un soutien politique de taille, celui de la présidente du Parlement, Baleka Mbete. Cela suffira-t-il à sa victoire finale ? Les observateurs, jusqu’à hier soir, gardaient une prudence mesurée tant le processus électoral au sein de l’ANC est complexe et susceptible de recours judiciaires.

Quoi qu’il en soit, l’ANC est à la croisée des chemins et la démocratie sud-africaine avec. Entre la rupture, les réformes, la relance du parti, de l’économie du pays et la poursuite de la gouvernance sulfureuse, arrogante sans grande redevabilité inspirée par Jacob Zuma, il doit faire le bon choix. Ce bon choix s’accommode mal du parapluie de la succession dynastique que le président sortant voudrait s’aménager. Même s’il s’en défend, il ne convainc pas grand monde que son ex-épouse, qui a eu la bonne idée de garder son nom, n’est pas son cheval de Troie pour continuer de parasiter l’appareil d’Etat et lui offrir une retraite tranquille.

Nous l’avions déjà écrit, le pays de Nelson Mandela mérite mieux que ces avatars de républiques bananières, où l’épouse cornaquée par l’époux peut prétendre à lui succéder. Gageons que les congressistes de l’ANC feront honneur à tous les démocrates d’ici et d’ailleurs et surtout à l’image de combattants intègres de la liberté et du progrès des icônes de la lutte antiapartheid comme Nelson Mandela, Oliver Tambo, Stève Biko, etc., pour renvoyer Jacob Zuma et sa chère filleule  à leurs études politiques. On attend de voir.

 

La Rédaction

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