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Grève SYNTSHA : 96 heures pour obliger le gouvernement à honorer l’ordonnance

 

Les professionnels du secteur de la santé observent depuis hier mardi 21 mai 2019 un arrêt de travail de 96 heures à l’appel du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA). Une sortie sur le terrain a permis de prendre la température de certaines formations sanitaires ici et là. Du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Kienfangué au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bogodogo en passant par l’unité de soins de Bassem-Yam, entre autres, c’est un constat bien cinglant.

 

 

 

 

Le mot d’ordre de grève du SYNTSHA est effectif. Ainsi, du 21 au 25 mai 2019, sur toute l’étendue du territoire national, les agents de la santé cessent toute activité. Ce mouvement d’humeur se poursuivra du 25 au 3 juin prochains avec un boycott des gardes et des permanences. L’objectif poursuivi est la satisfaction de leurs revendications exprimées dans une plate-forme et qui portent essentiellement sur le respect concret du protocole d’accord gouvernement/SYNTSHA du 13 mars 2017, notamment : la prise de mesures diligentes pour le fonctionnement optimum des formations sanitaires et vétérinaires du pays et la transparence dans la gestion, le relèvement des plateaux techniques (infrastructures, équipements fonctionnels, médicaments et personnel en qualité et en quantité), le paiement en fin mai 2019 des salaires et indemnités dus aux travailleurs au terme de la loi 057-2017/AN portant statut de la Fonction publique hospitalière en respectant la date d’effet du 1er janvier 2018…

 

Le mouvement, selon certaines indiscrétions enregistrées en début de matinée du premier jour de débrayage, était bien suivi. Nous avons constaté l’effet de la grève au CSPS de Kienfangué situé dans le district sanitaire de Boulmiougou, à la sortie sud-ouest de la capitale. Le patelin en cette journée était bien animé et les populations vaquaient tranquillement à leurs activités quotidiennes. Ce n’est cependant pas le cas au centre de soins où, autour de 11h, les portes de la maternité et du dispensaire étaient désespérément closes. Pas d’interlocuteurs en dehors du jeune Rachid Ouédraogo et de ses camarades, des habitants de la localité rencontrés en chemin. Ils ne sont pas au courant de la grève, mais soutiennent qu’en pareilles circonstances, ils ne peuvent que recourir à l’automédication en cas de bobos, en attendant une éventuelle décantation de la situation.

 

Au CSPS de Bassem-yam, à quelques encablures de Kienfangué, les choses ne sont guère meilleures. Dans l’enceinte de ce grand centre censé accueillir beaucoup de patients, une seule âme. Il s’agit du gardien des lieux, Paul Dipama, qui luttait énergiquement pour faire démarrer sa motocyclette, rétive. Selon cet interlocuteur visiblement impatient de rejoindre une destination insoupçonnée loin de son poste, seulement deux parturientes ont donné naissance à des mômes au petit matin. Ne présentant pas de complications postpartum, elles ont toutes été libérées par les sages-femmes qui étaient de garde. Celles-ci, après leur service, sont parties et leurs remplaçantes, jusqu’en fin de matinée, n’avaient pas encore rejoint leur lieu de travail. Inutile dans ce cas de parler de service minimum. Des malades, à en croire le vigile Dipama, arrivaient à compte-gouttes, mais faute d’agents pour les prendre en charge, ils s’en retournaient déconcertés. Pour éviter d’essuyer la colère de certains d’entre eux, Paul Dipama n’a pas hésité à se cacher dans un coin du vaste domaine.

 

 

 

« Le gouvernement ne joue pas son rôle »

 

 

 

Autres lieux, autres réalités : au CHU de Bogodogo, l’ambiance n’est pas très particulière. Les gens y circulaient comme en situation normale, sauf que beaucoup de services ne fonctionnaient pas. Des hommes et femmes en blouse sont  présents, pour la plupart des stagiaires internes. Sont de ceux-là Aimé Parfait Yaro, Sadia Zagré et Arafat Yabré. Pour ces étudiants, parlant de la grève décidée par le SYNTSHA, il fallait faire prévaloir le dialogue. A l’issue de ce dialogue, si un point est arrêté, alors, que chacun respecte la parole donnée.

 

La grève, selon ces étudiants en médecine, n’a pas surpris les autorités : « Les autorités en ont été prévenues très tôt ». Les agents de santé, disent-ils, leur ont demandé de trouver une solution à leurs revendications. Le gouvernement a fait la sourde oreille. Cette façon de procéder de l’exécutif, selon les stagiaires, risque de mettre la population en conflit avec les agents de santé. A les entendre, c’est comme si les professionnels de santé ne sont pas là pour le travail. Pourtant, ce n’est pas le cas. C’est le gouvernement qui ne joue pas son rôle. Pour Arafat Yabré, la population doit être derrière les agents de santé. Son condisciple, Aimé Parfait Yaro, pense que ceux qui ne sont pas derrière les agents sont ceux-là qui n’ont pas encore eu de cas sérieux de santé. Et de prendre l’exemple d’une femme enceinte souffrante d’une hypertension artérielle. C’est, selon lui, le genre de patiente dont le cas peut basculer d’une minute à l’autre dans le pire. La maman et le bébé peuvent perdre la vie s’il n’y a pas d’équipement adéquat, conclut-il.

 

Face à tout cela, que font les responsables du CHU de Bogodogo pour sauver les meubles ? Diane Kaboré, la directrice générale du Centre s’est montrée précise : « Nous avons réuni un minimum tendant à assurer la continuité des soins au profit des malades dans notre hôpital. Nous avons avant ce démarrage pris un certain nombre de dispositions que les textes nous permettent de prendre. Il s’agit du mécanisme de réquisition d’agents pour assurer le service minimum. Ces réquisitions concernent des points que nous appelons « services vitaux ». L’objectif, selon la DG, ce n’est pas de couvrir l’exhaustivité des services. Il y a au total 4 points de prise en charge des urgences. Pour les enfants, on a les urgences pédiatriques. Pour les adultes, on compte les urgences médicales, chirurgicales et gynécologiques.

 

 

 

« Il faut prendre à bras-le-corps le problème des travailleurs »

 

 

 

Outre cela, pour assurer une bonne prise en charge, il faut des services techniques. Ces services ne sont pas dans la prise en charge directe du malade, mais, confie Mme Kaboré, ils participent au diagnostic. Là, on parle du laboratoire, de l’imagerie médicale et de la pharmacie hospitalière. Au-delà de ces services, il y a les blocs opératoires. 

 

Après avoir identifié ces services vitaux, il est procédé à une organisation à travers les réquisitions qui ont été préparées pour envoyer aux agents de santé, sans oublier les apports externes du personnel paramédical, c’est-à-dire les infirmiers d’Etat et les sages-femmes. Après une première ronde, les responsables ont constaté quelques « trous ». Ce qui signifie qu’il y a quelques agents réquisitionnés qui ne se sont pas présentés. Face à cela, il fallait rapidement essayer de combler le vide en reconstituant de nouvelles équipes. Pour cela, un recours aux apports extérieurs s’est avéré nécessaire.

 

Avec la grève des agents de la santé du public, sans doute, les cliniques privées dans une certaine mesure sont sollicitées. Un basculement est possible en ces lieux, certains patients n’ayant pas d’autres choix que de s’y rabattre. C’est bien le constat fait à la clinique médico-chirurgicale Dr Issa Ouédraogo située à la zone n°1 de Ouagadougou. Le visage visiblement ravagé par la fatigue, Sinaly Djibo y a conduit son père à cause de la grève. Il devait avoir normalement, selon lui, son contrôle au district de Bogodogo. Les agents du public étant en grève, il ne pouvait que l’amener en clinique, vu que son état n’était pas des plus reluisants. Bien accueillis, ils ont pu honorer tous les examens demandés.

 

Sinaly Djibo est tout de même remonté contre les dirigeants actuels qu’il soupçonne de ne pas s’assumer. Ils doivent prendre à bras-le-corps le problème des travailleurs, y trouver des solutions, affirme-t-il. Pour lui, ce n’est pas seulement les agents de la santé qui sont en grève, mais toute l’administration qui est en ébullition. Et de se poser la question de savoir où on en est avec la rencontre sur la remise à plat des salaires. M. Djibo ne comprend pas pourquoi on traîne avec les choses. Si le gouvernement réagissait dans le bon sens, selon Sinaly Djibo, la tension assurément allait baisser. Il faut donc mettre les travailleurs dans de bonnes conditions, conclut-il.  

 

Pour cette première journée de grève, on ne dispose pas encore de statistiques, mais à en croire le SG du SYNTSHA, Pissyamba Ouédraogo, les travailleurs ont répondu positivement au mot d’ordre de grève. Le système sanitaire, a-t-il dit, est en train de s’écrouler, d’où son appel renouvelé à l’ensemble des salariés à ne pas se laisser tromper par les discours du gouvernement, de qui il est simplement attendu le respect des syndicats et de ses engagements.   

 

 

 

D. Evariste Ouédraogo

Akodia Ezékiel Ada

Dernière modification lemercredi, 22 mai 2019 23:32

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