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Mali-Burkina-Guinée : Fédération oyé !

 

La triple entente kaki a donc été scellée. C’était à l’issue d’une rencontre d’une journée entre les ministres des Affaires étrangères du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso. Les points saillants ont porté, entre autres, sur la réussite des processus de transition devant conduire au retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé, la promotion de la bonne gouvernance , la mutualisation des moyens pour relever les défis sécuritaires, économiques et humanitaires, le renforcement des relations tripartites par la dynamisation de l’axe Bamako-Ouagadougou-Conakry.

 

 

Mais l’on notera surtout la volonté de créer une fédération, une sainte alliance donc entre putschistes dont les pays sont tous suspendus des instances de la CEDEAO et de l’Union africaine en raison des coups d’Etat, parfois à répétition, qui y sont survenus.

 

 

 Il va sans dire que pareille initiative est forcément perçue comme une forme d’affranchissement  de la CEDEA0 contre laquelle un procès en suspicion plus ou moins légitime  est instruit par les autorités de Bamako, Ouagadougou et Conakry. On lui reproche notamment d’être au service des dirigeants et non des peuples, de prendre des sanctions jugées illégales ou illégitimes contre certains de ses membres, en l’occurrence la Guinée et le Mali, et, enfin, de n’être d’aucune utilité  et d’aucun appui dans la lutte contre le terrorisme qui endeuille chaque jour des contrées maliennes et burkinabè.

 

 

Mais sauf à quitter purement et simplement la CEDEAO, un tel projet est-il viable, dans la mesure où les textes  même de l’organisation sous-régionale proscrivent ce genre de mini regroupement considéré comme une volonté de saucissonnement d’un espace intégré quand bien même il n’est pas exempt de toute critique ? Mais puisque Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Mamadi Doumbouya veulent aller à la fédération, eh bien, chantons tous « Fédération oyé !», comme jadis dans les années 60 on avait chanté « Indépendance Cha Cha », pour les résultats qu’on voit six décennies après.

 

 

D’abord, une question se pose : appartient-il à des pouvoirs en transition de prendre une décision aussi importante dans la vie de leurs nations, un projet qui devrait en principe être soumis au préalable à référendum avant d’être réalisé ? Quand bien même ce serait par le fait des princes qui nous gouvernent dans les trois pays concernés, de nombreuses questions méritent d’être posées, tant de nombreuses personnes dissertent à souhait  sur la fédération sans en connaître forcément les implications.

 

 

 Une fédération, pour ceux qui ne le savent pas, c’est un ensemble d’entités territoriales qui ont décidé de mettre en commun leur politique étrangère, de défense, avec une seule monnaie, un seul président, une seule capitale et même une dénomination unique. Tout au plus, dans le fédéralisme, peut-on concéder certaines prérogatives aux entités membres, notamment dans le domaine de la santé ou de l’éducation. Au regard de ces multiples contraintes, nos petits Etats sont-ils prêts ou même seulement capables de réussir là où le Mali a déjà échoué avec le Sénégal au début des indépendances ? Et c’était en temps de paix, s’il-vous-plait. On peut raisonnablement en douter, surtout que maintenant nous sommes dans l’instabilité la plus criarde.

 

On pouvait donc comprendre qu’il y ait une coopération plus accrue, pour ne pas dire de petits services entre putschistes sur certaines questions, dans le domaine de la défense, de la sécurité ou des débouchés aéroportuaires. Mais de là à décréter ex-nihilo une fédération au détour d’une rencontre de ministres des Affaires étrangères, c’est à se demander si tout cela ne participe pas d’une certaine agitation politique sans lendemain.

 

 

Alors que les priorités sont ailleurs, surtout pour le Mali et le Burkina. Ce qu’on demande à Goïta  et à Ibrahim Traoré, ce n’est pas des mégas projets utopiques, à l’image d’une fédération alors que leur contrat serait bien rempli s’ils nous ramenaient la sécurité et s’ils arrivaient à assurer l’intégrité de nos territoires. Ce qui n’est pas gagné ni pour le Burkina où une bonne partie du territoire est occupée, encore moins pour le Mali qui a perdu le Nord depuis longtemps. Et ce n’est certainement pas avec la récente fusion des groupes touaregs signataires des Accords d’Alger que les choses s’arrangeraient.

 

 

On ne sait donc pas si dans les plans d’Abdoulaye Diop, d’Olivia Rouamba et de Morissanda Kouyaté, Kidal, Tombouctou, Menaka et Gao feront partie de la fédération. Comme diraient nos amis ivoiriens, « il faut quitter dans ça » et rapidement pour ne pas perdre du temps, de l’argent et de l’énergie pour une conception qui n’accouchera que d’un mort-né. Ayons vraiment le sens des priorités. A moins que ce ne soit la bonne vieille méthode de l’occupation permanente des esprits.

 

La Rédaction

 

Dernière modification lemercredi, 15 février 2023 21:18

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