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Procès du 28-septembre : « Toi aussi, mon neveu ! »

Cela fait un peu plus d’un mois que l’entracte du mélodrame qui se joue au palais de justice de Conakry dure. Il s’agit bien sûr du procès historique de l’ex-président guinéen, Moussa Dadis Camara, jugé pour un massacre commis le 28 septembre 2009 au pays de Sékou Touré, mais qui avait été suspendu depuis le 29 mai 2023 à cause de deux grèves successives.

 


La faute aux avocats qui avaient refusé de plaider parce qu’ils disaient n’avoir toujours pas été payés. Le 21 juin dernier, le fameux procès devait reprendre après un accord trouvé à la guerre du prétoire entre les deux parties. Malheureusement, il avait été une fois de plus ajourné, une grève des gardiens de prison ayant empêché cette fois-ci sa reprise. Malgré la reprise du procès lundi dernier, les avocats maintiennent toutefois la pression sur le ministre de la Justice, lui demandant de « régler leur problème » de paiement toujours pas résolu, d’ici la fin du mois courant, sous peine de poursuivre le boycott.


Mais l’audience aussitôt relancée, devait de nouveau être renvoyée, mais sans l’acteur principal, le médecin militaire guinéen Aboubacar Sidiki Diakité, dit « Toumba », aide de camp du président Moussa Dadis Camara, également chef de la garde présidentielle les « bérets rouges » au moment des faits. Il serait malade selon son avocat.


En l’absence de ce dernier, le rôle de vedette échoit donc à un autre accusé, le capitaine Marcel Guilavogui, ancien membre de la garde présidentielle, et par-dessus tout neveu de Moussa Dadis Camara. Ces deux derniers jours, le procès a viré à un débat familial, Marcel ayant chargé son oncle en affirmant à la barre que celui-ci était « le concepteur, l’ordonnateur et l’exécutant » du massacre du 28 septembre 2009 et les jours suivants dans un stade de la banlieue de Conakry et alentours. Tout le contraire de ce qu’il avait fait comme témoignage en novembre 2022.


Un massacre lors d’une manifestation qui avait pour objectif de faire pièce la candidature de Dadis Camara, et qui avait fait au moins 156 victimes tuées, une centaine d’autres blessées, et au moins 109 femmes violées ces jours-là, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU.


L’ex-président Camara et une dizaine d’anciens responsables militaires et gouvernementaux devaient donc répondre depuis le 28 septembre 2022 devant les juges de « dizaines d’assassinats et d’une litanie de crimes de violences sexuelles, actes de tortures, enlèvements et séquestrations ».
Devant donc la cour, le neveu de Dadis a parlé ; « J’ai décidé de dire la vérité. Je pensais que le président (Moussa Dadis Camara) allait avoir le courage d’assumer la responsabilité de ce qu’il avait planifié ». Le moins que l’on puisse dire c’est que le capitaine Marcel Guilavogui, devant la cour, était versatile, tant et si bien qu’un de ses avocats, Me David Béavogui, s’est déporté, affirmant ne pouvoir « défendre une chose et son contraire » et n’avoir plus « la force physique et morale » de se tenir aux côtés de son client dans ce procès.


De là à retourner ses propos contre son oncle, un pas a vite été franchi, puisque Dadis avait déposé une plainte contre son neveu. Et les protagonistes dans un scandale de famille de transformer la salle d’audience en un cirque, loin de ce à quoi les parents et ayants droit des victimes sont en droit d’attendre.


On espère toutefois que Toumba sera de retour aujourd’hui pour donner à écouter une version beaucoup plus cohérente et qu’avec les réponses aux questions qu’attendent sûrement de lui poser les avocats, les choses pourraient s’éclaircir davantage. En attendant, l’ancien président Dadis, vis-à-vis de l’ex-membre de sa garde, ne peut s’empêcher de soupirer intérieurement « Toi aussi, mon neveu ! ». En référence à cette douloureuse surprise de Jules César, qui l’aurait adressée en guise de dernier souffle à Brutus, quand il se vit attaqué par celui-là même qui lui devait tout et qu’il considérait pourtant comme son fils.


D. Evariste Ouédraogo

Dernière modification lemercredi, 12 juillet 2023 21:07

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