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Assassinat de Thomas Sankara: Ainsi donc, Roland Dumas emporte son témoignage dans sa tombe

Roland Dumas est mort ce 3 juillet 2024 à 101 ans.

Né le 23 août 1922 à Limoges, il s’engage à l’âge de 20 ans dans la résistance contre l’occupation nazie. Son père Georges, lui aussi, résistant sera exécuté par les Allemands le 26 mars 1944.

Etudiant le droit à Paris, Roland Dumas deviendra un ténor du barreau avant de s’engager en politique. Elu député en 1956,  il parviendra aux plus hautes sphères de l’Etat avec l’élection de  son ami François Mitterrand  en 1981.

Il fera une carrière honorable : ministre des Affaires européennes (1983- 1984), ministre des Relations extérieures (1984-1986), ministre des Affaires étrangères (1988-1993), puis à la fin de sa carrière président du Conseil constitutionnel. Une vie et une carrière bien remplies quoique assez sulfureuses pendant longtemps.  On prête d’ailleurs à Roger-Patrice Pelat, un ami du président, ces bons mots: «Mitterrand a deux avocats, Badinter pour le droit et Dumas pour le tordu». C’est dire le côté sombre de cette personnalité qui incarnait le côté obscur de la politique mitterandienne notamment en Afrique avec le soutien aux vieux dinosaures despotiques et la mise en place de réseaux de corruption,  tant et si bien que celui qu’on avait surnommé le «vice-président» aura maille à partir avec la justice à plusieurs reprises. Il a été éclaboussé par  l’affaire Elf Acquitaine  dans laquelle l’une de ses nombreuses maîtresses, Christine Deviers-Joncour, était impliquée, l’affaire des frégates de Taïwan et bien d’autres dossiers qui ont entamé sa réputation , même s’il s’en est parfois sorti à l’issue de longues batailles judiciaires.

On n’oubliera pas non plus que l’élégant Dumas était l’un des symboles vivants de cette gauche caviar,  lui  qui chaussait des Berluti payées par Elf Acquitaine à 11 000 francs français de l’époque.

Les Burkinabè, particulièrement les sankaristes,  n’oublieront pas le rôle que la France et certains de ses grands commis auraient joué  dans l’assassinat de Thomas Sankara avec la complicité, dit-on, de certains pays voisins.  Roland Dumas détenait-il des informations de première main sur l’enchaînement macabre qui a abouti à l’après-midi sanglant du 15 octobre 1987? On ne le saura sans doute jamais. En effet, lors du procès sur l’assassinat de Thomas Sankara qui s’est tenu du 11 octobre 2021 au 6 avril 2022, le tribunal militaire, sur requête de la partie civile, avait voulu entendre en qualité de témoins Roland Dumas, Jacques Lang, ancien ministre français de la Culture et Jean-Christophe Mitterrand, fils de François Mitterand et conseiller aux affaires africaines de son père au moment des faits, mais il n’en a rien été. Sur ce chapitre, Dumas emportera son témoignage dans la tombe au grand dam de la galaxie sankariste qui voulait l’entendre raconter ce qu’il sait ou ne sait pas de la mort du père de la Révolution burkinabè.

On retiendra aussi de ses liaisons africaines plus ou moins dangereuses, le soutien qu’avec Jacques Verges,  il avait apporté à Laurent Gbagbo au temps fort de la crise ivoirienne.

Quelque part donc,  c’est l’un des derniers vestiges de la françafrique qui s’en va au moment où l’image de l’Hexagone est de plus en plus écornée sur le continent et son influence de plus en plus réduite, notamment dans les pays sahéliens comme le Burkina, le Mali et le Niger.

 

Hugues Richard Sama

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